2 – La distorsion provoquée par des assistances techniques

La présence d’un grand nombre d’agents assistants bilatéraux ou multilatéraux ainsi que d’ONG, crée également une distorsion sur le marché du travail cambodgien. Ceux-ci emploient une large proportion de diplômés et de spécialistes cambodgiens. L’aide apportée au Cambodge par ces assistants apparaît très importante, surtout si on la compare aux autres sources de revenus provenant de l’échange extérieur et du budget du gouvernement. En 1998, les assistants extérieurs ont fournit 404 millions de dollar, soit l’équivalent de 14% du PIB. Cette aide est égale à 70% du montant des exportations, ou encore égale à deux fois le revenu de l’impôt ou trois fois les dépenses du gouvernement dans tous les domaines sauf la défense (Godfrey et al 2000, p. 11). Ces montants provenant de l’aide étrangère ont conduit le Cambodge à entrer dans une situation de «Maladie Hollandaise » plus couramment connue sous le nom de « Dutch Disease » 287 . Cette « maladie » traduit l’impact négatif provoqué par les aides étrangères sur la hausse du taux de change (à cause de la dollarisation) et aussi sur le marché du travail.

Beaucoup de travailleurs très qualifiés sont employés par le secteur des assistances extérieures. Certains sont des collaborateurs à plein temps pour des agences, d’autres travaillent sur des projets à temps partiel et en tant qu’homologues ils reçoivent un salaire supplémentaire. Selon une étude effectuée par le CDRI, plus des deux tiers des homologues intermédiaires (Middle-level counterpart) (employés du gouvernement ou des organisations non gouvernementales locales) ont au moins un diplôme de licence ou une qualification importante 288 . Quant aux collaborateurs cambodgiens qui travaillent à plein temps pour les agences, 27% atteignent ce même niveau de qualification. Plus de la moitié de ces collaborateurs confirment qu’avant de devenir employés de ces assistants extérieurs, ils étaient cadres du gouvernement, et un tiers sont venus des autres ONG et ils étaient également les cadres du gouvernement.

Constatons par ailleurs que les travailleurs s’intéressent beaucoup au secteur de l’assistance extérieure, car ce dernier fournit un niveau de salaire plus élevé que les autres secteurs de l’économie. 45% de ces travailleurs reçoivent en moyenne 2300 dollars par an qui s’ajoutent au salaire versé par le gouvernement. Le coût unitaire annuel d’un expert local est d’environ 6600 dollars pour une ONG et d’environ 15700 dollars pour les agences multilatérales ou bilatérales et les autres entreprises. Ces coûts unitaires excluent les autres paiements non salariaux (subvention pour les missions, commissions ou autres primes pour la motivation…etc.). Ces rémunérations sont probablement beaucoup plus élevées que celles des personnes très qualifiées sur le marché du travail ordinaire, ce qui augmente le coût réel et potentiel de la main d’œuvre qualifiée dans les autres secteurs, et donc une réduction des profits des investisseurs. En effet, l’économie ainsi que le marché du travail cambodgien seraient très différents s’il n’y avait pas de la présence du programme des assistances extérieures.

Notes
287.

Selon l’expérience des Pays-Bas dans les années 1970, qui ont connu une expansion considérable de leur production de gaz naturel, le terme “Maladie hollandaise” a été inventé pour expliquer l’impact négatif créé par le bond des exportations gazières sur le reste de l’économie. Bien que souvent liée à une abondance de matières premières, cette “maladie” peut être également transmise par l’entrée massive d’aide extérieure. Pour le détail, voir Godfrey et al 2000, page 12.

288.

Godfrey M., So S., Pon D., Katz C., Sarthi A., Sisovath D. C., Hing T., (2001), “A Study of the Cambodian Labour Market: Reference to Poverty Reduction, Growth and Adjustment to Crisis”, Working Paper n° 19, December, page 32.