IV – La coalition des patrons

Les capitalistes louent aux prolétaires leur force de travail, et se constituent en cartel pour éliminer entre eux la concurrence sur le marché du travail et maintenir ainsi le salaire au plus bas niveau possible. Et ce plus bas niveau possible ne peut être que le salaire de subsistance. De fait, le salaire ne peut descendre durablement au-dessous de ce niveau, sauf à imaginer que la bourgeoisie pousse la cruauté et la bêtise jusqu’à se priver elle-même de la source de ses profits, la source de la plus-value étant dans le travail des salariés. Et le salaire ne peut monter, non plus, au-dessus du salaire de subsistance, car les patrons feraient alors un cadeau inutile au prolétariat, se privant pour rien d’une part de leurs profits 102 .

La théorie est donc sauvée, mais au prix d’une faute logique qui sera lourde de conséquence. En effet, a priori, il n’y a aucune raison d’admettre que les patrons pourraient, même s’ils le voulaient, remplacer leur concurrence sur le marché du travail par une coalition. Et à supposer même qu’une telle coalition puisse se former, rien ne prouve qu’elle pourrait être durable. A priori, rien n’empêche d’imaginer une solution inverse où une coalition ouvrière louerait leurs machines aux capitalistes et leur servirait un loyer leur permettant tout juste de survivre et de se reproduire, accaparant pour elle la totalité de la plus-value. Entre ces deux situations extrêmes, rien n’empêche d’envisager une infinité de cas intermédiaires où la plus-value serait partagée entre patron et salariés. Bref en abandonnant le fondement démo-économique du salaire de subsistance, Marx a tout simplement ruiné sa théorie 103 .

Voici la démonstration mathématique de cette faille de raisonnement. Soit V le capital variable, correspondant aux salaires, et C le capital constant, correspondant aux machines, outils, bâtiments, terre, etc. Soit pl, la plus-value tirée par le patron du travail des salariés. On définit E, le taux d’exploitation par E = pl/V et P, le taux de profit, par P = pl/(C+V). La composition « organique » du capital de l’entreprise considérée est définie par l’équation K = (C+V)/V 104 .

A l’aide de ces différentes équations, on peut exprimer le taux de profit (P) en fonction de la composition organique du capital (K) et du taux d’exploitation (E) 105 .

pl = V × E P = V × E /(C+V) donc P = E/K

Or, dans les conditions de concurrence parfaite (c’est le cas chez Marx), le taux d’exploitation (E) et le taux de profit (P) sont les mêmes dans toutes les branches de production, quelle que soit la composition organique du capital. La dernière équation montre que si la composition organique du capital (K) varie de branche à branche ou d’entreprise à entreprise, le taux d’exploitation (E) étant donné et partout le même, le taux de profit (P) varie de branche à branche ou d’entreprise à entreprise. Ce qui est impossible.

Notes
102.

Muriel Maillefert (2001), L’économie du travail : concepts, débats et analyses, Jeunes Edition - STUDYRAMA.

103.

Idem.

104.

Idem.

105.

Idem.