1.3. Dans le contexte français

Lyon est une création des Romains en 43 avant Jésus Christ. C’est sur la colline de Fourvière qu’ils construisent une cité appelée Lugdunum. De nombreux vestiges de cette époque subsistent encore aujourd'hui. Au Moyen-âge, c’est une ville commerçante attirant les marchands et les banquiers de toute l'Europe. Le quartier du « Vieux Lyon » est une architecture des XVème et XVIème siècles, il est classé au patrimoine mondial de l'humanité.

Lyon est la ville de la soie. Elle est la « Capitale Française de la Résistance » et elle est la patrie des grands journaux de la Libération. Jean Moulin (1899-1943) est la figure de proue de la résistance lyonnaise.

La période de reconstruction de l'après guerre permettra à la ville d'atteindre des horizons européens par le développement de moyens de communication modernes. La mise en place d'infrastructures solides tels le palais des congrès, l'auditorium, la bibliothèque de Lyon, la Maison de la danse, la création du quartier d'affaires de la Part-Dieu (1960) et dans les années 80 un centre d'exposition, Eurexpo, amènent Lyon a jouer de nos jours un rôle important au niveau européen. La communauté urbaine représente 1,5 million d'habitants et fait de Lyon la deuxième agglomération de France après Paris.

Lyon est une ville économiquement prospère. Tous les domaines du secteur tertiaire sont représentés et les industries, chimiques, pétrochimiques, pharmaceutiques, mécaniques, etc. sont situées en dehors de la ville. Lyon est une ville très connue pour sa cuisine et pour les vins : le Beaujolais au nord de la ville et les Côtes du Rhône au sud. C’est aussi une grande ville universitaire avec quatre universités : l’Université Claude Bernard Lyon 1, l'Université Lumière Lyon 2, l'Université Jean Moulin Lyon 3, l’Université Catholique ; et plusieurs Grandes Ecoles avec plus de 100 000 étudiants. Elle est la capitale de la Région Rhône-Alpes qui s'étend de la frontière Suisse aux contreforts du Massif Central et comprend plusieurs autres villes comme Grenoble, Annecy, Chambéry, Saint-Etienne, etc.

La richesse de la ville attire du monde en quête de bien-être. Depuis quelques années, Lyon accueille de jeunes travailleurs venant des villes telles que Paris et Marseille où la récession est beaucoup plus dure. Egalement, les demandeurs d’asile et les chômeurs de longue durée, ainsi que les personnes sans abri hébergées quelques nuits par le « 115 » dans des départements où elles ne font que passer. Les personnes en situation de handicap et d’errance sont comprises dans cette vague d’immigration d’autant plus accentuée que Lyon a une réputation nationale voire internationale d’une ville disposant d’un réseau d’assistance et de solidarité. Le lien entre la richesse de la ville et ce phénomène reste posé, surtout en ce qui concerne le traitement et la prévention des handicaps. Les évolutions récentes des politiques de santé conjuguent « des objectifs de la santé, de gestion des comportements individuels et de réponse aux effets de problèmes sociaux 19  ».

La dégradation extrême des conditions d’existence et la survie par « le maintien de soi » structurent la vie des personnes vulnérables dans la rue et notamment des personnes en situation de handicap et d’errance. Cette population hétérogène déclare des problèmes de santé spécifiques, certains étant directement liés aux conditions physiques d’existence, notamment les maladies de la peau et les problèmes pulmonaires, d’autres révèlent une dégradation de leur état de santé psychique (états dépressifs et troubles psychiques) 20 .

Selon l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion 21 , 5,5 millions de personnes bénéficient des minima sociaux en France. Dans son enquête nationale auprès des personnes sans domicile en janvier 2001, l’INSEE dénombre 86 000 personnes sans domicile. Nous pouvons affirmer que les rares données statistiques sur les personnes en situation de sans abrisme sont approximatives car, les individus dans la rue qui ne fréquentent pas les services sociaux échappent à toute enquête. Les demandeurs d’asile font l’objet d’un traitement statistique spécifique : 15% seulement sont hébergés en Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA), les autres étant renvoyés à leurs solutions personnelles (y compris la rue).

