Conclusion

L’administration des douanes a été considérablement améliorée au cours des dernières années, mais la mise en place d’un système formel de facilitation des échanges à coût réduit rencontre de nombreuses difficultés. Premièrement, le travail administratif est lourd du fait de la perméabilité des frontières avec trois pays et d’une longue ligne côtière comportant de nombreuses embouchures et baies. Deuxièmement, plusieurs dispositions commerciales (prescriptions relatives aux règles d’origine, arrangements commerciaux préférentiels au sein de l’ANASE) compliquent cette tâche. Troisièmement, le cadre institutionnel pour les contrôles à la frontière est vague, avec des mandats peu clairs entre les différents organismes. Quatrièmement, la limitation des ressources entrave les capacités du Département des Douanes dans l’exécution de ses fonctions. Les salaires de la fonction publique sont faibles, les installations de soutien matériel ne sont pas adaptées et les systèmes informatiques de gestion sont peu développés. Ces difficultés se traduisent par des paiements non officiels élevés, une contrebande répandue, des délais de dédouanement et de traitement peu fiables et des recettes douanières sensiblement inférieures à celles que les tarifs officiels prévoient.

Outre les difficultés liées à la facilitation du commerce « extérieur », les contraintes « au-delà de la frontière » (par exemple: les transports, les informations sur les marchés) constituent également des obstacles à l’exportation. Les frais de transport au Cambodge sont les plus élevés de la région et sont quatre fois supérieurs aux coûts d’expédition en Thaïlande pour des quantités équivalentes. Les personnes interrogées au cours de l’étude ont identifié, dans leur grande majorité, les frais de transport comme un obstacle important au commerce - citant les frais non officiels et le mauvais état de nombreuses voies routières. Un système de taxes ou de péage, soigneusement contrôlé, pour les utilisateurs afin de financer l’entretien et la construction du réseau routier serait un moyen d’attaquer ce problème ; de même pour les taxes sur les carburants. Une assistance technique est nécessaire pour examiner les implications de telles solutions de financement et les conditions de redistribution des fonds à destination du réseau routier au niveau local.

Le riz est une source d’alimentation essentielle pour la plupart des ménages ruraux. Une évolution est en train de s’effectuer, partant du riz comme source de sécurité alimentaire de base et allant vers le riz considéré en tant que source de commerce et de revenus. Le commerce du riz à la fois à l’intérieur du pays et à l’extérieur des frontières est actuellement entravé par la mauvaise qualité des infrastructures de transport - ceci provenant en partie de la politique de financement du réseau routier, des taxes aux points de contrôle et de l’accès inadapté aux fonds destinés à la construction et à l’entretien des routes. De plus, les procédures d’exportation impliquent des taxes importantes pour le riz. Des « frais de facilitation » sont nécessaires à l’obtention de licences d’exportation et ils se situent aux environs de 14 dollars US par tonne 305 . Selon certaines estimations, les frais non officiels représentent environ le double des frais officiels. La simulation des effets de la pauvreté indique que l’amélioration de deux éléments principaux de la chaîne de production du riz (rendement de la transformation du riz à partir du paddy et pertes après récolte) réduirait les coûts de transaction et améliorerait les sources de revenu des Cambodgiens en état de pauvreté. La révélation détaillée de ces frais non officiels est nécessaire en vue de réduire les contraintes auxquelles sont exposés les exportateurs de riz actuels et éventuels.

La diversification de l’agriculture est de plus en plus répandue. Les obstacles les plus importants au développement des cultures d’autres espèces sont similaires à ceux qui concernent le riz. Ils englobent la mauvaise qualité des infrastructures de transport, les coûts énergétiques élevés, la faiblesse des systèmes informatiques, le manque de confiance traditionnel entre acheteurs et vendeurs, l’accès inadapté au crédit et l’insuffisance des compétences en développement économique 306 .

La production artisanale a été entravée par des années de conflits et de guerre civile qui ont rompu la chaîne traditionnelle de transmission de la conception et des compétences. Les artisans manquent d’informations cruciales sur la demande du marché, les normes de qualité et les tendances.

