1. Problématiques 

L’intérêt de ma recherche est de lier certaines conceptualisations à ma pratique sur la base d’un dispositif de groupe psychanalytique relative à une modalité de travail sur les rêves des membres du groupe et développer quelques hypothèses qui rendraient compte des fondements théoriques de ma clinique.

Pour la création de ce dispositif d’approche, il a fallu tenir compte de la mise en tension de l’intrapsychique et de la transubjectivité, et de l’articulation de la transversalité des sujets dans de multiples dimensions.

Pour accéder à mettre en rapport ces deux instruments d’expression de l’inconscient : les groupes et les rêves, j’essaierai d’appréhender et d’étudier les points de tissage qui les nouent.

Ayant constaté l’existence d’une mise en figurabilité aussi bien dans le rêve que dans le groupe et dans le psychodrame, je me suis demandée comment en profiter pour s’en approcher et mieux saisir cet univers figural. Pour travailler cet objectif central de ma recherche, je tenterai tout d’abord de rendre compte d’une nouvelle dimension de l’analyse qui s’ouvre dans et par mon dispositif, qui m’a permis d’explorer en simultané trois espaces psychiques (intra, inter et transpsychique). Je me placerai au cœur de cet assemblage tout au long de cette recherche pour aborder la problématique principale qu’implique ce processus de subjectivation concernant le rapport sujet-culture qui s’avère fort évident dans les groupes. Ces trois dimension, intra, inter et transubjective sont liées chez le sujet, mais il est important de distinguer le cadre individuel de celui groupal car chacun nous permettra d’analyser en profondeur plutôt une dimension qu’une autre. Le cadre de la cure individuelle nous centre á analyser l’intrapsychique et le niveau interpsychique activé dans le rapport transférentiel. Dans les groupes, s’ajoute le niveau interpsychique par rapport, non seulement à la figure de l’analyste, mais aussi aux autres membres du groupe. Tandis que le niveau transpsychique rend compte du lien du sujet a la réalité sociale et culturelle. C’est ainsi que nous remarquons dans la clinique groupale qu’à la suite de certains récits de rêves, ces trois niveaux s’entrecroisent, révélant ce qui concerne l’histoire personnelle dans l’actualisation du transfert à l’analyste ainsi que les transferts latéraux et à’histoire collective de la société où le groupe s’inscrit.

Ces rêves de, et en groupe nous confrontent à la question de l’espace onirique en tant que façonné par la culture. L’analyse de ces rêves dans le cadre groupal m’a donc conduit à mettre en place un dispositif tenant compte et de la singularité et de la pluralité de chaque sujet dans sa culture.

Dans le premier chapitre, je pose les problématiques évaluées pour l’invention de ce nouveau dispositif répondant aux besoins sociaux pour aborder des nouvelles formes de souffrance psychique.

Le groupe, les rêves et sa mise en scène par le psychodrame nous interrogent sur la traversée des discours sociaux dans la constitution elle-même de ces psychopathologies actuelles. Comment la traversée de la réalité sociale, les pratiques sociales et l’imaginaire culturel modélisent la subjectivité ? Comment pouvons-nous travailler la mise en tension et de la réalité psychique et celle sociale ? Quels sont les fondements théoriques et cliniques pour mettre en place un dispositif qui rend compte de cette l’imbrication?

Les situations de crises sociales et traumatiques m’ont amenée à travailler aussi le positionnement qui correspond à l’analyste transpercé en tant que sujet par la réalité sociale.

Dans le deuxième chapitre après avoir étudié le champ de ma pratique et avoir synthétisé mes hypothèses, j’essayerai aussi de répondre à d’autres interrogations concernant les différences de la technique d’interprétation des rêves dans la psychothérapie groupale et dans la cure traditionnelle. L’analyse de la chaîne associative groupale déclenché par le récit du rêve nous interpelle sur la fonction des destinataires du rêve.