Dans l’Union européenne, près de 18 millions de citoyens sont sans logement ou vivent dans des conditions extrêmement précaires et sont confrontés à un stress aigu en matière de logement 22 . L’incidence du sans abrisme dans la vie d’un individu est fonction de sa durée et du moment de sa vie.

Il n’existe, à notre connaissance, aucune statistique globale sur les personnes en situation de handicap et d’errance. Les seules données existantes sont des données partielles et elles proviennent des services sociaux et médicaux (Samu social, 115, services d’urgences, Médecins du monde, Centres d’hébergement, etc.). Elles n’offrent d’ailleurs qu’une image partielle de la réalité. La Veille sociale de Lyon évalue à environ 50 le nombre de personnes en situation de handicap et d’errance qu’elle rencontre dans la ville. Elle n’y inclut pas les personnes hébergées dans les 800 places des centres d’hébergement d’extrême urgence pendant le Plan Froid, ni les locataires des foyers d’urgence, ni celles qui sont en squat.

Des enquêtes diverses fournissent des chiffres sur le handicap en France. Ainsi, il est révélé que 12, 6 % de la population française sont en situation de handicap (INSEE, 1999) ; 1% (600 000 personnes) souffrent de schizophrénie 23  : 6 millions vivent de minima sociaux et 2 millions sont des malades alcooliques.

La prévalence des troubles psychiatriques 24 dans l’enquête épidémiologique sur la santé mentale des sans abri parisiens révèle :

La discrimination des personnes en situation de handicap en Europe est une réalité à intégrer au plan national. L’Article 13 du Traité d’Amsterdam, complété par le Traité de Nice 25 , affirme que toute forme de discrimination fondée notamment sur un handicap doit être combattue. Ceci est réaffirmé avec vigueur dans la Charte des Droits fondamentaux 26 . Pourtant, les personnes en situation de handicap sont victimes de discriminations directes ou indirectes ; elles sont aussi victimes d’exclusions sociales dans leur vie quotidienne, si l’on en croit les principales conclusions du rapport «Handicap et exclusion sociale en Europe 27 » réalisé par les Conseils nationaux de personnes en situation de handicap et trois grandes Organisations non-gouvernementales, sous la conduite de l’Université d’Athènes. Nous en présentons quelques données :

Le rapport souligne d’une façon générale le manque criant, dans tous les Etats membres dont la France, d’aides véritables (financières et humaines) qui permettraient aux personnes de vivre leur autonomie lorsque c’est possible et de ne pas être « reléguées » lorsqu’elles ont un handicap très sévère entraînant des problèmes complexes de dépendance.

Dans toute l’Union européenne il est considéré comme urgent, dans le cadre de politiques dites de « convergence », voire dans des législations harmonisées, d’adopter des mesures visant à :

Quelle est la législation en France aujourd'hui? La loi d'orientation du 30 juin 1975 est considérée comme fondatrice en matière de solidarité nationale à l'égard des personnes en situation de handicap en créant des droits, des services, prestations et institutions couvrant divers aspects de la vie des personnes en situation de handicap. Cette loi a ensuite été complétée pour faciliter leur accès à l'emploi, à l'éducation, aux lieux publics et à leurs habitations.

L'obligation de solidarité nationale s'est vue renforcée avec l'affirmation d'un droit à compensation du handicap dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Le droit à compensation consiste en l'octroi d'aides techniques, humaines et financières en faveur des personnes en situation de handicap. La loi de modernisation sociale a également instauré un Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap ainsi que des conseils départementaux pour promouvoir la participation des personnes en situation de handicap à l'élaboration des politiques les concernant.

Accessibilité effective, autonomie financière, simplifications administratives et participation des intéressés. Ce sont les trois piliers sur lesquels pourrait reposer le projet de loi sur l'égalité des chances des personnes en situation de handicap dont les orientations ont été présentées en avril 2003 par le gouvernement au Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap (CNCPH), pour être débattues. Aussi, l'enjeu du projet de loi sur l'égalité des chances des personnes en situation de handicap sera de leur rendre effectives l'autonomie financière et l'accessibilité de la Cité. A ces législations, on peut ajouter celles sur la lutte contre les exclusions de 1998, sur le droit des usagers de 2002 et sur le droit au logement opposable à l’Etat de 2007 ainsi que la loi du 11 février 2005.

