6.3.2.3. Moi, je ne me sens bien que dans la rue.

Le morcellement croissant des sociétés, en permanentes transformations, fait éclater les rôles sociaux prédéfini pour l’individu. L’errance est une aventure sociologique porteuse de sens. Face à un surcroît d’autonomie et de liberté, l’individu circule au grès de ses pulsions, de son imaginaire, de son plaisir. 263

L’errance est une manière de vivre le pluralisme structurel, une « extase ». Elle est un des archétypes latents des phénomènes sociaux, une vie aux identités 264 multiples. Elle peut aussi être l’expérience d’une vraie liberté, une vie dans le présent, dans la communion avec un principe vital qui survit à l’individu.

Les personnes en errance développent trois types de rapport à la marginalité :

Elles se situent à des étapes différentes : la fragilisation, la routinisation et la sédentarisation. 265

Leurs nouvelles sociabilités dépendent de leur degré d’insertion dans les réseaux. Une (sous)-culture de la place publique se construit autour des impondérables de la vie quotidienne (quête d’argent, de nourriture, de niches urbaines pour dormir, etc.), avec son langage et ses rituels. La boisson en est un vecteur en tant que lien, « objet de transaction sociale », avec une régulation de l’alcoolisation par le groupe. Les « clochards » perpétuent une culture de la rue. Nous avons choisi de développer quelques unes des problématiques énoncées (et données à voir à travers leurs corps) par des personnes touchées par le processus de clochardisation.

Notes
263.

Maffesoli, Michel. 2000. Le temps des tribus, le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes, Paris, la Table ronde, p. 105-111

264.

L’identité est définie comme « ce qui fait qu’une chose est de même nature qu’un autre, ensemble des circonstances qui font qu’une personne est bien telle personne déterminée », Dictionnaire Petit larousse 1980.

265.

Guiliani, Frédérique. Vidal-Naquet, Pierre. 2001-2002. Les personnes sans domicile fixe, modes de vie et trajectoires, in les travaux de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, Paris, La Documentation française, p. 372-374