5.1.1. 2. On est les champions du Handisport de Basket

On appelle handisport tout « sport dont les règles ont été aménagées pour qu'il puisse être pratiqué par des personnes ayant un handicap physique ou sensoriel. » ²⁰² Les personnes ayant un handicap mental participent au « sport adapté ». La plupart des sports sont basés sur des sports existants. Certains sports, créés spécifiquement pour les personnes en situation de handicap, n'ont pas d'équivalent en sport valide.

Sur le plan organisationnel et historique, le sport est réparti selon trois grandes catégories de handicaps : les déficiences sensorielles (auditives et visuelles), les déficiences motrices et les déficiences intellectuelles. Chaque groupe a sa vision personnelle, avec son histoire propre, son organisation et ses compétitions.

D’abord activité de loisir, le handisport devint rapidement une activité de compétition. Depuis 1989, toutes les structures de sport pour les personnes en situation de handicap sont regroupées par le Comité international paralympique. Pendant ce premier demi-siècle de Handisport, des femmes et des hommes, athlètes de haut niveau, s'y sont illustrés. Offrant un palmarès de mille champions médaillés des Jeux paralympiques, ils ont marqué l'histoire du sport en France et dans le monde. ²⁰³ Les jeux mondiaux ont eu lieu tous les quatre ans depuis 1924. Dans plus de vingt disciplines, leurs exploits illustrent leur goût du dépassement et leur élan de combativité, aussi puissant que celui des sportifs des Jeux olympiques. Ils y partagent des valeurs humaines fortes, à travers leur passion, leur bonheur, leur solidarité et leur sens de l’honneur.

Si le handisport a des bénéfices pour développement personnel et pour la santé, il est aussi un moyen de reconnaissance des personnes en situation de handicap par la société. Car, au lieu d’accentuer leurs limites, celle-ci pointe alors sur leurs potentialités.

Pour les personnes atteintes de déficience motrice, le handisport a souvent été utilisé dans un objectif thérapeutique pour leur rééducation (des vétérans de la Seconde Guerre mondiale devenus paraplégiques ou des victimes d’accidents). Pour favoriser leur rééducation de façon ludique, le neurochirurgien Ludwig Guttmann a organisé, dès 1948, les « jeux de Stoke Mandeville » (à l’hôpital londonien), qui ont donné naissance aux Jeux paralympiques. Créé en 1955, le Netball a été rapidement remplacé par le Basket-ball en fauteuil roulant : devenu sport de compétition, pratiqué aujourd’hui dans plus de 80 pays, Le basket-ball en fauteuil roulant a été un des premiers Jeux paralympiques (en 1960 à Rome).

Nombreux sont les personnes en situation de handicap et les équipes qui ont participé aux Jeux de l'avenir des personnes handicapées d'Afrique (JAPHAF) et aux jeux paralympiques mondiaux.

Trois jeunes hommes (âgés de dix huit à trente ans), vivant à la rue près de la cathédrale de Dakar, y ont participé. Ils en parlent avec passion :

« Nous nous entraînons plusieurs fois par semaine au gymnase. C’est notre vie et nous en sommes fiers ! »

Ils ont organisé leur emploi du temps et leurs activités pour s’entraîner et devenir de véritables athlètes. Et de décrire la solidarité qui existe entre eux grâce au sport, tous sur fauteuil roulant et mendiant dans la rue pour nourrir leur famille. Tout leur groupe de pairs est investi dans cet engagement, dans ce dépassement de soi à travers la compétition, en vue de la victoire. Ce dimanche matin d’avril 2005, ils se lancent le ballon de basket, tout en plaisantant. Ils se déplacent à toute vitesse dans leur fauteuil roulant sur le large trottoir devant la façade de la cathédrale.

« Grâce au basket-ball, nous autres, « handicapés moteurs » nous avons beaucoup voyagé. »

En participant aux compétitions sportives de haut niveau, leurs équipes paralympiques sont allées dans la sous-région (Afrique subsaharienne avec la Mauritanie, la Gambie, la Guinée Bissau, etc.), mais aussi en Afrique du Nord et en Europe.

Ils précisent que cela leur est possible grâce au soutien de Handicap International qui les a formés et leur a fourni les équipements, les maillots, les fauteuils roulants et les voiturettes de déplacement.

