Quelques cas de projets de recherche sur l’enseignement de l’énergie dans les lycées et collèges

Nous commençons par une étude qui s’apparente à une partie de notre travail en ce qu’elle utilise la représentation spatiale pour construire une forme de structuration de réseaux conceptuels entre les différents concepts ou notions faisant référence aux phénomènes énergétiques (Bruguière et al, 1994, 2002). Cet outil est destiné à la formation des enseignants selon leurs auteurs. Différentes représentations spatiales de concepts associés à l’énergie sont construites en vue d’être testées dans des sessions de formation d’enseignant. Dans un premier temps (1994) l’étude ne concerne qu’une discipline, la physique. L’intérêt de cet outil au dire de ces concepteurs est de permettre la concrétisation et la synthèse de multiples informations apportées par le texte d’un programme en faisant apparaître sa nature et son organisation pour en favorisant ainsi l’appréhension. Dans un deuxième temps (2002), les auteurs ont étendu l’étude à d’autres disciplines. Du point de vue des résultats, « les comparaisons des lexiques pris dans différents contextes disciplinaires ont mis au jour ce que sont les aspects de formes et de sources d’énergie qui s’expriment communément et que seuls les enseignants sont porteurs d’une communication intra et interdisciplinaire » (p.96). Le problème soulevé par cette étude c’est « comment donner du sens aux idées prégnantes et confuses de formes associées étroitement à celle de transformation (ou conversion, production) et de sources d’énergie ? » (p. 96). Pour pallier ce problème, ces auteurs proposent l’usage dans les classes du référent « chaîne énergétique » qui revêt un caractère interdisciplinaire car se retrouvant dans plusieurs champs notamment en géographie où on parle de « chaîne de conversion », en biologie de « chaîne alimentaire ». Ainsi, « la structuration conceptuelle associée à la notion de chaîne énergétique permet une entrée qualitative dans le concept d’énergie à travers les termes évocateurs de réservoirs, formes d’énergie, transfert d’énergie et transformation d’énergie. Même si ces notions[…] ne sont pas utilisées dans le savoir savant, ils sont porteurs de distinctions nécessaires pour appréhender de façon interdisciplinaire le concept d’énergie » (p. 96).

Une deuxième étude, commanditée par l’INRP (ASTER, 1985), se penche, entre autre, sur « les problèmes didactiques pour l’élaboration d’une trame conceptuelle de l’énergie » (p. 141). En revisitant d’abord les relations qui existent entre le concept d’énergie en sciences et les autres domaines (technique et économie), ensuite en faisant un éclairage épistémologique et didactique, les auteurs de ce rapport proposent pour l’enseignement des phénomènes énergétiques une trame conceptuelle qui part d’une définition de l’énergie et qui est composée de trois approches fonctionnelle (l’énergie est une fonction) ; causale et consumériste.

Ce projet considère donc le principe de conservation de l’énergie comme fondamental dans l’enseignement des phénomènes énergétiques. Nous pensons que le cloisonnement n’obéit qu’à un souci pédagogique, mais dans la pratique, aucune des approches n’est utilisée seule dans une classe, même si une de ces trois est plus usitée.

Contrairement aux études précédentes, la troisième que nous retenons ne privilégie pas la conservation de l’énergie. Elle est proposée par une équipe allemande, appelée projet didactique de Hermann. Ce projet se situe au niveau de l’équivalent allemand du collège, il s’appuie sur le rôle essentiel que jouent en physique les grandeurs extensives. Comme nous l’avons dit, la conservation de l’énergie est secondaire, mais elle permet d’accentuer la description substantialiste, donc un maniement facile des courants de transfert. De ce fait elle permet de faire apparaître les flux dans les actions de contact.

Pour Hermann, « l’énergie est donc un élément invisible, commun à tous les courants qui assurent la marche des machines, le chauffage etc, les courants étant les formes avec leur aspect matériel » (p. 146) (ASTER, 1985). Il différencie les énergies des « porteurs » et donne une classification des phénomènes :

Avec cette description les formes d’énergie correspondent aux « porteurs ».

