4.3.1.5. La rue, c’est une famille

Pour bon nombre de personnes en situation de handicap et d’errance, la rue est perçue comme une famille. Cette famille a pour particularité d’avoir des frontières poreuses, avec des relations spontanées et des rythmes de rencontre / séparation / retrouvailles rapides.

« Un jour, on va se voir. Le lendemain, on va se séparer. Quand on se retrouve – des fois après des mois et des années - on fait la fête ! »

Pour une majorité de personnes en situation d’errance (comme bien d‘autres consommateurs au sein de la société française), le « bien boire » 195 vise à trouver un certain bien être en vivant un bon moment de convivialité. La gestion du boire, avec un produit ambivalent comme l’alcool, peut avoir aussi un sens de destruction. La plupart des dysfonctionnements liés à une alcoolisation excessive sont considérés comme des effets secondaires du boire quotidien. Loin d’être à l’aveuglette, les conduites à risque demeurent dans la ritualisation : la personne affronte l’ordalie en mettant toutes les chances de son côté. 196 La personne apprend à maîtriser son boire dans des effets qu’elle juge socialisants au sein du groupe des pairs. La nocivité des effets est jugée davantage par rapport au corps social que par rapport à son corps. Dans cette « pratique douce », elle cherche des stratégies pour se maintenir dans les limites positives de l’alcool, en maîtrisant au mieux ses effets. 197

Notes
195.

Roquet, Emmanuel. 1999. L’usage de l’alcool au sein de groupes de sans-abri, Paris, Sciences Sociales et Santé 2, p.59-75.

196.

Le Breton, David. 1995. La sociologie du risque, Paris, PUF

197.

Xiberras, Martine. 1996. Les théories de l’exclusion, Paris, Armand Colin