5.2. Heureusement, on a nos réseaux

Néanmoins ce réseau social permet aux personnes interviewées de développer des liens sociaux qu’elles apprécient. L’errance leur permet de réguler ces liens à leur rythme, selon leurs besoins, entre assistance et indépendance vis-à-vis des services sociaux.

Ainsi le réseau social 209 joue un rôle de protection pour l’individu intégré socialement. On sait que les risques de morbidité et de mortalité sont accrus par l’isolement social. Pour la population doublement stigmatisée par la situation d’errance et de handicap, les relations sociales parfois nocives (ce sont des obstacles) ou protectrices (ce sont des facteurs facilitateurs). L’analyse du soutien social perçu nous offre ici une partie de la réponse.

A Dakar, le réseau social est décrit comme le seul facteur facilitateur : 40% des personnes l’apprécient, tandis que la grande majorité affirme le vivre de façon paradoxale.

« Il n’y a que ceux qui passent là qui nous aident. Autrement, il n’y a personne d’autre ! »

Et pourtant, 60% ne mentionne pas le réseau comme facilitateur. Car la perception qu’elles en ont est ambivalente : du fait du rapport de mendicité, elles éprouvent un sentiment de honte ou d’humiliation de par le rapport inégalitaire d’assistance. Tous pointent comme obstacles le domaine économique (avec la raréfaction de l’emploi et l’inexistence des ressources), l’inefficacité des systèmes sociaux et l’absence de dispositifs d’insertion. Quelques personnes, atteintes d’une déficience motrice sévère au niveau des jambes, signalent la circulation comme un obstacle dans leur vie quotidienne, du fait de la dangerosité physique et la pollution atmosphérique d’une part et d’autre part de leur difficulté à pratiquer la mendicité d’autre part.

Par contre, peu de personnes n’ont mentionné les problèmes d’accessibilité des lieux publics, tellement l’horizon d’une pensée sur l’aménagement de voies d’accès semble lointain ou hors de portée. Pour tous, la survie reste la visée prioritaire.

A Lyon, les principaux facilitateurs mentionnés sont d’abord les systèmes sociaux pour la quasi-totalité des personnes : ils offrent une aide en moyens matériels et une écoute, éventuellement des possibilité d’insertion. Puis en second, pour les deux tiers des personnes, les ressources économiques, à savoir les allocations RMI et AAH leur permettant de vivre. 14% des personnes soulignent l’intérêt du soutien offert par le réseau social. Enfin, au niveau de l’environnement, une personne souligne les avantages de l’espace urbain à Lyon, en terme de squats possibles, de revenus de la manche et de réseaux sociaux d’assistance. Une personne en fauteuil roulant souligne l’inaccessibilité de certains centres d’hébergement d’urgence.

Le réseau social est situé comme un obstacle pour 40% des personnes à Lyon : elles ont fait l’expérience d’une rupture des liens lors de leur processus d’exclusion et éprouvent des difficultés à en renouer d’autres dans leur situation d’errance. Le deuxième obstacle est celui de l’économique (pour un tiers des personnes). Deux raisons sont invoquées : soit les allocations octroyées sont insuffisantes pour reconstruire un autre mode de vie, soit les personnes refusent de se sentir assistées et de risquer d’être rackettées. Pour elles, le travail reste le seul référent pour gagner de l’argent tout en gardant sa dignité.

Notes
209.

défini comme « l’ensemble des personnes avec lesquelles l’individu a des contacts »