III – Durabilité de la croissance

Le maintien du taux actuel de croissance de la production dépend dans une large mesure des perspectives de croissance continue des exportations et d’une optique de long terme pour les investissements. Les chiffres en 2001 font penser que les bons résultats de 2001 vont vraisemblablement se renouveler et même s’améliorer pour l’année 2002. Or, il n’est pas certain que les facteurs sur lesquels repose la reprise actuelle puissent être maintenus à moyen terme sans d’importants changements structurels dans l’économie.

A la faveur de la stabilité politique retrouvée fin 1998, le Royaume a renoué avec une croissance forte et non inflationniste. Très dépendante des importations, cette croissance reste également tributaire du maintien d’une aide internationale substantielle.

Conjugué à la stabilité politique retrouvée fin 1998, le redémarrage de l’aide internationale acté lors de la 4ème réunion du Groupe Consultatif de la Banque Mondiale sur le Cambodge en février 1999, l’entrée du Cambodge dans l’ASEAN deux mois plus tard, et la reprise, depuis octobre 1999, du programme de facilités d’ajustement structurel du FMI ont permis au Cambodge de renouer avec un taux d’expansion soutenu. Tombée à 1,5% en 1998, la croissance a, selon les dernières estimations du gouvernement, rebondi à 6,9% en 1999, 7,7% en 2000 et 6,3% en 2001. Relativement conservateur, l’objectif de croissance pour 2002 vient également d’être revu à la hausse, de 5 à 5,5%. Au cour de ces trois dernières années, la croissance a surtout été tirée par les performances à l’exportation de l’industrie de l’habillement, seule industrie émergente du pays, et par le développement du tourisme, l’agriculture (32% du PIB) peinant à se remettre des terribles inondations de 2000. Cette croissance s’accompagne en effet :

Traditionnellement déficitaire, le budget de l’Etat (643 millions de dollars en 2001, 687 millions de dollars en 2002, soit 18% du PIB) est aux deux tiers absorbé par les dépenses courantes, elles-mêmes fortement concentrées sur les salaires de la fonction publique (34% en 2001) et sur les secteurs de la défense et de la sécurité (27%). Malgré l’introduction réussie de la TVA en 1999, les recettes demeurent insuffisantes pour couvrir les dépenses d’investissement, en grande partie financées par l’aide budgétaire et par l’aide aux projets apportée par la communauté internationale.

Le Cambodge est donc un pays lourdement endetté, avec une dette grossièrement estimée à près de deux milliards de dollars (environ 60% du PIB), mais qui a été partiellement allégée depuis le passage du pays en Club de Paris en 1995 et l’octroi d’un rééchelonnement selon les termes de Naples. Des accords bilatéraux ont été conclu avec tous les créanciers, à l’exception des deux plus importants, les Etats-Unis (dette estimée à 360 millions de dollars) et la Russie (1,3 milliard de dollars si l’on retient un cours officiel du rouble de 0,6 pour un dollar). Les discussions bilatérales ont cependant repris et le FMI estime que le service de la dette reste soutenable si des accords de consolidation intervenaient avec ces deux pays.

L’explosion des exportations du secteur de l’habillement (confection et chaussures), qui ont été multipliées par sept depuis 1996 pour atteindre 1,1 milliard de dollars en 2001, et le dynamisme des recettes du tourisme n’ont pas été suffisants pour permettre un redressement du solde de la balance courante, en raison du fort contenu en importations de la croissance, de l’importance de la facture pétrolière et de la baisse des exportations de bois : le déficit courant s’est cependant stabilisé autour de 8 à9% du PIB ces dernières années, soit 5 à 6% du PIB en intégrant l’aide internationale sous forme de dons.

Le Cambodge a attiré 1,1 milliard de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) depuis qu’il s’est doté d’un dispositif d’encouragement des investissements en 1994. Après avoir culminé à près de 761,8 millions de dollars en 1996, les flux entrants d’IDE ont toutefois fortement chuté sous le double impact de la crise asiatique et des événements de 1997. Entre 2000 et 2004, ils stagnent à un niveau modeste, autour de 230 millions de dollars, et tardent à redémarrer, ce qui menace l’équilibre de la balance des paiements. Alors même que le Royaume peine à créer des emplois pour les 15 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, les investisseurs potentiels paraissent découragés par l’étroitesse du marché intérieur, les lourdeurs des procédures administratives, ainsi que le coût élevé et la faible qualité des infrastructure. L’accord commercial entre les Etats-Unis et le Vietnam et l’entrée toute récente de la Chine à l’OMC pourraient en outre détourner un flux croissant d’investissements du Cambodge vers les pays voisins, où la main d’œuvre n’est pas significativement plus chère et les infrastructures de meilleure qualité.

Tableau 3 : Projets d’investissement approuvés entre 1998 et 2005
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Total
Nombre de projets 143 91 62 39 31 47 55 104 1122
Capital d’investissement (en million de USD) :
Approuvés
Réalisés


850,2
339


447,9
133


269,2
159


197,7
178


235,6
132


251,2
81


216,9
161


777,1
---


6723,4
1531

Source : CDC/CIB (Cambodia Investment Board), (2006), données regroupées par auteur. Les données sur le nombre d’emplois créé par les investissements réalisés ne sont pas disponibles.

Les investissement se sont bien donc comportés jusqu’en 1999, année durant laquelle l’investissement public croît de 47,6% et l’investissement privé de 31,8%. En 2000, c’est la chute (-36,6% pour l’investissement public et -16% pour l’investissement privé). En 2001, la situation est faible (9,9%) ou encore négative (-5,3%). La part de l’investissement qui faisait plus du quart du PIB en 1999 (25,6%), n’est plus que de 20-21,4% durant les années 2000-04. une reprise est nette en 2005 ; elle doit s’accélérer en 2006. Toutefois, l’investissement privé s’accroîtra seulement au taux annuel moyen de 9,5% contre une moyenne de 10,8% pour les années 1996-98 ; elle continuera à rester importante, à l’ordre de 60% pour 2000-2004 47 .

Au total, l’équilibre de la balance des paiements ne sera assuré à moyen terme que si l’aide extérieure se maintient à un niveau suffisant (autour d’un demi-milliard de dollars par an) et si le Cambodge parvient à conclure des accords de rééchelonnement de sa dette avec ses deux principaux créanciers bilatéraux, les Etats-Unis et la Russie, en application de l’accord conclu en Club de Paris en 1995.

Notes
46.

Les données disponibles de source internationale (CNUCED : Conférence des Nations Unis sur la Coopération Economique et de Développement) et locale (CDC) sont hétérogènes. Les données domestiques sont elles aussi variables au sein du même organisme : il faut donc leur accorder une valeur nuancée en ce qui concerne les montants absolus et essentiellement indicative en termes de dynamique et d’évolution comparée des flux.

Les investissements se répartissent entre 5 secteurs clés : l’énergie, le textile, les mines et le ciment (tous les deux en 4ème position) et le tourisme. A noter également que les données disponibles couvrent les investissements approuvés tant étrangers que domestiques (33% du total en 2005), (cf. Missions Economiques, (2006), « L’investissement direct étranger au Cambodge », Fiche de synthèse, septembre, page 3).

47.

CDC/CIB, « Cambodia Investment Board », 2006.