Annexe n°3 : Extraits du Rapport de synthèse des études des niveaux de vie et des recherches participatives dans les villages de reclasse-ment social du Sénégal,période de mai 2000 à juillet 2003 de Mahamath CISSE, 2003, Dakar, DAHW (Association allemande pour l’Aide Aux lépreux et aux Tuberculeux) 467

Le contexte

Politique, économie, pauvreté handicap

Le niveau communautaire

Conflits et tensions autour de l’aide, multiplicité des interventions sans coordination, manque de vision communautaire et d’organisation villageoise, manque de solidarité intra communautaire.

Les VRS (Village de reclassement social)

7726 habitants en 2003, soit 0,05% de la population sénégalaise (9 777 000 habitants), dont 48% de femmes. Un des traits distinctifs des VRS est celui de la diversité ethnique et linguistique de leur peuplement.

Depuis 1999, il n’y a pas de nouveaux malades « exilé » en VRS. Cela s’explique par les progrès réalisés avec la PCT, par la sensibilisation de la population et par l’explosion démographique de la population des VRS. Le taux de nuptialité des habitants est très élevé car les malades ont commencé à procréer tardivement, après leur stabilisation grâce à la PCT. A Mballing par exemple, la densité est de 3,15 habitants au mètre carré. Cette concentration humaine s’accompagne d’un renforcement de la promiscuité familiale. Les conséquences sociales sont accentuées par la situation de pauvreté des ménages (abandon scolaire, incendie, insécurité, grossesse précoce, etc.). Cette situation sert de soubassement pour diverses formes de déviance et de violence (drogue, délinquance, etc.)

Le cadre de vie est en relation avec les autres facteurs de développement socio-économique, tels que l’éducation et la formation.

L’habitat se modernise : les cases en banco deviennent des maisons en matériaux modernes. Beaucoup d’habitations n’étant pas achevées, les familles s’entassent encore dans les anciens pavillons. Les conditions d’hygiène et d’assainissement sont désastreuses. A défaut de lieux d’aisance, il y a des trous dans le sol des concessions. Ce qui met particulièrement en difficulté les personnes victimes d’amputations.

Le taux de déficiences physiques et sensorielles est élevé (de 15 à 33% selon les villages). Ce qui rend pertinent, selon l’OMS, les interventions de développement et humanitaires.

Les personnes en situation de handicap du fait de la lèpre forment une population vieillissante (97% ont plus de 60 ans). Les jeunes de moins de 35 ans représentent 60% de la population. Affectés psychologiquement par leur appartenance à une famille et à un village stigmatisé comme « lépreux », ils subissent un blocage dans le développement de leurs propres ressources humaines. Marginalisés, ils subissent d’autant plus le manque de travail et la pauvreté. Beaucoup sont entretenus par les chefs de famille mendiants, âgés et mutilés, qui se retrouvent à devoir faire vivre plus de 10 personnes en moyenne par ménage.

La taille des ménages dépend du statut social et de l’appartenance aux cercles des fondateurs du village. Ceux-ci gardent un certain pouvoir lié aux premières attributions des terres, avec un système de revente à ceux qui sont arrivés après les répartitions. Cette valorisation sociale selon l’ordre d’arrivée leur permet de garder une main mise sur les instances de décision et de bloquer les velléités d’émergence des autres groupes sociaux (les jeunes adultes et les femmes notamment). L’âge intervient comme un facteur de légitimation dans la différenciation sociale.

Malgré cela, on assiste à l’émergence progressive des enfants de personnes en situation de handicap du fait de la lèpre comme nouveaux acteurs pour la gestion des biens et des ressources communautaires. Ils déterminent les actions et les stratégies avec les personnes atteintes de déficiences motrices du fait de la lèpre.

La taille de la famille élargie ne dépend pas de la situation économique du chef, mais du consensus et de la solidarité intracommunautaire. Les stratégies d’affrontement des problèmes de survie sont déterminantes.

Une des particularités des VRS est la forte représentativité des personnes seules (célibataires, divorcés ou veufs) et des couples sans enfants (33%). Sans liens d’alliance ou de sang avec d’autres familles du village, ils sont oubliés, sans ressources distribuées, et vivent un drame à la fois social et psychologique.

La déficience motrice et sensorielle du fait de la lèpre touche plus les personnes âgées, acculées pour les unes à leur propre survie et pour les autres à la reproduction des ménages. Dans les VRS, plus de la moitié des chefs de ménage sont des personnes en situation de handicap du fait de la lèpre. Elles sont engagées dans le processus de gestion des ressources communautaires et dans les structures d’entretien et de reproduction sociale. Les jeunes nouveaux malades adultes refusent de servir de main d’œuvre bon marché en se plaçant sous le tutorat des « anciens ». Ce refus des formes d’exploitation érigées jusqu’alors en normes sociétales génère des tensions entre anciens et nouveaux.