La quatrième étude que nous visitons est proposée par Weil-Barais et Lemeignan, elle est développée dans le cadre des travaux menés par l’équipe de la recherche coopérative sur un programme d’INRP/LIREST (1994). Elle porte sur l’enseignement et l’apprentissage de la modélisation en physique. Ces auteurs précisent d’abord les différentes options possibles que doit prendre un projet d’enseignement/apprentissage de la modélisation : « options, d’ordre épistémologique (quelles conceptions des modèles va-t-on prendre en compte ?), disciplinaire (quels sont les modèles qui du point de vue de la discipline méritent d’être enseignés ?), pédagogique (quels moyens mettre en œuvre aux plans matériel et humain ?), psychologique (quel cadre théorique de l’apprentissage adopter ?) et social (quelles finalités de formation poursuivre ?) » (p. 85), Ensuite ils indiquent leur option qui est psychologique : « il s’agit d’une option développementale des apprentissages ».

Ces auteurs partent des études menées durant les vingt dernières années, sur les conceptions des élèves qui montrent que « non seulement les élèves qui débutent dans un enseignement ont déjà des idées sur les phénomènes et sur les concepts (des mots tels que atome, force, énergie, travail, chaleur, électricité, lumière, rayonnement, onde etc) mais que ces idées et concepts différent de ceux des physiciens tels qu’ils les pratiquent dans les modèles » (p. 86). Considérant comme tous les chercheurs, que les apprentissages en physique nécessitent des ruptures importantes dans la pensée des élèves, ils en déduisent que « la manière d’aborder cette question présente des variations importantes » (p. 86). Ainsi selon eux deux cadres théoriques permettent d’aborder cette rupture :

Partant des deux paradigmes suivants, celui des « micro-mondes » et celui du socio-cognitif, ils en déduisent que « les apprentissages concernant les démarches de modélisation sont donc davantage à considérer en termes d’évolution sur le long terme qu’en termes de changements locaux attribuables à des modifications de connaissances ou à un accroissement de celles-ci » (p. 87). Ils valident leur choix à priori en disant « qu’un cadre développemental était plus adapté pour concevoir l’enseignement et l’apprentissage des démarches de modélisation qu’un cadre micro-génétique du type « résolution de problèmes » et en ne rangeant pas au placard les activités de résolution de problème, mais simplement en disant « que leurs cadres conceptuels y afférant sont insuffisants à la fois pour penser la genèse de nouvelles démarches intellectuelles et pour concevoir des environnements d’apprentissage adéquats » (p. 87).

Ces chercheurs utilisent donc au cours des activités d’enseignement/apprentissage des chaînes avec le même symbolisme avec différentes représentations :

Le cinquième projet de recherche qui retient notre attention est initié depuis 1994 (Gaidioz et al., 1998 ; Pegase, 2007). Il privilégie le principe de la conservation de l’énergie, en plus d’introduire dans son volet « classe de première scientifique », le fonctionnement de la physique et les processus de modélisation. En le comparant aux propositions du rapport de recherche commandité par l’INRP, nous voyons qu’il privilégie l’approche fonctionnelle. Dans le texte du modèle de l’énergie que cette équipe propose, la conservation de l’énergie est le fil conducteur de toute la démarche qui utilise aussi les chaînes énergétiques. L’analyse des systèmes en interaction du point de vue énergétique fait constamment appel aux autres domaines de la physique (surtout la mécanique). Dans le volet fonctionnement de la physique, les textes proposés insistent sur la différence de signification des termes issus de la vie courante et de ceux de la physique. Le processus de modélisation, que nous avons présenté ci-dessus, est explicité en utilisant l’approche par les deux mondes (le monde des objets et événements et le monde de la théorie et des modèles). Dans la classe, le professeur qui l’utilise dans le processus de modélisation, l’introduit comme intermédiaire, entre la théorie et le champ expérimental. Cette approche est largement analysée tout au long de cette recherche, notamment au niveau macroscopique, dans l’analyse des programmes, ensuite au niveau microscopique dans l’analyse des mots et expressions utilisés dans chaque classe.