Il leur est arrivé de remporter des médailles. Ils ont eu droit à des « articles élogieux » dans la presse du pays dans lequel ils ont remporté la victoire. La presse du Sénégal « en a parlé un peu ». Mais la médiatisation de tels événements est médiocre, car les athlètes Handisport sont rarement considérés comme des athlètes de haut niveau à part entière, du fait de leur déficience.

« Ce n'est pas normal car nous avons d’excellents résultats au niveau national et international. Parfois, les médaillés sont récompensés par le ministre du Sport et par le président de la République. Mais après, on est complètement oubliés. Les gens, ici, ne connaissent rien à ce qui se passe en dehors du Sénégal.»

Ils posent la question de la reconnaissance sociale – alors qu’ils subissent les relations de mépris dans la rue- et s’interrogent sur leur insertion socioprofessionnelle. Certes, des ONG ²⁰⁴ comme Handicap International tentent de promouvoir handisport comme moyen d’insertion socioprofessionnelle. Eux désirent être embauchés dans une entreprise ou monter un petit commerce, en vain. Le soutien s’arrête au loisir et à la reconnaissance internationale générée par Handisport. Dans la réalité, aucun athlète en situation de handicap ne vit de son sport.

Les propositions qu’ils font tournent d’abord par une demande de soutien social global, qui permette de sortir de la situation d’errance par l’accès à un travail. Puis leurs demandes visent l’accessibilité des sports à toutes les personnes en situation de handicap, que leur déficience soit motrice, sensorielle ou psychique. Car le sport, c’est du plaisir, du bien-être et une liberté d’expression et de mouvement retrouvée. Ils insistent aussi sur l’aspect santé : tant physique (avec un développement de l'autonomie et de la fonctionnalité), mais aussi psychique, car il offre un moyen de se surpasser et crée un état d'esprit de "battant" qui rejaillit sur toute la vie quotidienne. C’est aussi l’accès à un statut social valorisé, déjà quand le sport se situe dans le cadre des loisirs, encore plus quand il y a accession à un statut d'athlète de haut niveau, national ou international, qui plus est reconnu par le mouvement sportif.

De multiples actions collectives sont développées par les groupes des pairs, au sein de mouvements citoyens, tels que :

• l’action des enfants de Don Quichotte qui a contribué au vote de la loi sur le logement opposable en 2007 et au déblocage de crédits pour l’hébergement d’urgence et durable des personnes sans abri,
• la défense des Droits des personnes en situation de handicap et d’errance dans les tribunaux. C’est ainsi qu’un tribunal a condamné la pratique des arrêtés anti-mendicité, avec l’évacuation des personnes en situation de handicap hors de la ville (ainsi que la confiscation des fauteuils roulants et des béquilles) en 2005 à Dakar ; que des squatteurs ont vu leur droit à demeurer dans les lieux tant qu’ils ne sont pas voués à la destruction (avec dédommagement du propriétaire qui avait cassé les vitres de la pièce squattée).
• la pratique des parrainages républicains pour appuyer, à la mairie dans le cadre de solidarités citoyennes et du respect des droits de tout citoyen, la régularisation de familles réfugiées – et insérées en France avec leurs enfants scolarisés - depuis des années,
• La participation aux célébrations des « Morts sans toi(t) » à l’Hôtel de Ville de Lyon, en présence du Maire de Lyon et de tous les citoyens qui se sentent concernés par la mort des personnes à la rue, avec une amplification du phénomène (avec une progression inquiétante des morts anonymes, lorsqu’aucun nom ne peut être rattaché au corps retrouvé). Pendant cet hommage qui compte beaucoup pour les personnes en errance (« la preuve qu’on est pas des chiens ! »), elles ont l’occasion de s’exprimer publiquement et de faire connaître leurs réflexions par la médiation d’une exposition « paroles et photos » autour des droits de l’homme. Elles interviennent ainsi au CLRD (Conseil lyonnais pour le respect des droits), organisateur de cette manifestation. Le CLRD est une antenne de la mairie qui regroupe les associations et les politiques de la Ville de Lyon. Il est un organe de vigilance pour alerter le Maire sur les injustices et les inégalités criantes. La Ville de Lyon est signataire de la Charte européenne des Droits de l’Homme dans la ville.