III – Situation économique entre 1993-1997

La manne déversée par l’APRONUC, (Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge), pour l’organisation des élections de 1993 a créé un boom financier qui a attiré des intérêts de type maffieux. Les enrichissements sans causes sont spectaculaires, l’économie « immergée » devient florissante.

En dix ans le Cambodge est devenu l’un des pays les plus dollarisés au monde. L’abolition de la monnaie et du système bancaire sous le régime des Khmers Rouges, l’instabilité politique et l’insécurité jusqu’au début des années 90, le déversement brutal d’une manne de 1,7 milliard de dollars lors des opérations de l’APRONUC en 1991 et 1992, de même que le retour au pays de nombreux cambodgiens exilés, rendent compte de l’émergence du dollar comme principale monnaie de paiement. Entre les deux alternatives qui s’offrent à lui d’aller vers une complète dollarisation ou de dédollariser son économie, le Cambodge semble pencher pour la seconde option, tout en ayant bien conscience de la nécessité d’une approche graduelle 30 .

Le système monétaire cambodgien se caractérise par l’importance des avoirs en dollars et le niveau particulièrement élevé des transactions s’effectuant au comptant. Le dollar américain représente environ 90% de la monnaie en circulation, 93% des dépôts du système bancaire et 98% des actifs des banques. L’intermédiation bancaire en riels est minime dans la plupart des établissements bancaires, certains refusant même tout dépôt en monnaie locale. D’autre part, les activités de prêts des banques se limitent généralement à des opérations de crédits commerciaux à court terme. Il n’y a, en pratique, pas de restrictions sur les transactions de comptes courants et en capital 31 .

Les prix des biens et services commercialisés au Cambodge sont habituellement affichés et payés au comptant en dollars dans toutes les grandes villes du pays. Cependant, depuis peu, Electricité du Cambodge et la Régie des Eaux de Phnom Penh facturent leurs clients en riels. Monnaie de paiement des salaires de la fonction publique, le riel est utilisé dans les transactions de faibles montants et sert également de monnaie d’appoint au dollar, celui-ci valant actuellement quelque 4200 riels. L’usage du chèque bancaire, y compris lorsqu’il est libellé en dollars, n’est guère répandu, celui de la carte de crédit encore moins.

Réintroduite au Cambodge au milieu des années 90, la monnaie métallique a circulé pendant une courte période. Bien qu’elle ait toujours cours légal, on n’en trouve plus en circulation. Aux coupures de 100, 200, 500, 1 000, 2 000 riels qui tiennent lieu de petite monnaie, s’ajoutent les coupures de 5 000, 10 000, 50 000 et 100 000 riels, mais ces deux dernières sont rares et donc peu utilisées. Au total, le montant en circulation des billets libellés en riels représentait l’équivalent d’environ 135 millions de dollars à fin novembre 2000.

L’utilisation de devises étrangères se trouve facilitée par l’existence d’un marché des changes très actif qui regroupe plus de 24 agences de change agréées par la Banque centrale (National Bank of Cambodia). Ces agences sont réputées réaliser les trois quarts des opérations de change au Cambodge. Depuis 1994, la Banque centrale fixe chaque matin le cours officiel du riel sur la base des cours constatés la veille dans trois des plus importantes agences de change, de façon à contenir dans la limite de 1% l’écart entre le cours officiel et le cours réel du riel. Grâce à cette politique, la Banque Centrale n’a pas eu besoin d’intervenir sur le marché depuis la seconde moitié de 1997. Le retour de la croissance en 1999 lui a même permis de consolider ses réserves en se portant acquéreur de devises sur le marché local.

Les progrès réalisés par le Cambodge sur la voie de la stabilité financière ont conduit à une réduction très significative de l’inflation, mais n’ont pas encore permis d’enrayer la tendance à une dollarisation croissante de l’économie. Reprenant confiance après que la situation politique s’est normalisée fin 1998, les opérateurs économiques ont rapatrié les avoirs en devises qu’ils avaient prudemment retirés du pays lors des événements de 1997. Si bien que les dépôts en devises dans le système bancaire cambodgien sont revenus à leur niveau antérieur, à plus de 60% de la masse monétaire élargie 32 .

Le gouvernement essaye d’attirer les capitaux extérieurs grâce à une loi sur les investissements particulièrement attractive, mais, en terme d’industrialisation, les résultats réels sont décevants.

La crise politique de juillet 1997 fait fuir les intérêts maffieux, met en difficulté les rares entreprises sérieuses, tarit de nombreuses sources d’aides (FMI, Banque mondiale, Etats-unis...) : quelques 40 000 cambodgiens perdent leur emploi, le commerce local baisse de moitié.

Tableau 1 : Situation générale du Cambodge, 2005
Généralité
Superficie 181 035 km²
Population 13,9 millions (en 2005)
Densité 74 habitants par kilomètre carré
Croissance démographique 1,9%
Religions Bouddhistes, musulmans (moins de 5%)
Langue officielle Khmer
Capital Phnom Penh
Organisation politique
Nature de l’Etat Royaume
Nature du régime Monarchie constitutionnelle depuis 1993
Chef de l’Etat et titre S.M. NORODOM Sihamoni, Roi du Cambodge
Premier ministre M. HUN Sen
Composition du Parlement :
- Assemblée Nationale
- Sénat

PPC 73 sièges, FUNCINPEC 26 sièges, PSR 24 sièges
PPC 45 sièges, FUNCINPEC 10 sièges, PSR 02 sièges
Effectifs des Forces armées 113 210 hommes
Principaux indicateurs économiques en 2000
Monnaie Riel (KHR) et USD (économie dollarisée à 80-90%)
Taux de change 1 USD = 4 200 KHR
PIB 6,2 milliards de dollar US
PIB par habitant 454 USD
Taux de croissance du PIB 13,4%
Balance courante (hors transferts) -268 millions de dollars
Taux d’inflation 6,3%
Taux de chômage 5,34% (en 1998)
Dette extérieure 3,18 milliards de dollar US = 50,6% du PIB
Ratio du service de la dette 1,8% des exportations de biens et services
Dette publique 0,8 million USD (à fin décembre 2000)
Réserves de change (en mois d’importation) 2,5
Balance commerciale
En millions USD 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Exportations vers le reste du monde (FOB) 1095 1292 1600 2100 2479 2773
Importations - reste du monde (FOB) 1413 1504 2200 2600 3228 3822
Solde commercial -318 -212 -600 -500 -749 -1049

Source : FMI, NIS, MEF, NBC, Missions Economiques, 2006, données regroupées par auteur.

Notes
30.

Chan S., Godfrey M., Kato T., Long V. S., Orlova N., Per R., and Tia S., (1999), « Cambodia: The challenge of Productive Employment », Working Paper n° 8, January, page 2.

31.

Kannan K. P., (1995), « Construction of a Consumer Price Index for Cambodia: A review of Current Practices and Suggestions for Improvement », Working Paper n° 1, November, page 5.

32.

Kannan K. P., (1997), « Economic Reform, Structural Adjustment and Development in Cambodia », Working Paper n° 3, January.