Si l’on s’en tient à ce qui vient d’être exposé, les rêves seraient impossibles à interpréter dans le groupe.
Il convient de préciser que J. Pontalis soutenait à l’époque (1978) une position qui ne comptait pas sur les outils que nous possédons aujourd’hui pour appréhender la fabrication du rêve dans le groupe.
Je constate que les rêves en groupe offrent un matériel abondant et riche et qu’ils représentent justement un pôle d’attraction pour capter les effets inconscients groupaux déjà nommés ci-dessus. C’est en nous centrant sur la construction du rêve dans le groupe que nous allons pouvoir résoudre les possibilités d’interprétation qu’il offre, en étant particulièrement attentif aux conditions qui rendront possible l’interprétation.
Pour revenir à la source de la construction des rêves, je citerai Freud qui considère que :
‘“L’interprétation du rêve est la voie royale vers la connaissance de ce qui est inconscient dans la vie onirique. Si nous poursuivons l’analyse du rêve nous avancerons dans la compréhension de la composition de cet instrument de tous le plus merveilleux et plein de secrets.” 39 ’S’il en est ainsi dans le travail individuel, j’estime qu’il est important de chercher à relever les différences que présente cet outil qu’est le rêve au sein du groupe analytique. En effet, il s’agit plutôt d’une richesse que d’un obstacle : ce qui l’enrichit c’est le fait même de son surgissement et l’écoute de plusieurs destinataires.
De quelle manière s’installe le récit du rêve adressé non seulement au psychanalyste mais aussi à plusieurs personnes dans le champ transféro-transférentiel ?
Pontalis nous répond que les rêves dans le groupe sont une ressource pour se situer dans le transfert et pour mieux saisir son processus dans le groupe.
Considérons la découverte de Freud : il remarque que ses patients rêvent souvent pour lui procurer du plaisir, pour le duper ainsi que pour réfuter ses théories ; le rôle du destinataire du rêve qu’il met ainsi en relief s’avère fondamental. Dans le groupe, les multiples destinataires du rêve nous conduisent vers d’autres interrogations. C’est dans ce sens qu’il faut admettre que les rêves dans le groupe ne peuvent pas s’interpréter de manière classique comme dans la cure individuelle. Si nous n’attendions que des associations libres du rêveur, l’interprétation groupale serait impraticable
C’est pourquoi, nous pouvons reconsidérer la théorie et la technique d’interprétation des rêves dans le groupe à la lumière de l’interjeu rêveur –ensemble. Si nous nous plaçons dans cette nouvelle optique, d’autres problématiques à élucider s’ouvrent dans les cadres pluripersonnels : Quelles sont les différences avec l’analyse traditionnelle ? Quelles sont les relations entre le récit du rêve et les destinataires ?
Si le rêve déclenche les associations des autres membres du groupe, comment reformuler l’interdiscursivité de la chaîne associative groupale qui n’appartient plus au rêveur ?
Freud, S., 1900, La interpretación de los sueños, Amorrortu.T..IV y V.- Buenos Aires, p. 596. (la traduction est à moi)