Différentes échelles pour analyser le savoir

Dans cette analyse, nous suivons Tiberghien et al. (2007a) pour préciser notre position vis-à-vis de l’analyse des savoirs enseignés. « Nous proposons de situer l’échelle temporelle des phénomènes que nous cherchons à déterminer. Pour cela nous suivons Mercier et al. (2005) qui considèrent que « chaque système produit son temps propre ». En d’autres termes, chaque système a sa propre échelle de temps. Le système éducatif de l’enseignement primaire et secondaire d’un pays, au moins en France et au Sénégal, dépend du gouvernement. Il comporte une succession d’années scolaires avec un programme officiel par année (et par filière). Mercier et al. (2005) nomme ce temps « le temps scholastique ». Ainsi ce temps se rythme par année scolaire et s’étend dans les pays européens sur une durée de 12 à 13 ans (12 années en France du CP à la terminale). Les programmes officiels déterminent le savoir à enseigner ainsi qu’une progression du contenu d’enseignement par année. En revanche, la progression par séance d’enseignement dans une classe se fait sous la responsabilité du professeur. Ce rythme d’introduction des nouveaux éléments du savoir enseigné est spécifique d’une classe. Mercier et al. (2005) nomment ce temps, « le temps didactique », qui est attaché au système classe. Chaque échelle de temps est située par rapport au temps physique» (p. 101-102). Le système temporelle est représenté par le tableau 1. 

Tableau 1 : échelles de temps selon les systèmes et la granularité de l’analyse;
Sous le contrôle de Temps du système Échelle de temps
Système éducatif (pays, région)
Temps scolastique Macroscopique
Année académique: Programme officiel selon les niveaux Année, Mois
Classe
Temps didactique Mésoscopique
Thème, Sub-thème, rythme d’introduction de nouveaux éléments de savoir Heure, minute
Classe, professeur ou élèves
Temps d’un énoncé, d’un geste Microscopique
Niveau fin de granularité de l’analyse Minute, seconde,

Chaque échelle de temps est donnée avec le temps physique. (Mercier et al les deux premières lignes et Tiberghien la troisième ligne).

Dans ce tableau, une troisième échelle de temps est proposée (Tiberghien, 2007 a), il ne s’agit plus du « temps propre » d’un système. Cette échelle correspond à celle de l’analyse du chercheur à un niveau de granularité plus fin. Pour caractériser une classe et ainsi la comparer à d’autres, le chercheur va étudier les événements de la classe à une échelle de temps et d’espace plus fine qui se situe autour de la seconde. L’échelle temporelle sera celle des énoncés ou des gestes des personnes et l’échelle spatiale, celle des événements intervenant les interactions élèves-professeurs, élèves-élèves.

Nous adoptons ainsi dans notre analyse trois échelles : macro, méso et micro. Cependant l’analyse au niveau microscopique diffère de celle présentée ci-dessus. Comme nous le précisons dans la méthodologie nous nous centrons sur les mots ou expressions utilisées dans la classe en lien avec l’objet d’étude du moment, notre analyse est donc essentiellement sémantique et lexicale. On peut noter que les didacticiens français des mathématiques ont principalement théorisé l’échelle méso. Dans les recherches en didactique des sciences, les travaux sur l’évolution des conceptions se situent à l’échelle de l’année académique ou à celle de quelques séances, les productions sont analysées essentiellement à une échelle mésoscopique alors que les « travaux sur l’évolution des élèves tout au long d’un enseignement se situent à l’échelle  microscopique et remontent à l’échelle mésoscopique » (Tiberghien, 2007 a).

De sorte que dans notre analyse du savoir, nous débutons par l’analyse des programmes (les savoirs à enseigner) des deux pays que nous situons, en référence à Mercier et al (2005) au niveau macroscopique. Ensuite nous nous intéressons aux savoirs effectivement enseignés, en prenant le thème comme unité d’analyse, dans ce cas nous nous situons au niveau mésoscopique. Le troisième type d’analyse porte également sur le savoir enseigné et se situe au niveau microscopique, l’unité d’analyse est le mot (ou une expression) que nous regroupons selon l’objet d’étude. Comme nous le présentons ci-dessous, les mots et expressions seront utilisés dans un outil qui permet de comparer les deux classes.