V – Renforcer l’application des réglementations sur le marché du travail

A partir des théories et de l’évidence économique, nous sommes amené à formuler un certain nombre de recommandations. Ces recommandations, plutôt que de préconiser une application rigoureuse et sévère, considèrent la demande de l’application des réglementations sur le marché du travail cambodgien comme un acquis et se proposent de rendre le fonctionnement du marché du travail plus compatible avec l’amélioration de la situation de l’emploi. L’analyse économique des réglementations du marché du travail et de ses aspects spécifiquement pour le Cambodge (voir la section 3 du chapitre III de la partie I) permet de dégager un certain nombre de principes qui devraient pousser une application de la réglementation.

Dans les activités professionnelles, les travailleurs jouissent de certains droits vis-à-vis de l’entreprise, en particulier ils ont le droit d’être représentés, ou assistés par des délégués du personnel pour défendre ou pour faire valoir leurs intérêts. Or, au Cambodge, les syndicats sont presque totalement liés aux partis politiques. Le code du travail cambodgien permet à tout travailleur et à tout employeur, quels que soient son sexe, son âge ou sa nationalité, d’adhérer librement au syndicat professionnel de son choix.

Même si le code du travail cambodgien donne la liberté aux travailleurs comme aux employeurs de former leurs organisations représentatives, les organisations syndicales ne sont guère existantes. La syndicalisation n’existe que dans l’industrie de la confection textile. Le renforcement de la liberté d’expression et d’adhésion aux activités syndicales est donc au cœur de notre recommandation.

Le ministère, malgré toute sa bonne volonté et bien que doté d’un nouveau Code du travail, ne peut pas résoudre les problèmes du travail, de l’emploi et de l’action sociale, sous la responsabilité d’un département encore jeune, inexpérimenté et manquant de cadres compétents. Améliorer la compétence technique et administrative du ministère et accroître la qualité de ses programmes est une mesure avant tout urgente. Par ailleurs, le ministère, en plus de ses responsabilités pour la mise en place d’une législation du travail, a un rôle vital à jouer pour l’aide aux nombreuses personnes en grande précarité. La mise en place du système de renforcement de la formation professionnelle des cadres du ministère dans ce domaine nous semble importante et indispensable.

Le problème du chômage qui se pose actuellement pour notre pays n’est pas forcément (ou partiellement) dû à un problème de surpeuplement comme dans certains pays voisins, ni à un manque de places sur le marché du travail. C’est un problème découlant de plusieurs phénomènes négatifs convergents : instabilité politique, corruption, migration internationale, discrimination, licenciements abusifs, mauvaise qualité du service de l’emploi, développement inéquitable entre différentes zones du pays…etc. Il suffit donc d’être objectif, pour voir clairement que le problème du chômage n’est pas uniquement causé par le manque de places ou par le sous-emploi. Notre recommandation consiste également à :

Pour bâtir le Cambodge de demain, il faut, entre autre, accorder une place importante à la bonne application des œuvres législatives (dont le code du Travail), et développer l’industrie pour employer la main d’œuvre sortie des écoles. Mais pour que cela soit possible, l’administration devra aussi résoudre d’autres problèmes sociaux qui sont autant de sources de difficultés.

L’expérience a montré que dans un pays où l’application du droit du Travail était rendu impossible, ou était entravée par des phénomènes négatifs tels que la corruption, l’autoritarisme, ou une bureaucratie aveuglée par la fainéantise, c’est toujours le sort des travailleurs qui est mis en cause. Ceux-ci sont en effet forcés de travailler comme des robots ou comme des bêtes de somme, moyennant un salaire de misère. Leur santé morale ou physique se trouve altérée. La force active du pays décline alors de manière inévitable.