Les femmes chefs de ménage, anciennes malades de la lèpre pour la majorité, sont actives dans les structures d’entretien sociale et assument la gestion de leur famille. Elles sont dans le commerce et la mendicité.

Activités économiques

L’artisanat est un secteur stratégique, mais sinistré.

Dans les villages proches d’une « capitale départementale » (dont Mballing), les revenus principaux viennent de secteur informel : du commerce, de la pêche, de l’artisanat, des secteurs privés ou des petits emplois. Les autres villages vivent des activités agricoles et pastorales. Ils connaissent deux contraintes de taille : le manque de terres cultivables et la difficulté de l’écoulement de leurs produits.

Conditions de vie et mendicité

Développant des stratégies de survie, plus du tiers des personnes en situation de handicap du fait de la lèpre pratiquent la mendicité dans les grandes villes. Mais, compte tenu de la conjoncture et l’accroissement du nombre de mendiants, les revenus baissent.

Conditions d’existence précaires, âge, trottoir, ni intimité ni protection. Conditions d’hygiène et d’assainissement désastreuses. Dort dehors, mangent les restes dans la rue. Mendie en couple, avec enfant.

Manque d’opportunités d’activités génératrices de revenus / besoins sociaux économiques de leur famille.

Cette catégorie souffre de déficit d’information sur la vie de la communauté et peut se retrouver exclue du système de redistribution des dons et des ressources.

Du manque de suivi dans l’éducation des enfants, de la séparation qui ne permet pas d’assurer la sécurité familiale et l’affection au quotidien.

Les réseaux de mendiants à Dakar, selon les affinités, pour assurer la survie au quotidien (partage des frais du groupe, gestes de solidarité, etc.). La capitalisation des ressources financières est estimée mensuellement entre 12 000F et 55 000F. Selon la clientèle, l’emplacement, la stratégie (fixe ou mobile), le degré de handicap (atouts). Dépenses mensuelles pour la nourriture de base d’une famille de 6 personnes restées au village entre 22 500F et 55 000F.

Leur capacité d’épargne est quasi inexistante, avec des emprunts pour les dépenses de santé, d’éducation des enfants et autres besoins sociaux.

13% de femmes parmi les mendiants, pratiquement tous PAL, des VRS.

L’insuffisance de revenus (ou l’absence) constitue le facteur déterminant de la pauvreté. Il dépend du taux de chômage et de sous emploi particulièrement élevé dans les VRS.

La catégorie des PAL est touchée par une précarité massive sur le plan économique. 75% des ménages vivent sans aucun revenu. Cette prévalence de la pauvreté est accentuée quand elle concerne les femmes (37% des chefs de ménage, divorcées ou séparées ou veuves) touchées par des formes de vulnérabilité multiples (pas ou peu de qualification professionnelle, charge familiale, travail pénible, handicap, accès difficile au micro crédit, etc.).

La cuisine

La majorité de la population vit avec le minimum vital, ne disposant que rarement d’excédents alimentaires, assurant le strict minimum aux trois repas sous forme de céréales. Ces repas, réduits à un ou deux par jour en cas de nécessité, sont un des moyens de prévention des risques économiques. Le bois de chauffe ou le charbon de bois servent de combustibles. Ils sont moins chers que le gaz, utilisé uniquement pendant la saison des pluies

Les stratégies de survie s’appuient de moins en moins sur les revenus agricoles, mais plutôt sur les revenus de transfert. Développant des stratégies de gestion des risques, les populations des VRS varient leurs sources en migrants hors du village pour obtenir des revenus de transferts (vente de bétail, mendicité…), en cultivant un peu de mil et d’arachide quand il y a des terres et en développant des activités génératrices de revenus.

Les structures associatives :

Mais ces structures révèlent une certaine léthargie des habitants, ancrés dans l’aide et l’assistance depuis des décennies. La marginalisation interne de leurs jeunes cadres est en partie la cause de leur représentativité associative peu dynamique. Mais certains VRS, comme Mballing, ont fait preuve d’une dynamique communautaire et associative qui leur ont permis de déléguer des conseillers ruraux dans les communautés dans l’espace local.

Les microcrédits sont principalement investis dans le petit commerce, activité de prédilection pour les femmes.

Notes
467.

Nous avons synthétisé des extraits de ce rapport qui permet de saisir la place de la mendicité pour les personnes en situation de handicap du fait de la lèpre (PAL) en interaction avec la précarisation de la population des villages.