La problématique centrale de ce chapitre concerne le point de nouage entre l’espace onirique et l’espace du groupe. Plusieurs questions s’ouvrent sur l’intervention de l’interpsychique dans la fabrication du rêve, la mise en tension entre le rêve du rêveur et son appropriation par le groupe et la dimension transubjective d’un rêve par rapport à la réalité sociale et culturelle.

Je vais illustrer par des cas cliniques et enrichir le débat parmi différents auteurs ayant étudié ces sujets.

Dans le troisième chapitre, je me consacrerai aux rêves traumatiques et à la relation entre rêve, groupe et trauma. Un rêve de Primo Levi sera le point de départ des certaines questions relevantes sur le besoin d’embrasser les espaces intra, inter et transpsychique pour construire une clinique sociale du trauma. Je m’interroge sur l’apport du groupe thérapeutique pour élaborer ces situations traumatiques. Les rêves traumatiques dans ce contexte, et les scènes psychodramatiques m’ont apporté aussi une nouvelle modalité pour aborder le non figurable du trauma. Comment le groupe peut-il travaillé avec les rêves qui dévoilent un trauma ? Quel est l’apport du groupe thérapeutique pour l’élaboration d’un trauma ?

Je reviens ainsi à l’univers figural et à la problématique fondamentale de ma thèse sur la possibilité de saisir le point « charnière » entre l’histoire personnelle et l’histoire collective.

Nous reprendrons le rêve de l’Homme aux Loups et pour étudier les différentes fonctions du rêve et travailler ce rêve du point de vue de la construction d’une psychopathologie. D’autres questions s’imposent autour des rêves qui sembleraient enserrer l’étiologie d’une psychopathologie - tel le rêve de l’Homme aux Loups - et d’autres qui semblent promouvoir une nouvelle réorganisation psychique.

Les vignettes cliniques de récit de rêves d’expatriés (patients étrangers ayant séjourner quelques années dans un pays pour des raisons professionnelles) m’aideront à explorer l’analyse de ces vécus traumatiques.

Dans le quatrième chapitre je vais traiter l’assemblage entre l’espace onirique, l’espace du groupe, l’intervention du monde extérieur et l’impossible de signifier par la psyché.

Dans l’approche utilisée dans ce chapitre pour analyser cet assemblage, je tiens donc à préciser ma conception du sujet, lequel est traversé par l’histoire, la culture, les liens, les langues, la politique, les idéologies, le synchronique et le diachronique... Mon objet et mon champ d’étude est donc le produit de ces traversées. Les éléments historiques, philosophiques et politiques dont je me sers pour illustrer ce travail vont dans ce sens. En effet, l’analyse de la dictature militaire en Argentine, de la figure du Che Guevara, des situations camp de concentration…, sont choisis non pas pour en faire une analyse sociopolitique mais pour analyser cet assemblage et son poids dans la psyché des membres d’une société.

Cet assemblage se manifeste clairement aussi à travers le traitement des rêves dans diverses tribus et sociétés que je vais étudier. De quelle manière les dimensions sociale et culturelle s’exprimeraient-elles au sein des rêves et des groupes ? Comment le rêve et le groupe sont-ils imprègnes pour la conception du monde d’une certaine culture ?

Une autre expression de la complexité de cet assemblage qui attire mon attention dans ce dernier chapitre, est abordée par le phénomène de rêves partagés. Ces rêves qu’à mon sens convoquent les psychanalystes à ouvrir la polémique de la transmission de la pensée, démontrent la mise en figurabilité du rêve et du groupe qui rassemblent les trois espaces psychiques (intra, inter et transpsychique). Quelles sont les clés pour comprendre ce phénomène et quel rapport y a-t-il entre rêves partagés, résonance fantasmatique et identification ?

Pour répondre à ces questions, je m’inspire des théorisations de psychanalystes qui m’ont accompagnée de leurs pensées, tels que R. Kaës, un des auteurs le plus importants en la matière (groupe et rêve) ; B. Duez dont je reprends les conceptualisations sur la relation entre le rêve et les psychopathologies actuelles; et d’autres auteurs tels que C. Neri, P. Aulagnier, A. Eiguer, Foulkes, Bion, Winnicott, entre autres, bien entendu S. Freud.