Conclusion

Les privatisations mises en œuvre depuis plus de 10 ans ont eu des résultats limités au Cambodge. Au-delà d’un discours favorable au secteur privé, les bailleurs de fonds continuent d’affecter l’essentiel des financements à la reconstitution des administrations. De nombreux facteurs expliquent ces résultats limités : il y a des difficultés à trouver des repreneurs, les délais de mise en œuvre sont longs et les procédures sont complexes, les repreneurs étant souvent de pseudo-producteurs. La faiblesse des investissements privés étrangers et nationaux est liée à un ensemble de facteurs qui tiennent, malgré les réformes en cours, à des conditions institutionnelles et politiques autant qu’économiques : faible crédibilité des politiques économiques et des pouvoirs, environnement institutionnel peu sécurisé, incertitude de l’environnement juridique.

Plusieurs mesures d’attractivité des capitaux extérieurs et de soutien aux investissements privés sont ainsi nécessaires. Il est souhaitable de traiter équitablement les entreprises nationales et étrangères. Les incitations fiscales n’interviennent qu’en seconde position au regard des facteurs d’attractivité des IDE (sécurité, infrastructures, institutions, capacités technologiques, logistiques, etc.).

L’économie de marché et les dynamiques du secteur privé ne peuvent fonctionner de manière efficiente que si l’Etat et les acteurs de ce secteur sont renforcés pour créer l’environnement institutionnel favorable, si les entreprises ont des logiques d’investissement productif sur le long terme, et si les mécanismes redistributifs fonctionnent avec des tensions sociales régulées. La rôle que joue le secteur privé ne peut être dissocié de l’environnement économique social, culturel et politique dans lequel il agit. Le marché ne peut se construire sans un environnement institutionnel favorable.

A l’issue de cette analyse, nous pouvons tirer les conclusions suivantes: le secteur privé (formel et informel) assume des fonctions vitales au sein de l’économie et de la société cambodgienne: il contribue de manière décisive et croissante à la production nationale, à l’emploi, à la distribution de revenus, à la formation et à la satisfaction des besoins essentiels de la population. Conscient de ce rôle social et économique que lui-même ne parvient plus à assumer et au moment où est engagé une action de réforme institutionnelle, l’Etat doit manifester sa volonté de mettre en place les moyens pour encourager, promouvoir et intégrer ce secteur au sein des politiques nationales. Parallèlement, l’Etat se doit d’harmoniser les interventions sectorielles publiques ou privées, nationales ou internationales, et de s’ouvrir à une politique participative de développement en collaboration avec les partenaires concernés.

Cependant, la tâche est considérable pour le secteur informel : il souffre fortement des contraintes économiques (faiblesse de la demande, difficultés d’approvisionnement, de commercialisation, d’équipement) et sociales, et évolue dans un cadre légal et institutionnel pesant et inadapté, notamment dans les domaines de l’accès au crédit ou aux marchés publics et d’exportation. Le gouvernement en tant que tel ne pourra venir à bout de cette tâche, la mise en place d’une solution durable passant nécessairement par la concertation inter-institutionnelle et la participation des producteurs intéressés, aussi bien dans l’élaboration des stratégies que dans leur exécution. Le succès d’un tel processus exige, avant tout, l’organisation du secteur sous forme d’associations socio-professionnelles et de groupements d’intérêt collectif.

C’est pourquoi, dans un premier temps, il doit s’agir d’une recherche-action participative pour cerner les intérêts, motivations et contraintes des acteurs informels. Une prise de conscience plus nette des potentialités recélées devrait les inciter à se mobiliser, sans négliger les comportements souvent individualistes des artisans et leurs réticences envers toute formule d’intervention trop formelle. Cette tâche ne doit pas être conduite directement par les autorités gouvernementales, mais elle ne doit pas se faire sans elles. Le but des autorités ne doit pas être l’intervention mais une fonction incitative de promotion, laissant aux opérateurs informels une grande autonomie d’organisation, d’initiative et d’action. Cette tâche doit être confiée à des ONGs compétentes ou à des organismes ayant le mandat et l’expérience dans l’appui au processus d’organisation du secteur. Il incombe avant tout au gouvernement de créer un environnement économique et financier favorable à de telles initiatives de base, en matière d’investissement et d’accès au crédit en particulier, renforcé par un ensemble de mesures d’ordre institutionnel, technique et budgétaire.

L’approche que nous allons développer dans la section 3, tiendra compte à la fois de l’engagement des autorités gouvernementales en matière de développement, de la volonté des bailleurs de fonds et des ONGs de s’y associer en apportant leur concours spécifique, et du degré de participation et de prise en main effective des opérations par les bénéficiaires eux-mêmes. En mettant à contribution les différents acteurs sociaux (les institutions publiques) et intervenants privés (nationaux ou étrangers) il paraît possible de trouver une réponse supplémentaire adaptée à la promotion et au développement économique et social du Cambodge.