I – Le courant hétérodoxe

Le courant que nous qualifierons d’hétérodoxe est marqué par des apports très divers. L’un des points communs de ces travaux est qu’ils n’accordent pas au postulat de rationalité individuelle un rôle central. La plupart des contributions appartenant à ce courant de pensée insistent sur le contexte institutionnel dans lequel s’inscrivent les relations de travail : le syndicalisme, par exemple, apparaît bien comme une donnée propre au fonctionnement du marché du travail, et constitue l’un des objets d’analyse privilégié du courant hétérodoxe. D’une manière générale, ces approches se refusent à isoler, au sein de la relation de travail, son « moment » spécifiquement économique : dès lors, l’analyse du marché du travail doit faire appel, pour les auteurs de ce courant, à une démarche méthodologique qui emprunte à la fois à la sociologie, à la science politique, et parfois même à la psychologie 140 .

Le courant hétérodoxe se démarque nettement des approches évoquées précédemment par la méthodologie adoptée et, jusqu’au milieu des années soixante-dix, par les questions posées : la formation de l’emploi et la détermination des salaires n’y sont pas issus de mécanismes de marché, même imparfaits, mais découlent d’une vision plus globale des interactions économiques, dans laquelle le rôle des institutions est central 141 . La divergence la plus radicale vis-à-vis des analyses précédentes est d’ordre méthodologique : la rationalité individuelle des agents économiques est abandonnée, au profit des logiques collectives qui déterminent, selon cette approche, les choix économiques. Si certains travaux portant sur la formation et le fonctionnement des institutions ne voient pas d’opposition entre l’individualisme méthodologique, c’est-à-dire la démarche méthodologique fondée sur l’explication des phénomènes observés par les comportements individuels et leurs interactions, et leur champ d’analyse, les travaux du courant hétérodoxe adoptent, au contraire, une démarche holiste : pour cette dernière, une approche individualiste des phénomènes sociaux est réductrice parce qu’elle ne permet pas d’appréhender leur dimension collective jugée essentielle 142 .

Deux thèmes importants, en ce qui concerne l’analyse de l’emploi, doivent retenir l’attention : celui du syndicalisme et, plus récemment, le phénomène de la segmentation du marché du travail.

Notes
140.

Voir par exemple Adam et Reynaud, 1978, Michon, 1984, Boyer, 1986 et Gazier, 1992, pour une présentation synthétique.

141.

Gazier B. (1992), Economie du travail et de l'emploi, Paris, Dalloz.

142.

Idem, page 64.