Section 2 – Le secteur privé comme acteur principal de la création d’emplois au Cambodge

En dépit de son rôle prépondérant dans le domaine industriel, le secteur privé cambodgien a donné des résultats décevants. La croissance industrielle globale s’est ralentie au cours des dix dernières années, et les investissements directs étrangers ont diminué. La plupart des activités du secteur privé sont rurales et informelles et elles emploient plus de 70% 340 de la population active (agriculture incluse). Le secteur privé moderne n’emploie que 6,39% 341 de la population active. Les entreprises informelles jouent un rôle prédominant dans les secteurs primaire et tertiaire, c’est-à-dire l’agriculture, le commerce, le tourisme et les transports. C’est ainsi que la plus grande partie du commerce de détail et une partie importante des importations de biens de consommation sont le fait d’entreprises informelles.

Le fait que le secteur privé ne soit pas parvenu à jouer un rôle plus marqué dans la stimulation de la croissance économique peut être largement attribué aux rigidités et à l’inefficacité de la gestion économique extrêmement dirigiste appliquée depuis 1979.

A l’instar d’un certain nombre de pays en développement, le secteur privé cambodgien est caractérisé par sa pluralité. En effet, en terme de niveau ou de système d’organisation des entreprises, du profil des entrepreneurs, de leur nationalité, de leur origine et de leur vision de leurs intérêts et de la lecture qu’ils ont du développement économique et social, le secteur privé cambodgien est caractérisé par une grande diversité.

Une des raisons à phénomène est le caractère « émergent » du secteur privé en tant qu’entité et force sociale. De par l’histoire économique, politique et sociale du pays, ce secteur est en pleine évolution et mutation. Il est donc évident que l’évolution du secteur privé cambodgien, sa composition et les intérêts qu’il représente, restent intimement liés à l’histoire économique et sociale du pays.

Mais il est également important de préciser que le secteur privé cambodgien a toujours su s’accorder avec un contexte en perpétuelle mutation, montrant ainsi son dynamisme et sa capacité d’adaptation. Aussi, le secteur privé reste-t-il composé d’une mosaïque d’entreprises et d’entrepreneurs où cohabitent un secteur moderne 342 d’une part, et un secteur dit d’économie populaire, principalement urbain, communément appelé « informel » 343 , composé d’entreprises à l’organisation interne peu structurée, d’autre part.

A partir des années quatre-vingt-dix, l’existence d’une multitude de petites activités se déroulant en marge des cadres institutionnels et en dehors des normes traditionnelles de production ou d’emploi, est rapidement apparue comme une réalité socioéconomique incontournable des zones urbaines cambodgiennes. Jusqu’à aujourd’hui, le Cambodge reste encore l’un des pays d’Asie du Sud-est les plus concernés par ce phénomène de l’informel.

D’autre part, durant ces deux dernières décennies, le pays s’est engagé, comme nombre de ses voisins asiatiques, dans un processus de déréglementation et de libéralisation des marchés à travers la mise en place de différents Plans d’Ajustement Structurel (P.A.S) 344 . L’objectif de cette section est de réunir ces constats autour d’une même perspective, en analysant la place et le rôle macroéconomique du secteur privé, formel et informel, dans une économie cambodgienne où les mécanismes de marché sont désormais le mode privilégié du processus de favorisation de l’emploi.

Notes
340.

Voir pages 172-174

341.

Idem.

342.

Royal Government of Cambodia, Small and Medium Enterprise Development Framework, Sub-Committee on Small & Medium Enterprises, July 29, 2005, page 13.

Dans le secteur moderne :

la grande entreprise : souvent filiale ou partenaire d’une multinationale, elle est généralement définie comme celle ayant plus de 100 employés permanents ou avec plus de 500 000 dollars de capital versé ;

la moyenne entreprise : en général, elle est à capitaux familiaux et organisée de façon moderne. Elle emploie souvent 51 à 100 employés ou avec un capital versé compris entre 250 000-500 000 dollars.

la petite entreprise : toutes les entreprises de 11 à 50 employés ou avec un capital versé compris entre 50 000-250 000 dollars. Elles sont localisables car occupant un lieu fixe, font l’objet d’enregistrement auprès des autorités compétentes, tiennent des comptes réguliers et s’efforcent très souvent de distinguer l’identité de l’entreprise de celle des principaux propriétaires ou promoteurs.

La micro entreprise : elle est définie comme celle ayant moins de 10 employés ou avec un capital inférieur à 50 000 dollars.

343.

Dans le secteur dit informel : on peut distinguer ici des problématiques relativement différentes :

les entreprises artisanales de type traditionnel,

la petite ou la micro-entreprise, elle-même scindable en plusieurs catégories d’entreprises si l’on s’appuie sur des critères comme l’importance de l’accumulation du capital, la valeur ajoutée, les potentialités de croissance vers une entreprise de type moderne ou la trajectoire ou le profil des chefs d’entreprise.

Les entreprises du secteur artisanal.

344.

Des politiques imposées par les bailleurs de fonds à partir des années 1990 : réforme de l’administration publique en réduisant le nombre de fonctionnaires et la force armée. Il faut noter également que ces politiques résultent en un blocage des recrutements dans le secteur public et que ce blocage ne s’est pas accompagné d’une relance forte de l’investissement dans le secteur privé moderne. Par conséquent, le Cambodge a connu une situation de chômage, la montée du taux d’activité féminin et la progression du secteur informel.