5.2.2. Les anciens, ils prennent les décisions pour le groupe

La société wolof est marquée par une certaine complexité du fait du système des castes. Une bipartition oppose les « géér » (caste supérieure) et les « neeno » (caste inférieure). Chaque caste est subdivisée en sous-groupes, en sous-castes : par exemple, les « neeno » sont composés par les artisans, les griots, les courtisans, les esclaves, etc.

La situation des personnes en situation de handicap et d’errance dépend du lien qu’elles ont avec la hiérarchie. Car les relations de caste continuent à exister masquées sous le visage démocratique de la société moderne. Mais leur situation dépend plus encore de la gérontocratie, des sages et des patriarches. Car ces derniers détiennent le pouvoir et orientent les actions socioprofessionnelles et l’acheminement des œuvres caritatives. Les personnes en situation de handicap du fait de la lèpre sont les dernières à en bénéficier sauf celles qui ont décidé d’aller à Dakar pour mendier. A ces dernières, la communauté villageoise reproche leur absence du village et surtout la pratique d’une activité qui les discréditent.

Plus que tous les autres, les « étrangers » en provenance des pays limitrophes se plaignent. Ils ont dû acheter cher un bout de concession pour y habiter et ils restent traités de façon discriminante :

« Les étrangers, ils n’ont absolument rien ! Ils ne reçoivent pas d’aide, ni du gouvernement, ni des ONG. C’est le secrétaire du village qui fait les tris. Il s’enferme avec les blancs. Lui, il a fait cinq fois la demande et il n’a jamais rien eu ! »

« Les premiers qui sont venus là bas sont les mieux implantés. Ils sont les plus considérés. C’est eux qui ont les pirogues. Leurs fils ont des boutiques. C’est la classe aisée en quelque sorte ! »

Les voisinages et les associations sont caractéristiques de la sociabilité urbaine des personnes en situation de handicap et d’errance. Les relations sociales se nouent au travers des liens étroits entre voisins et autour de l’appartenance à une association. La vie associative est multiple et s’étend de la base villageoise ou ethnique à la dimension professionnelle, sportive ou culturelle. Les « tontines » se développent sur une base de partage financier. Moyens de cristallisation des relations amicales, ces associations poursuivent des finalités d’entraide.

La générosité s’inscrit dans un système d’échange. Ses retombées positives se mesurent en capital symbolique. Le réseau social principal des personnes en situation de handicap et d’errance est constitué des différents types de donateurs : les gens qui donnent l’aumône, les bienfaiteurs, les restaurateurs et les commerçants. Il y a aussi la multitude de ceux qui leur rendent des services : la lingère, la personne qui leur vend l’eau, les vendeurs, les gardiens d’immeuble, etc.

Presque toute la totalité des personnes affirment que c’est aussi dans le réseau social de voisinage qu’ils puisent en grande partie leur soutien social matériel, et même un soutien en termes d’estime de soi.