4.2. Le cumul des situations de handicap et d’errance

4.2.1. Les gens à la rue, c’est rare que ce soit un choix

4.2.1.1. Seule la rue m’a adoptée 

Nous avons interviewé en priorité des personnes ayant vécu longtemps en situation d’errance.

Durée de présence dansla rue
6 mois-2 ans
3 ans -9 ans
10 à 9ans
Plus de 20 ans
Dakar
7%
40%
43%
10%
Lyon
13%
47%
23%
10%

La durée de présence dans la rue peut être très longue : à Dakar, la moitié des personnes passe plus de 10 ans dans la rue ; toute une vie pour certaines. A Lyon également, le tiers des personnes vit dans l'errance depuis plus de 10 ans.

La vie à la rue, rendue incontournable pour ceux que Corinne Lanzarini 172 nomme les « sous-prolétaires », est une « sorte de camp de la souffrance à ciel ouvert ». Car elle provoque la fragilisation des bases anthropologiques de la personne. C’est un monde de privation (logement, travail, nourriture, soins, intimité, soutien etc.), d’autant plus difficile à vivre que s’y rajoute la situation de handicap. Une femme, atteinte de la lèpre, l’exprimait ainsi :

« C’est dur d’être pauvre et malade. Je suis abandonnée par tout le monde.

Seule la rue m’a adoptée ».

La durée de vie dans la rue peut n’être qu’un passage. Pour les personnes que nous avons rencontrées, elle dure de 3 à 20 ans et plus. S’il n’est pas possible de parler d’une « condition » commune aux personnes en errance, il est possible d’évoquer un dégradé de situations vis-à-vis de l’emploi, du logement, de la famille et de la santé. Nous rejoignons la majorité des sociologues qui affirment qu’il n’y a pas de catégories de « Sdf ». Ce terme raccourci n’assigne pas une place, même déqualifiée, à l’individu. Les personnes en situation de vie à la rue ne constituent pas un groupe social homogène, ni à Lyon, ni à Dakar.

Notes
172.

Lanzarini, Corinne. 1997. Violences extrêmes et dissolution des bases anthropologiques des sous- prolétaires à la rue, in Misères du monde, Toulouse, Erès, p. 19-83