5.2.1. Il y a de la solidarité au village, mais ma famille est tellement pauvre

Généralement, la famille constitue le premier recours pour la personne, et normalement pour aussi la personne en situation de handicap et d’errance qui a un besoin. Ces rapports effectifs (et affectifs) résultent des règles d’obligations mutuelles. Celles-ci dépendent tant de leurs spécificités que du degré hiérarchique dans lequel se trouve la personne. Les normes de sociabilité et d’entraide existent. La force des liens qui en découlent dépendent de la parenté agnatique et utérine. Tous les membres d’une famille n’ont pas la même chance de bénéficier d’une aide en cas de nécessité. Pour les géniteurs, l’entraide existe tout au long de leur vie. Elle dépend du lignage entre les frères et les sœurs.

Avec l’exode rural, les liens de solidarité qui s’exerçaient entre les membres d’une même famille, sont mis à mal. Les nouvelles valeurs de la modernité ont déstabilisé les systèmes d’échange traditionnel. D’autres modèles culturels ont fait leur apparition, avec l’urbanisation et le rêve de l’eldorado occidental. La précarisation socioéconomique accélère le processus d’éclatement des familles larges qui étaient les cellules de base de la société sénégalaise. Le processus d’atomisation de l’individu est initié. Sa visibilité s’exprime particulièrement à travers les situations des personnes en situation de handicap et d’errance.

Si les liens de sang et de lait étaient tributaires du rang occupé par la personne dans la famille, ils dépendent aussi des éléments conjoncturels tels que la proximité spatiale et les affinités humaines. Les personnes en situation de handicap et d’errance cumulent ces éléments conjoncturels du fait de leur éloignement à Dakar et de l’effet répulsif de leur stigmate auprès de leur famille d’origine. Même si des liens subsistent, ils ne sont jamais assez forts pour qu’on leur propose un toit où habiter en famille, d’une part.

D’autre part, les personnes en situation de handicap et d’errance subissent de plein fouet la crise économique, sans revenus de subsistance et sans travail adapté pour assumer leur charge de chef de famille. Ce qui ne fait que « fatiguer » davantage les réseaux de solidarités familiales. Car s’ils résultent des normes sociales, ils sont aussi tributaires des possibilités financières, des contraintes spatiales et des affinités personnelles. Néanmoins, en ville, ils constituent encore la trame principale des relations sociales sur laquelle se greffent souvent le réseau intra-ethnique.