2.5. L’espace onirique et l’espace du groupe dans l’analyse groupale : un cas clinique

Le matériel clinique d’un groupe d’adolescents présentant des rêves à caractère semblable, nous servira d’illustration pour aborder les interrogations précédentes. Après avoir présenté cette vignette clinique, je proposerai un débat à l’appui de différents auteurs pour nous pencher sur le point de vue méthodologique, le rêve comme symptôme et le rêve comme figuration des fantasmes du groupe.

Il s’agit d’un groupe avec lequel j’ai travaillé durant plusieurs années. Au moment du fragment de la séance que je raconterai ci-dessous, le groupe terminait sa première année d’analyse. Cette séance est la seconde après les grandes vacances.

Dans la première séance après les vacances, les intégrants du groupe ont annoncé à l’équipe thérapeutique qu’ils s’étaient retrouvés pendant les vacances et qu’ils avaient décidé de changer l'horaire des séances suivantes, sans notre accord. Voici le récit de la séance suivante :

Rosa : Je ne suis pas là... Je n’ai pas envie d’être là, en plus, on a déjà accordé qu’on ne pouvait plus venir à cette heure-ci...

Corina : Oui, nous en avons déjà parlé..., j’ai l’impression que le groupe ne me sert à rien... (silence)

Elida : Quand je suis sortie de la dernière séance, j’avais mal à tête et je suis allée me coucher, j'ai fait un rêve horrible, j'ai rêvé que je mourais et...

Corina : Ne m’en parle pas! Je ne me rappelle pas bien si c’est ce même jour ou pendant la semaine, mais moi aussi, j’ai rêvé que je mourais et je me voyais morte, ils me veillaient et j’observais tout...

Elïda: Oui, dans mon rêve aussi, j’observais mon propre enterrement... ! (perplexe)

Pedro : (étonné) Ne déconnez pas, cette semaine j’ai vu des morts partout et j’ai repensé à la mort d'Olmedo ( un comédien humoristique très connu dont la mort tragique - la chute d’un balcon – a bouleversé toute la population du fait d’en ignorer la cause : accident ou suicide ? )

Elida : C’est incroyable... (silence). Moi, on m'enterrait sans savoir que j'étais morte, ils me faisaient une autopsie et j’avais la hanche putréfiée, j’avais des vers dans le corps.

Corina : (rire nerveux) Eh bien, moi, on ne m’a pas fait d’autopsie, mais les gens me regardaient et je voyais ceux qui souffraient pour moi et ceux qui ne souffraient pas. Ces gens étaient hypocrites, j’écoutais tout ce que l’on disait sur moi, en bien et en mal…

Elida  : C’était terrible, je sentais que mon corps s’en allait… ! (Elle se touche la zone génitale) Quelle sensation immonde ces vers ! Tout était pourri....

Pedro : J’ai l’impression que ça pue ici !!!

Rosa : C’est fou, vous avez vu ? C’est quand on meurt qu’on est idolâtré ou quand on n’est plus là...

Analyste 1 : Si vous vous mettez d'accord pour que le groupe disparaisse, nous, les coordinateurs, nous allons vous idolâtrer comme vous l’avez fait pendant notre absence. Vous pourrez voir comment nous souffrons et de quoi nous parlons entre nous sur vous. (Long silence)

Rosa : Je me demande si j'ai un sexe…Quand j'ai des rapports sexuels, c’est comme si j’avais un pénis…, je sens qu’il a de l’initiative et de l’agressivité...., ou c’est peut-être ce que je souhaiterais...

Elida : Moi aussi, je sens pareil que toi, je crois que j’en ai marre d’être femme...

Pedro : Moi…, j'ai un pénis, et pourtant je voudrais être autonome, prendre mes décisions tout seul, être sûr de moi...

Analyste 2 : Vous sentez que le pénis, le pouvoir, c’est l'équipe thérapeutique qui l’a. Vous voudriez nous l’enlever, résoudre vous-mêmes la question de l'horaire par exemple, et détruire la coordination du groupe, ce qui nous rendrait impuissants. (silence)

Elida : Je n'ai plus de rapport avec ma petite amie, j'espère qu'un type tombera amoureux de moi, ce qui semble assez dur…

Rosa: J’aimerais bien ne plus sentir d’agressivité dans mes relations...

Analyste 1 : L'agressivité chez Elida apparaît quand elle sent qu’on ne pourrait pas s’éprendre d'elle, parce qu'elle sent quelque chose de pourri dans son vagin. Rosa ne peut pas tolérer que l’autre possède le pénis. Pedro en a un, mais ça ne suffit pas, parce qu’il a quand même besoin de l’autre, Corina, elle, attend que l’autre la regarde, la désire, lui parle, mais elle n’ y parviendrait que si elle absente comme son père.