2 – Les contrats implicites

Bailey (1974), D. F. Gordon (1974) et Azariadis (1975) 154 ont proposé les premiers modèles de contrats implicites. Après le développement de l’hypothèse du taux naturel de chômage (Friedman 155 , 1968, Phelps 156 , 1972), les recherches en économie ont porté sur l’évolution du marché du travail, évolution résultant d’un comportement optimisateur. La théorie des contrats implicites tente d’examiner les raisons pour lesquelles les employés et les entreprises sont maintenus dans une « glu économique » : en effet, le marché n’est pas régi selon les lois de Walras avec son secrétaire de marché mais par des contrats (souvent informels). En étudiant le comportement des entreprises, on s’aperçoit qu’elles cherchent à fidéliser leur main d’œuvre, elles nouent des relations informelles avec leurs employés. L’accord prévoit une assurance sur les conditions de travail (le salaire) quelles que puissent être les conditions extérieures. Les modèles de ces trois auteurs examinent les conséquences de contrats de travail établis entre des entreprises neutres à l’égard du risque et des salariés qui sont « risque adverse ». Si le salaire réel est constant, les employés peuvent rendre régulière leur consommation. Quant aux entreprises, elles acceptent une telle situation car elles sont dans une meilleure position que leurs employés pour se protéger des fluctuations économiques (elles ont notamment une meilleure information). En échange d’un salaire réel stable, les travailleurs consentent un salaire inférieur à celui qui est dicté par les forces du marché lequel est nettement plus variable que celui relevant du contrat de travail.

Cependant cette approche est contestable. Cette analyse permet de justifier dans une certaine mesure la moindre rémunération des salariés bénéficiant d’une garantie de l’emploi, mais, pour Abraham-Frois (1995), il est difficile de comprendre pourquoi les travailleurs seraient satisfaits du couple salaire fixe / emploi variable. Cette théorie explique qu’en cas de difficultés économiques, il y a un partage du travail à l’intérieur de l’organisation et pas de licenciements 157 . La réalité nous a montré malheureusement maintes fois le contraire. De plus, les contrats implicites n’expliquent pas non plus pourquoi l’entreprise ne paie pas de salaires inférieurs aux nouveaux employés. C’est pour remédier à ces insuffisances que les théoriciens nouveaux keynésiens ont développé d’autres modèles d’inertie des salaires réels.

Ayant établi une première cause à la rigidité réelle des salaires, passons à la deuxième catégorie de modèles l’expliquant.

Notes
154.

Bailey M.N. (1974) « Wages and unemployment under uncertain demand », Review of Economic Studies, January. Gordon D.F. (1974), « A neoclassical theory of Keynesian unemployment », Economic Inquiry, December. Azariadis C. (1975), « Implicit contracts and underemployment equilibria », in Journal of Political Economy, n°6, dans Abraham Frois (1995).

155.

Friedman M. (1968a), « The role of monetary policy », American Economic Review, October, dans Abraham -Frois, (1995).

156.

Phelps E.S. (1972), Inflation Policy and Unemployment Theory: the Cost-Benefit Approach to Monetary Planning, New York: W.W. Norton, dans Cahuc P., Zylberberg A. (2003).

157.

Abraham-Frois G., (1995), Dynamique Economique, Dalloz, 8ème Edition, Paris.