4.3.1.2. Entre gens de la rue, on se comprend

Le groupe de pairs est un support essentiel, davantage encore à Dakar qu’à Lyon (67% / 37%). Car tout un système d’assistance (hébergement d’urgence, distribution de nourriture, etc.) existe à Lyon, ce qui n’est pas le cas à Dakar.

Au Sénégal, on retrouve principalement les personnes issues des villages de reclassement (qui vivent d’une façon plus communautaire à la rue), ainsi que les personnes atteintes de déficiences motrices, avec ou sans fauteuils roulants. Le processus d’individualisation de l’individu étant plus prégnant en France, le groupe des pairs devient le réseau le plus accessible pour créer quelques liens lorsque l’on vit dans l’errance.

Il est important de distinguer les « cercles » des groupes des pairs. Car, dans cette recherche ce qui est appelé groupe des pairs est constitué par l’ensemble des personnes en situation d’errance, partageant parfois le même handicap (à Dakar notamment) ou accueillant la personne isolée en situation de handicap (à Lyon principalement). Par contre, le groupe des pairs génère beaucoup de méfiance pour un tiers (ou plus) des personnes (33% à Dakar, 43% à Lyon). Le manque de solidarité, le racket et la violence multiforme vécus dans la rue sont des invariants qui traversent les continents.

Si, à l’inverse, le soutien offert par les pairs est plus apprécié que celui du réseau social, c’est en grande partie à cause de partage et de solidarité vécue dans les actes de la vie quotidienne. C’est cette perception qui est mise en avant par le sous-groupe de ceux que Patrick Declerck 189 appelle les « clochards », fortement représentés au sein de la population-cible à Lyon. Cependant, entre solidarité ponctuelle et règlement de compte, l’ambivalence du lien ressort.

Notes
189.

Declerck, Patrick. 2001. Les naufragés. Avec les clochards de Paris, Paris, Terre Humaine.