3 – Le recours au secteur privé

Nous pensons que l’appel au secteur privé n’a pas pour seul et unique intérêt la mobilisation rapide de capitaux privés. Il permet aussi d’introduire dans les services publics de nouvelles méthodes de gestion, une culture de service-client, une plus grande efficacité. A service public constant, ces gains de productivité réduisent le besoin de capital et constituent une source d’économies publiques.

Aussi est-il utile d’envisager d’autres formes de délégations de services publics. Toute une gamme de formules est disponible. Dans la sous-traitance, l’Etat est propriétaire des actifs qu’il finance, est responsable de l’exploitation et de la maintenance, et sous-traite certains services (gestion d’un hôpital, entretien ou exploitation d’une route) à une entreprise privée moyennant rémunération. Lorsque le seul souci tient à la production efficace de services, cette formule est intéressante, car elle fait bénéficier le propriétaire public du savoir-faire professionnel d’un opérateur privé. Mais la marge de manœuvre de ce dernier est singulièrement limitée. Une autre formule à laquelle peut recourir le gouvernement cambodgien : l’Etat reste propriétaire des actifs (infrastructures existantes comme un réseau d’eau, de transport, d’énergie…) qu’il finance, et l’entreprise privée loue ces actifs dont elle gère et finance l’exploitation et l’entretien. Elle prend le risque commercial et perçoit une rémunération de la part des consommateurs ; elle reverse une « location » à l’Etat propriétaire. Cette formule est un cas particulier de la «concession de service public» à proprement parler, dans laquelle la puissance publique concédante (Etat ou collectivité locale) concède à l’exploitant-concessionnaire, par un contrat de concession qui en fixe les termes, la construction et l’exploitation d’actifs dont elle reste propriétaire. Sur la base du contrat de concession, l’entreprise privée concessionnaire finance les infrastructures et en assure l’entretien et l’exploitation. Elle supporte les risques commerciaux. La concession diffère de l’affermage par le circuit de financement des investissements : à la charge de l’entreprise privée dans la concession, et de la puissance publique dans l’affermage. Dans la pratique, cependant, la différence est moins marquée : certains biens peuvent être mis à disposition du concessionnaire (ou du fermier), qui a l’obligation d’en financer d’autres.

La « concession de service public » au sens large permet en somme d’organiser, par la voie d’un contrat, une coopération de long terme entre une collectivité publique et un opérateur privé pour l’exécution d’une mission de service public, tout en combinant maîtrise publique et efficacité privée, respect de l’intérêt général et efficacité économique.

Le développement du secteur financier est un enjeu important pour le Cambodge, et fait aujourd’hui l’objet d’un cofinancement entre la Banque Asiatique de Développement et la Banque Mondiale. Alors que l’épargne cambodgienne est quasi absente (le taux d’épargne nationale était de 21,5 % en 2001 379 ), les marchés financiers locaux ne lui offrent pas encore les débouchés nécessaires au développement productif du pays. Il faut en effet noter qu’une épargne locale abondante est un atout considérable pour contribuer à la mise en place d’une croissance durable. Il est d’autant plus important de disposer des instruments de mobilisation nécessaires en contribuant à la modernisation des institutions financières locales et du cadre institutionnel et réglementaire.

En résumé, la promotion des infrastructures physiques (rurales comme urbaines) aura de son côté un impact non négligeable sur la croissance économique en permettant un lien de développement équilibré entre les divers secteurs d’activités et l’amélioration des conditions de vie des habitants. A cet effet, le Gouvernement devrait poursuivre ses efforts visant à améliorer l’accès à tous types d’infrastructure, aux transports, aux télécommunications, et aux autres services sociaux y compris les services d’éducation et de santé. Il sera par ailleurs appelé à mobiliser et à utiliser à bon escient les capacités humaines, à diversifier les sources de revenus pour les pauvres, à élargir les choix qui pourraient s’offrir aux couches défavorisées en vue d’améliorer leur sort, et à réduire l’exclusion et la fracture sociales. Enfin, la poursuite du processus de libéralisation et d’expansion des infrastructures économiques et sociales ne manquera pas de faciliter l’expansion du secteur privé, et partant, d’alimenter la croissance, d’accroître les revenus et de créer des emplois qui favoriseront à long terme la réduction de la pauvreté.

Cependant, une croissance économique soutenue ne peut pas être réalisée sans l’existence d’une relation économique extérieure nécessaire pour faire avancer le niveau de développement. A cet égard, l’intégration du Cambodge dans la région et la normalisation de ses rapports avec la communauté internationale constituent un aspect important du développement 380 . Peu de temps après la formation du nouveau Gouvernement, le Cambodge a réussi à regagner son siège aux Nations Unies et est devenu le dixième membre de l’Association des Nations du Sud-est Asiatique (ANSEA). De même, le gouvernement a établi des rapports constructifs avec les institutions financières internationales, la communauté des donateurs et les organisations internationales, et ses efforts pour adhérer à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC/WTO) sont bien avancés.

Face à la mondialisation, le Gouvernement reconnaît qu’accomplir un développement socio-économique durable dépend étroitement de la mise en oeuvre efficace un programmes de réforme ambitieux, mais aussi du rythme de leur mise en oeuvre, afin d’atteindre un nouveau palier de croissance économique à même de permettre une meilleure compétitivité sur la scène internationale.

Or, il est essentiel que la mondialisation soit perçue comme un phénomène favorable à tous les travailleurs. Dans l’économie nationale, le fait que tout travailleur a des droits au travail doit être posé comme un principe de base. Réaliser ces droits est la condition fondamentale d’une mondialisation socialement viable. Pour assurer une répartition équitable des bienfaits de la mondialisation, il faut avant tout accroître la productivité des travailleurs. Il faut aussi une meilleure coordination globale de toutes les politiques qui ont une incidence sur l’emploi, aux niveaux national et international. Ces politiques supposent un développement coordonné de la demande, une bonne approche des flux commerciaux et financiers et un nouveau cadre pour les migrations internationales.

Notes
379.

Ministère de l’Economie et des Finance, « Economic Review », 2002. Le taux d’épargne des années récentes n’est pas disponible.

380.

Le deuxième élément de la « Stratégie Triangulaire » du gouvernement consiste à tirer des avantages de l’intégration du Cambodge dans la région et vise une normalisation de développement.