III – Les prolongements keynésiens

La vision cambridgienne du fonctionnement de l’économie est reprise (au moins partiellement) par la théorie de la régulation. La dynamique d’ajustement transite plus explicitement par les mécanismes de répartition des revenus. Elle est synthétisée dans le schéma ci-dessous. Dans cette interprétation, la répartition, la répartition des gains de productivité est l’élément essentiel du modèle qui boucle lui aussi sur le chômage. Mais les liens entre production et productivité représentent simplement l’existence d’une fonction de production.

Quelle que soit la démarche adoptée 117 , il n’en reste pas moins que les deux conceptions sont en accord avec les hypothèses générales de la théorie keynésienne qui peuvent se résumer en quatre propositions (Laurent et Zajdela, 1999) 118 .

C’est le rôle de la politique économique de proposer des mesures susceptibles de faire diminuer le chômage et d’augmenter l’emploi. Bien qu’elle prône l’intervention de l’Etat, la Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie reste d’inspiration libérale. Elle se démarque de la théorie marxiste de l’exploitation et de la théorie malthusienne de la sous-consommation. Son domaine d’étude est le sous-emploi ou le chômage. Son originalité réside dans les phénomènes monétaires. Son cœur est l’explication du taux de l’intérêt. Sa conclusion est la nécessité du rôle de l’Etat. Et pourtant Keynes se considère comme un libéral plutôt conservateur. L’explication de la théorie keynésienne exige donc beaucoup de doigté. Et d’ailleurs, l’insistance sur la monnaie est le prétexte à l’introduction de phénomènes psycho-sociologiques. La propension à consommer, l’incitation à investir et la préférence pour la liquidité sont des rapports de l’homme avec son avenir 119 .

Figure 11 : Une représentation (néo-keynésienne) de la dynamique keynésienne
Figure 11 : Une représentation (néo-keynésienne) de la dynamique keynésienne

Source : Muriel Maillefert (2001), L’économie du travail : concepts, débats et analyses, Jeunes Edition - STUDYRAMA, p. 60.

Les anticipations (opinions sur le futur) des agents économiques (entreprises, ménages, banques, État) produisent une réalité économique: l’état du marché. Les prétendus mécanismes du marché sont l’objectivation des opinions des hommes (propension à consommer, incitation à investir, préférence pour la liquidité). Par l’intermédiaire de la consommation, de l’investissement et de la demande de monnaie, les anticipations orientent la nature et le niveau de l’emploi. Il ne faut pas compter sur les marchés financiers pour donner une vision réaliste de l’avenir. C’est pourquoi l’Etat doit prendre cette responsabilité 120 .

Mais Keynes n’est pas Marx. L’Etat peut être utile pour sortir du cercle vicieux des anticipations cumulativement optimistes ou pessimistes. L’Etat n’intervient pas comme distributeur de revenu dans le circuit économique. Keynes voit l’Etat comme un catalyseur des anticipations individuelles. Car le facteur majeur de l’explication keynésienne est la confiance. L’obstacle à l’investissement et à l’emploi est l’ensemble des taux d’intérêt. La meilleure manière de faire baisser les taux d’intérêt est de rétablir la confiance dans l’avenir 121 .

Figure 12 : Une représentation cambridgienne de la dynamique keynésienne
Figure 12 : Une représentation cambridgienne de la dynamique keynésienne

Source : Muriel Maillefert (2001), L’économie du travail : concepts, débats et analyses, Jeunes Edition - STUDYRAMA, p. 60.

Les seuls bons usages du revenu monétaire sont la consommation et l’investissement. La monnaie est la meilleure et la pire des choses. Elle permet l’action à grande échelle quand les anticipations sont optimistes. Elle provoque la crise brutale quand le doute s’installe. C’est à tort que chacun compte sur elle pour se protéger 122 .

Keynes est un libéral. Il croit en la possible harmonisation des intérêts. Mais il ne croit pas en la main invisible guidant les marchés vers l’équilibre et les passions humaines vers la richesse collective. La convergence des intérêts ne réside pas dans le calcul prudent mais dans l’action confiante.

Les classiques pensent que le déterminisme quantitatif des prix peut assurer l’équilibration automatique des marchés. Entre l’ultra libéralisme et le socialisme, Keynes compte sur un programme de réformes pour réduire le taux d’intérêt. Il s’agit principalement d’une politique de baisse du taux d’intérêt et d’une politique fiscale.

Notes
117.

A noter que Reynaud B. propose une inversion de la causalité salaires réels/emploi. Son analyse est cependant centrée sur le marché du travail. Reynaud B., « Les théories du salaires », La Découverte, coll. Repère, 1994.

118.

Laurent Th. et Zajdela H. (1999), « Emploi, salaire et coordination des activités », Cahiers d’Economie Politique.

119.

Muriel Maillefert (2001), L’économie du travail : concepts, débats et analyses, Jeunes Edition - STUDYRAMA, p. 60.

120.

Laurent Th. et Zajdela H (1999)., « Emploi, salaire et coordination des activités », Cahiers d’Economie Politique.

121.

Muriel Maillefert (2001), L’économie du travail : concepts, débats et analyses, Jeunes Edition - STUDYRAMA, p. 61.

122.

Idem, p. 62.