1 – Le syndicalisme

« Oublié » par les méthodes néoclassiques traditionnelles, qui ne voient pas en lui un objet économique, brièvement évoqué par l’analyse keynésienne, peu préoccupée par la représentation du marché du travail, le syndicalisme n’est véritablement reconnu comme relevant de l’analyse économique que par le courant hétérodoxe. Les travaux de Dunlop 143 et de Ross 144 , dans les années quarante, se rattachent ainsi nettement au courant institutionnaliste.

Le syndicat y apparaît comme une institution, dont la genèse est laissée dans l’ombre, mais dont les objectifs ne sont pas « réductibles » à ceux d’une collection d’individus. Son rôle actif dans la négociation salariale, et parfois même dans l’embauche des travailleurs (comme en témoignent les clauses de closed-shop, selon lesquelles le monopole de l’embauche est confié à un syndicat professionnel), confère à l’échange des services de travail une dimension collective 145 .

Cette vision s’oppose à l’optique orthodoxe selon laquelle la relation d’emploi met en présence des agents économiques mus par leur rationalité individuelle : dès lors, cette caractéristique, propre au marché du travail, distingue l’échange sur ce marché des autres relations marchandes et conduit à voir, dans le processus de négociation salariale, l’expression d’un rapport de forces entre groupes sociaux. Comme pour le courant institutionnaliste, rationalités collective et individuelle procèdent de logiques foncièrement différentes, il serait vain de vouloir expliquer le résultat de l’action syndicale à la lumière de la méthodologie néoclassique 146 .

Notes
143.

Dunlop, John T. (1949), « The Development of Labor Organization : A Theoretical Framework », dans R. A. Lester et J. Shister (éd.), Insights into Labor Issues, New York, MacMillan, (1993), pp. 163-193.

144.

Ross, G. (1981), « What Is Progressive About Unions ? », Theory and Society, no 10, pp. 609-643.

145.

Gazier B. (1992), Economie du travail et de l'emploi, Paris, Dalloz.

146.

Idem.