IV – Le travail des enfants

Nous avons vu dans la section précédente que la présence des enfants sur le marché du travail affecte le fonctionnement de ce marché 334 . La lutte contre le travail des enfants nous semble donc être une mesure correctrice dans le développement du marché du travail et de l’emploi.

A l’heure actuelle, le pays ne dispose pas d’assez de richesses et de moyens pour assurer à tous un juste développement humain durable. Des centaines de milliers d’enfants cambodgiens sont exploités 335 . Poussés essentiellement par la pauvreté, le manque d’éducation et certaines traditions, ils sont obligés de servir de domestiques, de fouiller les décharges à la recherche de déchets à revendre ou à recycler ; quand ils ne sont pas livrés à la prostitution ou enrôlés dans les conflits armés. Tout cela pour des salaires de misère - parfois pour rien - et, bien sûr, au détriment de leur éducation et de leur développement physique et psychique.

Évidemment, si des employeurs peu scrupuleux n’étaient pas prêts à les exploiter, les enfants ne travailleraient pas. Et si les patrons préfèrent utiliser la main d’œuvre enfantine, alors que les parents recherchent désespérément un travail, c’est parce qu’ils peuvent la payer moins cher et parce que les enfants, plus désarmés et malléables, risquent moins de s’organiser contre l’oppression. Bien sûr, la responsabilité des parents dans cette situation est primordiale ; c’est souvent en toute connaissance de cause qu’ils laissent leurs enfants se faire exploiter. C’est que la modeste contribution d’un enfant représente souvent une part vitale du revenu familial. La supprimer en soustrayant les enfants au travail, sans trouver d’alternative, revient encore à appauvrir les plus démunis et ne garantit en rien que ces enfants ne retourneront pas au travail. Au contraire, ils risquent d’être engagés dans des conditions encore pires et dans des secteurs mieux dissimulés ou illégaux.

Si l’on veut abolir le travail des enfants 336 , c’est à la pauvreté qu’il faut s’attaquer. Il faut que chaque famille dispose d’un revenu suffisant pour assurer la satisfaction de tous ses besoins physiques, psychiques, sociaux et culturels. Il faut que les parents puissent garantir à leurs enfants un épanouissement personnel et une éducation donnant accès à des conditions de vie dignes. En attendant, puisque le Cambodge est loin de cet idéal, il faut attaquer le problème du travail des enfants de front et faire avec ce que l’on a.

Pour améliorer la situation des enfants, nous pouvons également suivre le Programme International pour l’Abolition du Travail des enfants de l’OIT qui prévoit l’élaboration de politiques et de programmes nationaux à exécuter en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs et tous les secteurs de la société civile et qui visent, entre autres 337 :

Notes
334.

Voir la section 1 du chapitre II de la partie II.

335.

La situation du travail des enfants est analysée dans le chapitre III de la partie I, pages 145 – 148.

336.

Il faut noter également que les questionnements actuels relatifs au travail des enfants, qui mobilisent la communauté internationale, les gouvernements et les organisations non gouvernementales, apparaissent légitimes et indissociables d’un objectif de développement humain socialement durable, compte tenu de la persistance du phénomène à grande échelle, des processus d’éviction en termes d’investissement en capital humain qu’il engendre, et des pires formes qu’il prend dans de très nombreux cas.

337.

Bénédicte Paquay, « Le travail des enfants : une réalité bien pesante », Journal du collectif n°11, novembre -décembre 1998.