II – Le travail des enfants

Le rapport du développement humain pour le Cambodge de l’année 2000 a introduit une étude spéciale sur le problème du travail des enfants en se basant sur les données de l’enquête socio-économique RGC 2000. Le tableau 33 montre le résultat de cette enquête 211 .

Tableau 33 : Travail des enfants au Cambodge, en milliers de personnes, 1999
Tableau 33 : Travail des enfants au Cambodge, en milliers de personnes, 1999

Source : RGC 2000b, reprise par l’auteur.

La proportion des très jeunes enfants travailleurs (entre 5 et 9 ans) est négligeable, mais la proportion des enfants âgés de 14 à 17 ans au travail représente environ 42%. On peut constater que le nombre d’enfants travailleurs est relativement beaucoup plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. Dans le groupe d’enfants les moins âgés, nous constatons une faible proportion de jeunes filles par rapport aux jeunes garçons. Le cas inverse s’observe dans le groupe d’enfants plus âgés. La raison de cette différence tient au fait qu’à partir de 12 ans, plus de garçons que de filles sont envoyés à l’école.

Tableau 34 : Travail des enfants de 5-17 ans, par activités principales et par sexe, 2001
Industries Homme % Femme % Total %
Agriculture, Forestier, Chasse et Pêche 891 231 76,1 766 165 69,1 1 657 396 72,7
Mines/extraction 7 740 0,7 3 417 0,3 11 157 0,5
Entreprises de fabrication 59 406 5,1 84 447 7,6 143 854 6,3
Electricité, Gaz & eau 634 0,1 --- 0 634 0
Construction 14 426 1,2 8 339 0,8 22 765 1,0
Grossiste, détaillants 155 067 13,2 208 833 18,8 363 900 16,0
Transport, Communications & entreposage 12 705 1,1 4 104 0,4 16 809 0,7
Immobilières/location/commerce & Services 4 060 0,3 2 647 0,2 6 707 0,3
Services personnels/social/communautaires 23 723 2,0 29 751 2,7 53 474 2,3
Autres 1 448 0,1 315 0,0 1 763 0,1
Total 1 179 440 100 1 108 018 100 2 278 459 100

Source: Cambodia Child Labor Survey 2001 (CCLS 2001), National Institute of Statistics.

Constatons également qu’à l’âge de 17 ans, il n’y a que 32% des filles contre 59% des garçons qui vont à l’école. Le résultat de l’enquête montre que le travail des enfants n’est pas à temps partiel ou saisonnier : l’horaire de travail moyen par semaine varie entre 33 et 47 heures et le nombre annuel moyen de semaines de travail varie entre de 35 et 37 selon le groupe d’âge. La majorité des enfants au travail le sont dans un cadre familial, sans rémunération, dans le domaine de l’agriculture où ils aident la famille dans les fermes. Toutefois, l’enquête n’a pas précisé les tâches accomplies par des enfants. Cependant, on peut dire qu’elles consistent principalement à labourer, repiquer le riz, distribuer l’eau, entretenir et moissonner les rizières, transporter le riz, garder les bœufs, et pêcher212. Il faut aussi signaler que des enfants souvent livrés à eux-mêmes travaillent pour survivre213 comme prostitués (à partir de 14 ans), comme mendiants et en faisant les poubelles (on parle d’enfants des rues). Le CHDR214 ( The Cambodian Human Development Report / Le Rapport du Développement Humain au Cambodge) a estimé qu’il y avait à Phnom Penh, 5 000 prostitués âgés de moins de 18 ans, 1 000 enfants des rues, et 6 500 enfants travailleurs à domicile âgés de 14 à 17 ans.

Fondée sur les enquêtes 215 prioritaires de 1998, les enquêtes sur le travail des enfants en 2004, et les enquêtes sur le travail domestique des enfants à Phnom Penh en 2004, nous examinerons l’impact de la participation des enfants au marché du travail. Plusieurs conclusions peuvent être formulés.

