3 – Qualité de l’emploi

Les succès économiques du Cambodge au cours de ces dernières années ne se sont pas forcément traduits par une augmentation des possibilités d’emploi, ou par une amélioration de la qualité de l’emploi. En particulier, le Cambodge, qui a déjà appliqué une stratégie fondée sur la mise en valeur des ressources humaines 382 , n’a pas obtenu une amélioration des conditions de travail et d’emploi comme faisant partie intégrante du processus d’augmentation de la productivité, processus d’ailleurs intimement lié aux résultats de l’entreprise et aux niveaux de revenus. Ainsi, les améliorations apportées à la qualité de l’emploi ne s’expliquent pas seulement par le remplacement des industries «insalubres» par des industries plus avancées et plus «propres» sur le plan technique, mais également par un effort plus général visant à optimiser la productivité du travail, notamment par la création d’emplois de meilleure qualité. Toutefois, s’il existe certaines améliorations qualitatives, celles-ci sont restées encore inégales. Par exemple, on a très peu progressé sur le plan de protection des travailleurs et de l’élimination des discriminations.

Un des principaux éléments intervenant dans la qualité de l’emploi a trait aux droits fondamentaux des travailleurs tels que la liberté syndicale et la négociation collective. Le Cambodge qui n’a pas encore mis au point des systèmes plus élaborés de négociation collective et de reconnaissance des droits des travailleurs n’est pas le mieux placé pour tirer pleinement parti d’une politique de mise en valeur des ressources humaines. Des mécanismes novateurs seront nécessaires pour améliorer les résultats des entreprises et renforcer la protection des travailleurs, objectif à la réalisation duquel les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent participer. Le Cambodge devrait également tirer des enseignements de l’expérience des pays qui se sont industrialisés avant lui, ou des pays qui se sont récemment engagés dans la voie de la mise en valeur des ressources humaines.

La persistance du secteur informel urbain ne manquera pas de poseer des problèmes particuliers au gouvernement cambodgien s’il veut améliorer la qualité de l’emploi. Des services insuffisants d’inspection du travail, l’absence de relations professionnelles formelles, des revenus limités et irréguliers, et aussi la perception insuffisante de l’importance et des avantages de conditions de travail améliorées, constituent autant d’obstacles au progrès. Aussi, le secteur informel, qui emploie de nombreuses femmes, se caractérise-t-il par des conditions de travail médiocres et dangereuses, par l’absence de toute protection sociale et par l’emploi de nombreux enfants.

Issue de notre analyse développée ci-dessus, nous pouvons tirer la conclusion suivante :

Pour le Cambodge, à ce stade du processus d’ouverture et de modernisation, les enjeux sont particulièrement importants. Le pays a besoin d’une politique d’investissements publics ambitieuse pour soutenir la croissance et donc la création de nouveaux emplois rémunérés. Ceci exige une importante mobilisation de ressources, à la fois publiques et privées. Le Cambodge doit entreprendre de mobiliser des fonds privés pour ses projets d’infrastructures, qui sont cependant moins de véritables « partenariats public-privé » (PPP) que de strictes opérations d’investissement direct étranger. La nécessaire ouverture des services publics aux financements privés requiert la mise en œuvre de formules plus souples de partenariat, la poursuite de la modernisation des méthodes de gestion des services publics, tout en laissant à l’Etat la capacité de réglementer la fourniture de certains services publics aux implications sociales vitales, la constitution d’un secteur privé national plus puissant, la création d’un climat de confiance favorable à d’importants investissements étrangers. Enfin, la mobilisation des ressources, tant auprès des investisseurs privés étrangers que de l’aide publique pour le développement (APD), nécessite une simplification des procédures administratives qui souvent occasionnent retards et complications dans la mise en place des concours financiers.

L’évolution que connaît le Cambodge dans le domaine de l’emploi et des conditions du marché du travail a également des conséquences profondes pour le développement du pays. Les organisations internationales, les employeurs, les travailleurs, ainsi que le gouvernement, doivent relever des défis nouveaux et complexes découlant de la mondialisation et d’une concurrence internationale accrue. Il est essentiel qu’ils puissent contribuer de façon significative à l’élaboration de politiques intégrées de création d’emplois et de mise en valeur des ressources humaines.

Notes
382.

Le développement des ressources humaines constitue le troisième axe de la stratégie triangulaire.