Les conceptions des élèves à propos de l’énergie

Nous donnons quelques résultats d’un bilan de recherche sur les conceptions des élèves dans le cas de l’énergie sur la période allant de 1981 à nos jours. Le mot énergie fait partie du langage courant, il est vraisemblable que cet usage influence sa conceptualisation dans la classe de physique. Dès 1981 Duit (1981) souligne que les élèves portent en eux des notions préconçues, issues de leur environnement, sur la signification du mot énergie.

Dans une synthèse (ASTER, 1986) menée par Koliopoulos et Tiberghien (1986), et portant sur une quinzaine de travaux de recherche sur la conceptualisation par les élèves des aspects énergétiques de situations physiques, cinq conceptions différentes du point de vue scientifique sont notées :

a) l’énergie est associée principalement aux objets animés ;

b) l’énergie est regardée comme synonyme de force

c) l’énergie est associée seulement au mouvement

d) l’énergie est stockée à l’intérieur des objets

e) l’énergie est considérée comme combustible.

Le premier constat qui sort de ces cinq conceptions est que « l’énergie est souvent associée à une action » (p. 169).

Pour donner des résultats plus précis, ces travaux ont été regroupés à partir de la nature des questions posées aux élèves, celles-ci faisant appel à différents niveaux de savoirs (l’âge des élèves examinés est entre 11 et 16 ans).

La première catégorie de questions « porte sur l’énergie à propos d’une diversité de situations concernant la vie de tous les jours et cherchant à connaître quel niveau de savoir est mobilisé. » Deux résultats sortent de cette analyse :

La deuxième catégorie de questions « se réfère à des situations réelles ou épurées (proches ou identiques de celles posées au cours de l’enseignement) où le savoir recherché correspond, plus ou moins, à celui mis en jeu dans les sciences physiques ». Les résultats sont les suivants :

La troisième catégorie de questions « s’inscrit dans une perspective pluridisciplinaire ». Dans cette catégorie, certaines questions demandent la mobilisation de savoirs appartenant à des disciplines différentes, d’autres sont destinées à connaître les points de vue des élèves sur l’utilisation sociale du concept de l’énergie. L’un des résultats le plus intéressant est le fait que les élèves les moins âgés ont tendance à relier le mot énergie aux activités domestiques et « locales » (sport, nourriture etc) et non à des problèmes plus généraux (production de l’énergie par les centrales électriques, épuisement des ressources énergétiques etc).

Les résultats obtenus dans les domaines précis de la physique sont les suivants :

L’enseignement que l’on peut tirer est que dans l’analyse des conceptions des élèves dans les domaines spécifiques (mécanique, électricité, thermodynamique etc), des termes faisant référence au mot énergie sont souvent présents dans leur interprétation des situations proposées.

Plusieurs revues de la littérature faisant une synthèse des résultats où sont comparées les conceptions des spécialistes et des non spécialistes (Koliopoulos et Tiberghien, 1986 ; Bruguière, Sivade et Cros, 2002) ont attiré notre attention dans un second temps. Ainsi, Ballini et al. (1997) pensent que les « non-spécialistes » « visent à associer, à identifier les associations établies spontanément entre le terme « énergie » et un certain nombre de situations concrètes » et que « la prédisposition des jeunes élèves à raisonner en termes de « posséder », « donner », « recevoir », dans le cadre d’un raisonnement linéaire causal, a été remarquée dans de nombreux domaines (…) ; s’il s’agit d’un obstacle majeur à la construction de certains concepts (force, courant électrique) et à la construction d’autres modes de raisonnements (bilans), il pourrait quand même y avoir là un schème facilitant pouvant servir de point d’appui au début de l’apprentissage » (p. 83). C’est aussi le cas des recherches menées par Lemeignan, Weil-Barais (1990 b) et Tiberghien et al (1991). Pour ces auteurs, l’idée que les jeunes élèves se font de l’énergie peut les amener à identifier les différents modes de transfert d’énergie et peut-être la forme macroscopique de l’énergie cinétique. C’est ce qui est confirmé par les résultats que Ballani et al (1997) donnent dans leur étude sur les conceptions des « non-spécialistes ». Les situations dans lesquelles interviennent les forces en mouvement sont généralement identifiées comme mettant en jeu de l’énergie, la chaleur et le rayonnement sont bien reconnus lorsque leur débit est important. Selon cette équipe, « les transferts, non directement perceptibles, devront faire l’objet d’une attention particulière ». En ce qui concerne l’énergie cinétique macroscopique, les recherches effectuées dans le contexte de l’enseignement ne signalent aucune difficulté particulière, ce qui n’est pas le cas de l’énergie potentielle d’interaction et la conservation de l’énergie. Il semblerait que «  des explications en termes de masses en mouvement semblent assez naturelles » (Ballani et al, 1999).

En ce qui concerne la conception des sujets « spécialistes », dans le sens de ceux qui sont en classe de physique (première scientifique et étudiants dans le supérieur) nous donnons quelques résultats synthétisés dans ASTER n° 24 (Ballani et al 1997) :

Il semble, selon ces différents exemples, que le recours au raisonnement spontané de type linéaire causal est utilisé par des personnes de tous âges, élèves ou étudiants. Un tel raisonnement constitue selon Ballani et al (1997) un obstacle à l’acquisition de certains concepts particulièrement ceux liés à l’énergie.

Les obstacles liés à ce genre de raisonnement (causale de A vers B) sont de trois ordres selon ces auteurs :

Nous nous arrêtons dans un troisième temps, sur les conclusions de Bruguière, Sivade et Cros (2002) qui reprennent l’analyse des conceptions des élèves en s’appuyant sur des travaux antérieurs en s’intéressant, dans leur cas, aux études qui donnent des éléments sur les mots permettant aux élèves d’identifier le concept d’énergie. Dans cette recherche quatre types d’association sont repérés :

L’intérêt de cette dernière étude est qu’elle s’apparente à notre orientation quand nous analysons la classe au niveau microscopique en utilisant des termes qui font référence aux phénomènes énergétiques. Seulement nous regroupons ces termes dans des unités d’analyse (objet d’étude) que nous appelons « ensembles conceptuels ».

Notes
1.

CAPES : certificat d’Aptitude Pédagogique à l’Enseignement Secondaire