La croissance des exportations du secteur des vêtements a été spectaculaire au cours des dernières années. Environ 160 000 personnes travaillent pour ce secteur. Cette croissance résulte de la combinaison d’un accès limité aux marchés très réglementés des États-Unis et de l’Union Européenne (devant expirer en 2005), d’un contexte politique accueillant et de coûts de production concurrentiels.

Étant donné que les marchés des États-Unis et de l’Union Européenne sont protégés par des droits de douane et des contingents, les prix y sont élevés et les ventes qui peuvent être réalisées grâce aux facilités d’accès sont particulièrement profitables. Mais l’accès à ces marchés restreints comporte un coût. La conformité aux règles d’origine, les conditions, le mécanisme bureaucratique pour les faire respecter, font partie de ce coût. Un autre élément du coût pour les investisseurs est la nécessité d’acheter les contingents dont environ 10 % sont vendus aux enchères. Mais finalement ce coût comporte un aspect positif du fait que les recettes reviennent à l’État. Une autre part des contingents est attribuée sur la base des résultats antérieurs. Cela représente également un coût dans le cas où les fabricants s’engagent dans des activités à seule fin de garantir le contingent plutôt que pour réaliser des bénéfices. Le niveau des salaires qui doit être en conformité avec les normes de travail afin de garantir les contingents représente lui aussi un coût non négligeable. Alors que la main-d’œuvre employée bénéficie de salaires plus élevés, les personnes qui sont disposées à accepter de plus faibles salaires sont perdantes. Les restrictions concernant le cumul d’emploi ne bénéficient pratiquement à personne. À moyen et long termes, la réduction des obstacles au commerce par les principaux pays développés est plus importante que cet accès limité, qui perturbe les structures de coût 307 .

La croissance annuelle du tourisme dépasse 30 %. Le défi pour cette industrie est de trouver des rôles et des tâches appropriés à l’industrie d’État et aux opérateurs privés, en ce qui concerne des éléments tels que les statistiques, la promotion, la formation, la certification et les recettes provenant d’attractions exceptionnelles comme les temples d’Angkor Wat. Les besoins essentiels requis sont 308 : la collecte des données concernant le tourisme et leur analyse ; une évaluation soigneuse des bénéfices nets provenant du tourisme au Cambodge et des potentiels à long terme ; la mise au point d’une stratégie de développement du tourisme, impliquant les principales parties prenantes, la construction de partenariats public-privé prospères tels que le Groupe de travail sur le tourisme ; en conjonction avec la stratégie de développement du tourisme, l’identification des investissements est nécessaire pour encourager un meilleur tourisme régional et national et promouvoir l’écotourisme - tous ces éléments permettraient d’aider les pauvres et de déterminer le rôle principal du gouvernement dans la réglementation, la définition des charges, l’établissement des normes et la collecte des informations statistiques de l’industrie 309 .

En somme, l’économie cambodgienne n’est pas dépourvue d’atouts. Son potentiel agricole et touristique est important. Le pays dispose de réserves minières, et peut-être pétrolières, en grande partie encore inexploitées. Le patrimoine culturel et artistique du pays et l’existence de sites historiques célèbres ont la capacité d’attirer des flux touristiques non négligeables. En dépit de ces atouts présents et potentiels, le Cambodge est l’un des pays les plus pauvres de la planète et l’essor de l’économie, notamment l’expansion du secteur privé, est freiné par d’énormes contraintes qu’il est essentiel d’identifier et, si possible, d’éliminer. Certaines de ces contraintes sont structurelles (enclavement, étroitesse du marché intérieur…) ; d’autres sont le résultat des politiques et des pratiques du passé ou de la conjoncture politique régionale du moment.

Nous aborderons dans la section suivante les difficultés du développement du secteur privé, tout en sachant que ce dernier joue un rôle primordial pour créer des emplois.

Notes
305.

OMC, (2002), « Etude diagnostique sur l’intégration du commerce pour le Cambodge », 1er août, page 81.

306.

Nous allons montrer ces difficultés dans la section suivante.

307.

OMC, (2002), « Etude diagnostique sur l’intégration du commerce pour le Cambodge », 1er août, page 89.

308.

Idem.

309.

Idem.