1 – Le rôle de l’infrastructure

En dépit de leur diversité, les infrastructures partagent des caractéristiques communes. Elles sont très lourdement capitalistiques et nécessitent d’importants investissements. Elles reposent en général sur un réseau de distribution à plusieurs niveaux. Elles ont souvent aussi un caractère de bien public partiel lorsque le niveau d’équipement les place dans une zone de non rivalité (situation où l’usage du service par un consommateur ne diminue ni la quantité ni la qualité du service disponible pour les autres consommateurs, ce qui est le cas par exemple d’une infrastructure de transport avant congestion) ou plus rarement de non exclusion (situation dans laquelle il n’est pas possible d’exclure un consommateur qui refuse de payer le service) puisque les services produits peuvent être réservés à ceux qui les achètent 316 .

Plus généralement, les infrastructures jouent dans l’économie deux rôles principaux : d’une part, elles fournissent des services essentiels, fondements non seulement de l’amélioration de la santé de la population (eau potable, électricité, mobilité) mais aussi de la capacité de l’individu d’avoir une activité productive ; d’autre part, elles entraînent d’importants effets externes positifs sur l’ensemble de l’activité économique en facilitant la connexion entre les différents individus et les différents marchés et donc l’incitation aux investissements.

La programmation des infrastructures doit mettre l’accent à la fois sur les services qu’elles produisent et sur les effets d’entraînement que leur mise en place génère sur l’activité économique. Par exemple, la planification d’un réseau routier ne doit pas se faire (ou pas uniquement) en fonction du nombre de kilomètres réalisés, mais en fonction des bénéfices du désenclavement, de la baisse des coûts de transport, des flux économiques susceptibles d’être générés, etc. Autrement dit, le choix des investissements publics doit reposer sur la prise en compte des interactions et synergies entre les projets envisagés, les projets et activités existants, et l’ensemble des politiques et réglementations publiques susceptibles d’influencer leur rentabilité 317 .

Ces caractéristiques des infrastructures, au-delà de leur aspect généralement très fortement capitalistique, appellent une intervention publique adaptée, en termes de gestion (qui peut être déléguée), de contrôle, de régulation, de financement, voire de subvention (à la connexion, ou au paiement du service), afin de produire et distribuer de façon équitable les différents effets externes et assurer la pérennité des équipements. De la prise en compte de ces facteurs institutionnels dépend largement le succès ou l’échec des projets d’infrastructure. En d’autres termes, la performance du capital physique est conditionnée par la qualité des services produits.

Notes
316.

Ali, I & Ernesto. M. Pernia, (2003), Infrastructure and Poverty Reduction. What is the Connection?, ERD Policy Brief, Asian Development Bank, janvier.

317.

Foirry Jean-Pierre, Le choix des projets d’investissements publics : limites de l’analyse coûts­avantages et intérêt d’une approche planificatrice (application au secteur de la santé), miméo, CERDI, 2000, page 64.