2 – L’emploi informel comme un régulateur du chômage

La dynamique du travail des petites unités doit être mise en relation avec l’ensemble des déterminants du travail « formel » et « informel », sur l’ensemble des segments d’emploi, des micro-unités jusqu’aux grandes entreprises en passant par les segments artisanaux, les PME, les entreprises privées et publiques nationales. Dans l’économie cambodgienne, face à une stagnation du revenu par tête et à un épuisement de la création d’emplois publics, ce sont les secteurs ruraux et surtout « informels » urbains qui jouent les principaux rôles de régulateurs.

Au Cambodge, nous constatons une forte croissance de l’ « auto-emploi » en milieux rural et urbain et des activités « travaillistiques » à faible coût en création d’emploi. On estime la part du secteur « informel » dans la population active cambodgienne occupée non agricole entre deux tiers et trois quarts (la méthode utilisée est celle du solde de l’emploi non enregistré ou de la différence entre les sources exhaustives de la population active et les sources de l’enregistrement 351 ). Il s’agit d’emplois à dominante tertiaire où la proportion de femmes est souvent supérieure à 50%. La pluriactivité joue un rôle déterminant.

Il en résulte un certain nombre de tendances communes aux différentes villes cambodgiennes : le salariat permanent est de moins en moins la norme de référence 352 . L’emploi normal concernant un travailleur au service d’un employeur pour une durée de travail à plein temps et dont la condition est régie par un contrat de travail (supposé comme un contrat à durée indéterminée), qui a correspondu historiquement au rapport salarial de type fordiste est de moins en moins la norme au Cambodge ; on observe un développement de la flexibilité et de la polyactivité ; le chômage est croissant (estimation à partir des statistiques disponibles), de l’ordre de 5,4% (cf. chapitre III de la partie I). Le taux de chômage des jeunes est quatre fois supérieur à celui des adultes. Le chômage des diplômés s’est accru continuellement au cours des dernières années et ne peut plus être analysé comme un chômage d’attente ou de recherche. Il est devenu structurel et de plus en plus régulé par l’insertion des « scolarisés » dans les petites activités marchandes avec une forte déqualification, notamment par rapport aux attentes. On observe également un retour des scolarisés vers les zones de plantation et les petits commerces en milieu rural et urbain ; la protection sociale n’existe pas encore pour l’ensemble de la population et ces petites activités jouent un rôle de substitut à l’absence d’assurance chômage. L’« informel » peut ainsi apparaître comme un secteur refuge, de refoulement de la main-d’œuvre salariée, d’amortisseur de la crise sociale.

Nous constatons par ailleurs que les villes abritent désormais la plus forte concentration de personnes occupées dans le secteur informel. On estime que 50 à 60 % 353 de la main-d’œuvre urbaine de nombreuses villes cambodgiennes travaille dans le secteur informel. Nous constatons d’une façon générale que, dans ce secteur, les emplois créés n’exigent qu’un très faible capital. Par exemple, une enquête effectuée en 2003 à Phnom Penh par l’Institution Nationale des Statistiques 354 , a permis de constater que plus de la moitié (54 %) des entreprises du secteur informel fonctionnaient avec un capital de moins de 5 000 dollars des Etats-Unis. En conséquence, le secteur informel constitue une source viable d’emploi pour tous ceux qui n’ont pu trouver à s’occuper dans le secteur formel.

Notes
351.

NIS, (2003), « Labour force survey of Cambodia », Phnom Penh, Cambodge.

352.

Idem.

353.

NIS, (2003), « Labour force survey of Cambodia », Phnom Penh, Cambodge.

354.

Idem.