A.3. Description et fondement d’un dispositif de praticien

Dans le contexte du groupe, mon dispositif permet de travailler en particulier les rêves et les analyses apparaissant au cours des séances d’un groupe réduit où chacun apporte sa thématique qui n’est pas forcément la même.

Dans les groupes que j'anime travaille une équipe thérapeutique qui prend note de ce qui se passe au cours des séances : identifier les transferts dans le groupe, accompagner leur processus et élaborer les résultats.

Cela contribue au travail de l’intertransfert et à approfondir l’implication de l’analyste dans le groupe ainsi que de son contre-transfert, c’est-à-dire, la mobilisation de ses propres groupes internes et la fantasmatique qui leur est associée. C’est pour cette raison, qu’un autre espace, celui de la supervision, est fondamental pour mieux comprendre et métaboliser les enjeux transférentiels des intégrants du groupe, dus aux multiples aspects décrits auparavant. Il est nécessaire d’être très attentif à ces aspects afin d’éviter le risque de rester dans la capture imaginaire du groupe 10 (*)

Il s’agit de groupes thérapeutiques hétérogènes de 8 à 10 personne dont le cadre suit les règles d’association libre, d’abstinence, de restitution de l’information dans la séance et de confidentialité tel que Anzieu l’a proposé, (Le groupe et l’inconscient,1978).

Après avoir énoncé ce cadre, mon dispositif comprend aussi le travail des rêves dont la consigne est la suivante :

«Nous allons travailler aussi sur l’analyse des vos rêves que chacun apportera à la séance de groupe. L’équipe thérapeutique pourra mettre en place des techniques psychodramatiques pour la mise en scène des rêves si c’est pertinent»

L’équipe thérapeutique est composée de des analystes dont les fonctions sont d’observation, de diriger la scène psychodramatique et la coordination du groupe tenant compte du contre-transfert et du travail l’intertransfert. La fréquence des séances est d’une fois par semaine et chaque séance dure une heure et demie.

Les scènes psychodramatiques peuvent être choisies par le groupe ou proposées par l’équipe thérapeutique pour mettre en scène un rêve ou une autre scène imaginaire ou réelle et le psychothérapeute peut aussi proposer les techniques de doublage, changement de rôles, etc., et après les intégrants du groupe associent sur cette scène pour son élaboration groupale.

Dans le cadre du groupe familial et de mon travail avec des familles expatriées ou en situation de mobilité internationale, plus précisément dans le cadre des entreprises, j’ai choisi ce dispositif spécifique visant à étudier la rupture des habitudes qu’implique l’adaptation à une nouvelle culture. L’utilisation de la technique du psychodrame par les membres du groupe et par les familles qui mettent alors en scène le rêve apporté par un de ses membres, permet d’approfondir les niveaux intrapsychique, interpsychique, transpsychique et leurs articulations.

Les dispositifs pluripersonnels (couple, famille, groupe, institution) facilitent l’élucidation des questionnements explicités ci-dessus du fait de la particularité du transfert. Dans ce cadre, le transfert est multidimensionnel et nous permet d’amplifier la notion de transfert traditionnellement centré sur la relation analyste/analysant. Aux mécanismes de condensation, déplacement et projection sur la figure de l’analyste, s’ajoute la diffraction des groupes internes et des fantasmes inconscients qui opèrent dans chaque membre du groupe externalisé sur chaque participant. Les effets de condensation, de déplacement et de projection opèrent aussi sur chaque participant ainsi que le transfert latéral et central, des transferts entre les membres du groupe et des membres du groupe sur les thérapeutes, et enfin le transfert du groupe sur le groupe (M. Bernard, 1997).

A. Béjarano (1972) observe outre les transferts central, latéral et sur le groupe : le transfert du groupe sur le monde extérieur. Il montre aussi que l’assignation du rôle de leader est induite par le groupe qui le convoque comme porte-voix du transfert du groupe. Le fait que le leader prenne ce rôle peut être aussi au service de la résistance agissant à la fois comme porteur du transfert et de la résistance groupale.

Par conséquent, les investissements libidinaux sont distribués de plusieurs façons : le transfert latéral entre les membres d’un groupe permet de travailler les différentes configurations des liens de même que le transfert du groupe sur le groupe et sur le monde extérieur contribue à déployer et à rendre plus accessible le niveau transubjectif et transpsychique.

Lorsque dans le groupe fonctionne le transfert sur le monde externe, l’on observe que le cadre social opère comme une extension du cadre thérapeutique et inversement, surtout dans les situations de crise sociale. Tout ce processus transférentiel s’appuie sur les groupes internes - imagos, relations d’objets, fantasmes originaires, identifications…- définis comme formations intrapsychiques équipées d’une structure groupale (Kaës, 1976).

Le groupe provoque spontanément la mise en scène des groupes internes de chaque membre et la réactualisation des fantasmes et des conflits infantiles sur de multiples objets. La modalité selon laquelle chacun pourra étayer son identité dans le groupe dépend de l’élaboration de ces transferts. Par ailleurs, si le groupe est inséré dans une institution, il existe un autre transfert à analyser : le transfert institutionnel.

Cette faculté d’analyse du transfert qui est essentielle à tout cadre psychanalytique joue aussi un rôle d’importance dans mon dispositif dans les productions des rêves des participants du groupe.

Notes
10.

(*) Communication personnelle avec le Dr. René Kaës