Tableau 35 : Travail des enfants, par sexe, 2004
  Population Pourcentage
Garçons 1 179 440 51,76%
Filles 1 108 018 48,63%
5-7 200 398 8,80%
8-9 245 671 10,78%
10-14 1 070 294 46,97%
15-17 762 097 33,45%
Total 2 278 459 100,00%

Source : NIS, Cambodia Socio-Economic Survey, 2004

D’une part, l’élaboration d’un profil descriptif du travail des enfants montre que 66,55% de ces derniers âgés de 5 à 14 ans travaillent en 2004, la proportion étant assez équilibrée entre les filles et les garçons – respectivement, 44,8 et 43,3% (Tableau 35). Naturellement, en 2004, l’incidence du travail des enfants est beaucoup plus forte pour la classe d’âge de 10-14 ans – 46,97% –, comparativement à la classe de 5-9 ans – 19,58%. Ce constat prévaut quel que soit le sexe, bien que l’écart semble légèrement plus élevé pour les filles. A cet égard, la majeure partie des enfants ont pour unique activité le travail, une occupation qui, fort logiquement, croît avec l’âge en 2004. De ce fait, environ un quart et un tiers des enfants, respectivement, de 5-9 ans et 10-14 ans vont uniquement à l’école 216 . Un tel résultat s’explique, en partie, par la faiblesse du taux net de scolarisation primaire dans le pays. Les données relatives à 1998 (voir le tableau 33) confirment cette situation, mais les taux de participation ne sont pas réellement comparables à ceux de 2004, compte tenu des incertitudes conceptuelles liées à l’enquête de 1998. Dans ce contexte, quel que soient le sexe et l’âge des enfants, la quasi-totalité sont des « apprentis ou aide familiaux », et le caractère saisonnier de l’activité agricole explique, en partie, l’intermittence de la participation des enfants au marché du travail – 9,9 et 9,2 mois, respectivement, en 1998 et 2004 pour les enfants de10-14 ans 217 .

Par ailleurs, les caractéristiques du chef de ménage semblent influencer l’ampleur du travail des enfants 218 . En particulier, l’incidence du travail des enfants est un peu plus forte dans les familles gérées par un homme, comparativement aux ménages féminins, et dans les ménages d’agriculteurs, et est inversement corrélée au niveau d’instruction du chef de ménage. Enfin, le niveau de vie semble un facteur important du travail des enfants. D’une part, en 2004, le ratio du travail des enfants, par rapport au niveau de vie ex post, est deux fois plus élevé dans les ménages pauvres que dans les ménages riches – 25,5 et 51,9%, respectivement –, indépendamment du sexe et de l’âge des enfants 219 .

D’autre part, la prise en considération de la vulnérabilité des ménages, c’est-à-dire le risque de pauvreté, renforce l’argument de la gestion du risque des ménages : l’incidence du travail des enfants peut être le reflet d’une stratégie visant à minimiser le risque d’interruption du flux des ressources, une situation qui prévaut surtout pour les ménages pauvres. L’enquête en 2004 montre que la variabilité du niveau de vie, mesurée par la variance des dépenses en termes de pauvreté transitoire, rehausse la probabilité de travail des enfants, tout réduisant les chances de scolarisation, comparativement aux ménages situés en dessus de la ligne de pauvreté, alors que la vulnérabilité des familles pauvres, imputable à une faiblesse chronique des dépenses – pauvres durables –, n’affecte pas la propension au travail des jeunes enfants, et, dans certains cas, leur scolarisation, par rapport aux groupes les plus aisés 220 .

Nous nous intéressons dans la section suivante à la mobilité de la main d’œuvre sur le marché du travail cambodgien. Cette analyse est importante dans la mesure où elle nous permettra de spécifier les caractéristiques du marché du travail. Nous découpons notre analyse en deux points principaux : la migration nationale et la migration internationale.

Notes
211.

Nous disposons des données en 1998, 2001, 2003 et 2004. Nous essayerons d’aboutir une analyse de comparaison.

212.

RGC 2000b, page 34.

213.

Parce que leurs parents ne sont pas capables de les nourrir.

214.

Ibid, page 36.

215.

Child Domestic Workers Survey (CDW) in Phnom Penh, NIS, 2003, Ministère des plans.

Cambodia Child Labor Survey 2001 (CCLS 2001), National Institute of Statistics.

NIS, Cambodia Socio-Economic Survey, 2004.

216.

Pour les informations supplémentaires voir : NIS, Statistical Yearbook 2005, page 102-108.

217.

NIS, Statistical Yearbook 2005, tableau 3, page 104.

218.

NIS, Statistical Yearbook 2005, tableaux 7 et 8, page 107.

219.

Idem, page 107.

220.

NIS, l’enquête sur le travail des enfants à Phnom Penh, 2003.