7.3. La lutte contre l’exclusion, ça concerne tout le monde 

7.3.1. La rue dans une vie, c’est une épreuve

Le logement est le lieu de ressourcement intime dans lequel la personne reconstitue ses bases anthropologiques. Le revenu lié à l’emploi permet d’assurer des conditions de vie plus décentes, avec une image valorisée de travailleur. C‘est pourquoi .les principales transformations souhaitées par les personnes en situation d’errance et de handicap concernent d’abord le logement, puis l’emploi. Leurs aspirations sont les mêmes que celles de l’ensemble de la population : désirer avoir un chez soi dans lequel il soit possible de vivre avec sa famille ; ou avoir un travail proche qui permette de nourrir la famille (et de consolider sa maison pour qu’elle soit habitable) sans être obligé de quitter le domicile pendant des semaines, voire des mois.

En ce qui concerne les propositions d’hébergement et de logement, les personnes sans abri à Lyon désirent de préférence avoir des appartements « comme tout le monde ». Mais la crise du logement provoque une saturation des dispositifs d’insertion, avec des logements transitoires (chambres meublées, en hôtels ou en foyers) qui deviennent pérennes. Les centres d’hébergement d’urgence fonctionnent avec des seuils de saturation réguliers, accueillant une population orientée par défaut de logement social et décourageant les personnes vulnérables en situation d’errance. S’y ajoutent les demandeurs d’asile, isolés ou en famille, en recours ou déboutés.

Le dispositif de logement social et celui de l’urgence sociale se télescopent. Alors, l’hébergement rotatif devient un fonctionnement de l’urgence sociale (« Quatre jours à la rue et trois jours au 115. Il faut que tout le monde en profite, à tour de rôle ! »). Et les bidonvilles poussent comme des champignons sur les terrains non occupés de la ville. Peu enclines à se battre, les personnes en situation de handicap et d’errance sont parmi les premières à en faire les frais. Grâce à l’accompagnement social, les équipes de rue, en collaboration avec le 115 et les centres d’hébergement, parviennent heureusement à leur faire bénéficier de places à l’abri. Elles bénéficient souvent d’un traitement privilégié, quand à la durée de leur prise en charge dans les foyers. Mais celles qui posent des problèmes de comportement structurent leur vie entre « le dedans et le dehors », au rythme des exclusions. La mise en place de structure d’hébergement d’urgence en algéco 329 , avec tolérance de l’usage de l’alcool et autre produit psychotrope,

L’épreuve de la rue a tellement provoqué la dissolution ou la fragilisation des liens sociaux que les personnes (isolées majoritairement) n’osent même plus penser à reconstruire un foyer et à vivre un bonheur durable. La sexualité a été passée sous silence, mais les besoins d’intimité se sont exprimés sous la forme d’une plainte touchant aux profondeurs de l’être.

Car la vie dans la rue, axée autour de la recherche de subsides pour satisfaire les besoins vitaux, fait vivre dans un temps séquentiel qui rend difficile l’émergence de projets de sortie de l’errance.

Pourtant le processus de résilience amène certaines personnes à développer des stratégies de résolution de problème. Ce processus se nourrit de la confiance en soi activée par le lien social, quand celui-ci est perçu positivement. Ce soutien rejaillit sous la forme de revalorisation de l’identité de la personne qui peut alors se libérer des stigmates imprégnés en elle, dépasser le sentiment de honte et imaginer un « autrement » qu’à la rue.

Aussi il n’est pas étonnant de constater que, derrière les demandes en aides matérielles (nourriture, logement, argent, vêtements, hygiène, prothèses, etc.), se cache un désir de reconnaissance et d’estime. Il est semblable à la partie cachée de l’iceberg : plus fort, plus puissant que la partie visible du besoin matériel exprimé. Ce désir est d’autant plus violent qu’il se heurte à des représentations du handicap et de l’errance insupportables pour ceux qui ont à les affronter.

Ces perceptions nouvelles influent sur les personnes en situation d’errance et de handicap en faisant évoluer leur rapport avec l’environnement. Leur participation à la vie de la communauté s’en trouve améliorée. L’interaction entre le lien social et l’élaboration d’une identité personnelle plus valorisante a été démontrée : quand les liens sociaux sont quasi-inexistants, la personne a tendance à se réfugier dans des stratégies d’ajustement centrées sur l’émotion (sur le mode du partage émotionnel ou de l’addiction), ou de la création d’un contre-monde, un autre monde qui est celui de tous ceux qui se sentent exclus dans leur chair.

Notes
329.

Cabane de chantiers installée sur des terrains