6.1.2. La vie, c’est dur, mais rien ne vaut la vie

6.1.2.1. Mon assistante sociale, elle me comprend

Par contre, si les besoins en soutien social matériel sont premiers, le soutien social émotionnel et d’estime de soi a été priorisé tout au long des échanges. C’est cette reconnaissance de la personne humaine en tant que telle qui est aussi demandée en terme de transformation, car beaucoup souffrent des réactions de rejet ou de mépris, y compris dans des lieux d’accueil sociaux et médicaux.

La question de l’accompagnement social est posée par les personnes en situation de handicap de cette façon (représentée dans ce schéma) : soit le référent social est perçu comme suffisamment proche et disponible, soit il lui est reproché son manque d’investissement dans la relation (l’indifférent qui se réfugie dans l’acte administratif), soit il donne l’impression de prendre la fuite plutôt que d’écouter (même s’il est souvent impuissant à développer des solutions concrètes pour répondre à la demande).

Car, ce qui est premier, c’est le développement d’une attitude empathique qui génère de la confiance. Le référent social devient alors un soutien suffisamment fort pendant les périodes critiques. Ce qui est en cause ici, c’est sa capacité à écouter « l’insupportable » vécue par les personnes, et de plonger avec la personne en situation de souffrance dans le présent.

L’écoute de la personne en situation de souffrance
L’écoute de la personne en situation de souffrance
Le sujet en situation de souffrance
Le sujet en situation de souffrance

Ce n’est pas par hasard si beaucoup de personnes en situation de handicap et d’errance ont des difficultés à se projeter et à imaginer un monde plus adapté. Par rapport à la question des transformations souhaitées, nous avons constaté une difficulté à se projeter et à imaginer un monde plus adapté aux personnes en situation de handicap. Leur existence est, dans leur quotidien, une acceptation d’instants successifs. Le rythme du nomadisme « fait de brièvetés, de cadences accélérées et d’intensités ne permet pas l’attachement. Ou plutôt il n’en pose pas la nécessité, puisque l’éternité se vit au présent. »  221

Cette adaptation à la survie urbaine s’exprime à travers les échanges et les débats dans les accueils de jour. Un homme, qui préfère dormir dehors « tranquille » plutôt que de risquer « d’attraper des bêtes » dans les centres d’hébergement ou de se faire voler « les papiers et tout », parle de cette philosophie de la vie : « Je viens là, souvent épuisé par la nuit dans le froid, et j’écoute. Les gens, ils ont tellement de problèmes que je me dis que, pour moi, ce n’est pas grand-chose. Et ça me redonne du courage ! La vie, c’est dur, mais rien ne vaut la vie ! »

Notes
221.

Maffesoli, Michel. 1997. Du nomadisme, vagabondages initiatiques, Paris, Le livre de poche, p. 113