II – Equilibre du marché du travail

Le modèle néoclassique explique le chômage en termes de chômage volontaire lié à l’absence d’ajustement à la baisse du salaire réel. L’analyse keynésienne refuse l’idée d’un ajustement du marché par une flexibilité des salaires réels.

L’argumentation keynésienne s’appuie essentiellement sur une dissociation entre salaire nominal et salaire réel. Ainsi, pour Keynes, l’offre de travail dépend du salaire nominal (ou monétaire) et non du salaire réel, pour deux raisons majeures : d’une part, les agents sont soumis à l’illusion monétaire et refusent un ajustement du salaire nominal, d’autre part les salaires nominaux sont négociés périodiquement avec les employeurs et ne peuvent pas s’ajuster instantanément 112 .

La courbe d’offre de travail est donc inélastique par rapport au salaire jusqu’à un certain niveau d’emploi, elle croît en fonction du salaire nominal ensuite. Une difficulté intervient ici, qui est la définition du plein-emploi 113 . On considèrera pour simplifier que le plein emploi est atteint lorsque la population active trouve un emploi. Il s’établit ici en N*. Un autre problème est de définir la relation salaire/emploi. En effet, si les salaires nominaux son rigides, les salaires réels eux ne le sont pas nécessairement. C’est du moins ainsi qu’est le plus souvent interprétée la pensée keynésienne, comme l’indique déjà Pigou (1937) 114 dans sa critique serrée sur les déterminants des fluctuations de l’emploi 115 .

Figure 9 : Marché du travail keynésien
Figure 9 : Marché du travail keynésien

Source : Dos Santos Ferreira R. (1999), « La relation salaires-emploi sous l’éclairage de la concurrence imparfaite », Cahiers d’Economie Politique, n°34, p 15-40.

Figure 10 : Ajustement par la hausse des prix
Figure 10 : Ajustement par la hausse des prix

Source : Dos Santos Ferreira R. (1999), « La relation salaires-emploi sous l’éclairage de la concurrence imparfaite », Cahiers d’économie politique, n° 34, p. 15-40.

Les agents peuvent subir des ajustements de salaire réel. Une baisse du salaire réel est possible si les prix à la consommation montent. La baisse du salaire réel peut dans ce cas engendrer un accroissement de la demande de travail. Cette hausse des prix équivaut à une hausse de la masse monétaire, ce qui fait baisser le taux d’intérêt et relance l’investissement. Cependant, l’effet en question peut ne pas des produire si l’économie est dans la « trappe à liquidités », c’est-à-dire lorsque l’investissement est inélastique au taux d’intérêt.

La dynamique keynésienne peut être ainsi représentée de deux manières, suivant l’interprétation de la relation salaire/productivité marginale (voir les deux schémas suivants).

La différence avec un schéma classique réside essentiellement dans deux caractéristiques : il n’y a pas de représentation du comportement d’offre de travail des ménages, le marché des biens n’est pas concurrentiel 116 . Le bouclage du modèle est représenté par les flèches en pointillé, et s’effectue par l’effet de la hausse de l’emploi sur le chômage.

Notes
112.

Artus Patrick et Muet Alain-Pierre, (1997), Théories du chômage, Edition Poche, Economica.

113.

La définition du plein emploi dépend en fait de l’objectif que l’on se donne. Par exemple, Stewart cite le chiffre proposé par Beveridge : le plein emploi serait atteint lorsque le taux de chômage deviendrait inférieur à 3%. L’auteur argumente autour d’un taux incompressible de 1 à 2%, ce qui semble aujourd’hui très optimiste. Stewart M., « Après Keynes », Seuil, 1970.

114.

Pigou A.C., « Real and Money Wages in relation to unemployment », The Economic Journal, n° 187, September 1937, p. 405-422, dans Dos Santos Ferreira R. (1999).

115.

« First, while it is granted that in certain conditions a general cut in the rate of real wages will lead to an increase in employment; it is argued that in other conditions this need not happen. Secondly, it is argued that, even in conditions where a cut in the real wage will necessarily lead to an increase in the quantity of employment, a cut in the money rate of wages need not improve employment, because it need not, in some formulation will not, entail a cut in the rate of real wages”, Pigou, 1937, p. 406, cite par Dos Santos Ferreira.

116.

Pour plus de détails, on pourra se référer au n° spécial des Cahiers d’économie politique sur la relation salaire/emploi depuis Keynes et notamment Dos Santos Ferreira R., « La relation salaires-emploi sous l’éclairage de la concurrence imparfaite », Cahiers d’Economie Politique, n° 34, 1999, p. 15-40 et Laurent Th, Zajdela H., « De l’équilibre de sous-emploi au chômage d’équilibre : la recherche des fondements microéconomiques de la rigidité des salaires », Cahiers d’Economie Politique, n° 34, 1999, p. 41-66.