3 – Le secteur informel

Les activités informelles se ressemblent d’une grande ville à l’autre, aussi bien pour la jeunesse des actifs, que pour la branche d’activité, tant pour la taille des unités de production que les taux de salarisation. Ainsi, 86% des emplois informels proviennent d’unités de production de moins de 6 personnes et 46,7% sont des auto-emplois. Ceci se traduit par le plus faible taux de salarisation de tous les secteur institutionnels : environ 17,9%. Ce taux recule même à 11,2% si l’on exclut du secteur informel les emplois domestiques 237 .

Tableau 45 : Evolution des emplois dans le secteur informel à Phnom Penh
  Phnom Penh Cambodge
en % mai-97 oct-97 juin-98 nov-00 nov-01 nov-00 nov-01
Employeur 1,0 0,8 0,7 0,2 0,3 0,3 0,3
Travailleurs pour propre compte 39,3 40,2 43,5 33,1 41,4 40,9 42,3
Employés 48,5 47,5 46,9 51,9 48,5 45,9 42,1
Familiaux 11,2 11,5 8,9 14,8 9,8 12,8 15,3
TOTAL 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : NIS, (2000, 2001, 2002), « Labour Force Survey of Cambodia »

Au sein du Cambodge, les trois-quarts des emplois informels se trouvent soit dans le commerce soit dans les services. Les activités commerciales regroupent un emploi informel sur trois à Phnom Penh et deux tiers des emplois dans les autres provinces. La part de l’industrie n’est cependant pas négligeable dans le secteur informel, puisqu’elle fournit entre 5 et 10% des emplois à Phnom Penh (notre estimation).

L’évolution du volume des emplois créés par le secteur informel pour l’ensemble du pays ne peut être évaluée correctement par manque de données statistiques. Les données pour la seule capitale nous permettent d’en tracer une tendance.

Les proportions des différentes catégories restent stables (sauf pour 2000, année statistique hors norme). L’accroissement de la population active a été absorbé dans les mêmes proportions par les deux secteurs, privé formel et privé informel. Il serait souhaitable de connaître le détail de l’évolution de la répartition des salariés entre les deux secteurs pour confirmer cette stagnation en terme de création d’emploi. En 2001, environ 47 % des salariés appartiennent au secteur informel ; il nous semble que cette proportion était plus faible dans les années passées (52% en 1998). La poussée démographique semble influencer sérieusement la structure en personnel des entreprises informelles qui embauchent des jeunes provinciaux pour des salaires dérisoires.

Donc en terme de création d’emplois, tout repose sur le secteur informel, dans ses capacités d’absorption de la main d’œuvre rejetée du secteur agricole.

Le travail à domicile sans installation particulière concerne environ 20% 238 des actifs informels (18% à Phnom Penh), tandis que 5,1% des travailleurs informels exercent à la maison dans un emplacement réservé à cet effet (10% à Phnom Penh). Par ailleurs, les travailleurs ambulants sont relativement plus nombreux à Phnom Penh, où ils représentent 22% des actifs informels.

La main d’œuvre du secteur informel est jeune : 35,6 % des actifs ont moins de 25 ans. Avec un niveau d’études moyen de 3,5 ans, plus de trois actifs informels sur quatre n’ont pas dépassé l’école primaire, tandis que moins de 2% ont entrepris des études supérieures. Enfin, c’est le secteur le plus féminisé puisque 62% (cf. tableau 44) des actifs informels sont des femmes. Contrairement à une idée reçue qui met en avant le rôle de la migration pour expliquer la genèse du secteur informel, c’est dans l’informel que la proportion de migrants est la plus faible.

Nous venons de montrer les caractéristiques de la demande de travail sur le marché du travail au Cambodge. La détermination du taux de demande de travail est absente ici en raison des données et de notre difficulté d’appliquer les modèles. Selon notre analyse, le secteur primaire occupe la première place et reste le premier employeur du pays, suivi par le secteur tertiaire, tandis que le secteur secondaire occupe la troisième place. En terme de secteurs institutionnels, la demande de travail présente une plus grande ampleur dans le secteur informel suivi par les secteurs privé et public.

L’analyse précédente de l’offre et de la demande de travail au Cambodge nous permet de conclure qu’il existe un marché du travail hétérogène au Cambodge. En fait, nous constatons qu’il existe des marchés du travail dualistes au Cambodge en termes de systèmes productifs, secteur informel et secteur formel ou moderne. Il est également vrai qu’au Cambodge, la nature des données relatives au marché du travail implique une appréhension de la structure de l’emploi et des revenus dans une optique dualiste.

Au Cambodge, le secteur informel joue un rôle important en tant que grand pourvoyeur d’emplois (si les emplois agricoles sont exclus). De plus, certaines activités du secteur informel semblent déterminantes dans le processus global de croissance. Par conséquent, les avantages de ce secteur sont perçus du côté de l’évolution du système productif, même si des emplois additionnels à durée variable sont créés. L’offre et la demande de travail dans le secteur informel constituent ainsi un marché du travail propre à ce secteur, et un niveau des salaires en résulte. Quant au secteur formel, il se caractérise par une faible demande de travail et emploie principalement de la main d’œuvre qualifiée. La rencontre entre l’offre et la demande de travail dans ce secteur constitue un autre type du marché du travail au Cambodge. Le niveau de salaire sur ce type de marché du travail est relativement plus élevé que celui offert par le marché du travail du secteur informel.

L’analyse de détermination de l’offre et de la demande de travail nous permet de voir l’existence du ou des marchés du travail au Cambodge. Mais, quand on parle du marché du travail, on fait souvent référence aux réglementations sur ce marché. Sans doute en raison de leur résonance sociale et politique, les marchés du travail sont souvent fortement réglementés. Nous essayons d’abord de voir s’il existe des réglementations sur le marché du travail cambodgien, puis nous aborderons les questions de l’équilibre du marché du travail en passant par une idée de segmentation du marché du travail.

Notes
237.

PNUC, (2001), « Rapport sur le développement humain », page 30.

238.

Notre estimation.