La loi de lutte contre les exclusions 28 constitue un dispositif visant à apporter des réponses aux plus démunis. Son programme mobilise des budgets importants venant de l’Etat, des collectivités locales et de l’Union européenne. Il s’inscrit dans un contexte de forte amélioration de la situation des personnes vulnérables :

La loi de rénovation de l’action sociale et médico-sociale 29 appelée dans le milieu des professionnels « loi sur les droits des usagers » fait suite à la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Elle vise à donner du corps à un ensemble de normes très disparates, existant parfois de longue date, mais aussi à développer des établissements et services dédiés à l’enfance en danger, la protection de la famille, aux enfants et adultes handicapés, aux personnes âgées ainsi qu’à tous ceux qui vivent en situation de grande vulnérabilité et d’exclusion.


La loi de 1975 était centrée sur les institutions du social et du médico-social, alors que dans ce nouveau texte le terme d’institution disparaît pour donner place à l’action sociale et médico-sociale mise en œuvre pour répondre aux besoins de l’usager. La loi affirme ainsi que « l’action sociale et médico-sociale est conduite dans le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains avec l’objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d’entre eux et en leur garantissant un accès équitable sur l’ensemble du territoire ».La démarche  se fonde sur quatre orientations :

Ce qui se traduit concrètement par :

Les objectifs poursuivis sont alors de quatre ordres :

Dès lors, l’action sociale et médico-sociale est davantage axée sur l’accompagnement et l’assistance que sur l’hébergement. Une charte pour le secteur rappelle les principes éthiques et déontologiques et, en particulier que chaque être humain doit pouvoir être considéré avec dignité et de ce fait a le droit sur le territoire français à une égalité de traitement. Des outils concrets sont rendus obligatoires par la loi. Ainsi les services et établissements doivent se doter d’un livret d’accueil, d’une charte des droits et libertés des usagers, d’un contrat de séjour, d’un projet d’établissement et d’un règlement de fonctionnement. La participation des usagers au sein de la structure doit être une réalité par la création d’un conseil de la vie sociale qui a un droit de regard sur le fonctionnement du service ou de l’établissement. Des personnes accueillies ou accompagnées par la structure ainsi que des familles peuvent y débattre des conditions d’accueil ou de résidence, questionner les projets et l’organisation.


L’enjeu de cette loi est que la personne, vulnérable du fait de ses difficultés, puisse vivre comme « sujet », sa maladie, sa situation de handicap ou sa problématique. En ce sens, la structure qui lui propose une « offre de service » se doit de tout mettre en œuvre pour contrôler que ses besoins fondamentaux sont satisfaits, et l’associer à toutes les décisions qui concernent son projet de vie.

Un dernier texte que nous citons est la loi sur l’égalité des droits et des chances 30 . Elle tente de répondre aux questions dont se posent les personnes en situation de handicap, à savoir :

La loi donne une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant».

Notes
19.

Revue Santé mentale. 26 février 2002

20.

Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. 2002. Le rapport 2001–2002, Paris, Documentation française.

21.

Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Idem.

22.

Dragana, Avramov. 1995. Les sans-abri dans l’Union européenne. Contexte social et juridique de l’exclusion du logement dans les années « 90 », Bruxelles, FEANTSA

23.

Declerck, Patrick. 2001. Les naufragés. Avec les clochards de Paris, Paris, Terre Humaine.

24.

Kovez, V. et Mangin-Lazarus, C. 2001. Enquête épidémiologique de la santé mentale sur les sans abri parisiens, in Declerck Patrick. Les naufragés. Avec les clochards de Paris, Paris, Plon

25.

Loi n ° 2001-603 du 10 juillet 2001 autorisant la ratification du traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, J.O. du 11 juillet 2001.

26.

Union européenne. 7 décembre 2000. Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Nice.

27.

Rapport « Handicap et exclusion sociale en Europe », consultation du 21 janvier 2004 au 12 mars 2007 au site http://www.fnath.org/relations_internationales/rapexc.html

28.

Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions

29.

La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale

30.

Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées