Tout d’abord, il est nécessaire de définir ce qui signifie l’interprétation proprement dit que selon J. Laplanche et J- B.Pontalis est un :
‘« Dégagement, par l’investigation analytique, du sens latent dans le dire et les conduites d’un sujet. L’interprétation met à jour les modalités du conflit défensif et vise en dernier ressort le désir qui se formule dans toute production de l'inconscient ». 63 ’Je considère que certaines scènes psychodramatiques et certains rêves ayant un effet d’interprétation du fait de représenter le conflit entre les défenses et les désirs inconscients, provoquent une prise se conscience (insight) de la même teneur qu’une interprétation de l’analyste : elles dévoilent ce qui était refoulé avant de réaliser cette scène comme production de l’inconscient de chaque membre du groupe mais aussi comme produit du travail du groupe.
Laplanche et Pontalis distinguent la « technique d’interprétation communiquée par l’analyste » et le terme interprétation auquel je fais référence :
‘« C’est l’attitude freudienne au regard du rêve qui a constitué le premier exemple et le modèle de l’interprétation. (…) L’interprétation, pour Freud, dégage, à partir du récit qui fait le rêveur (contenu manifeste), le sens su rêve tel qu’il se formule dans le contenu latent auquel conduisent les libres associations. La visée dernière de l’interprétation est le désir inconscient et le fantasme dans lequel celui-ci prend corps. Bien entendu, le terme d’interprétation n’est pas réservé à cette production majeure de l’inconscient qu’est le rêve. Ils s’applique aux autres productions de l’inconscient (actes manqués, symptômes, etc.). et plus généralement à ce qui, dans le dire et le comportement du sujet porte la marque du conflit défensif » 64 ’J’ai constaté que certains patients de groupe (et d’autres dans la cure individuelle) incorporent cette « attitude freudienne » après quelque temps d’analyse. La scène psychodramatique en tant que production de l’inconscient des membres du groupe et le rêve « comme production majeure de l’inconscient », peuvent porter une interprétation visant à révéler le sens latent caché derrière le choix de la scène ou le rêve lui-même qui représentent les fantasmes de chacun ou le fantasme en résonance.
A mon sens, nous retrouvons « l’attitude freudienne » chez certains membres du groupe, notamment comme résultat de leur évolution dans l’analyse groupale, ainsi dans l’intensité de leurs liens. Il est important alors de distinguer que cette attitude peut impliquer des interprétations des membres ainsi que celles de l’analyste.
Tout ce que je viens d’exposer sur la perspective théorique et du point de vue de la clinique m’amène à élargir mon hypothèse du rêve comme production groupale et à étudier un plus qui apporte le groupe pour son analyse.
La scène psychodramatique déclenche chez les patients des effets de résonance qui activent une capacité d’interprétation. Par conséquent, certaines scènes peuvent condenser différents signifiants dont les membres du groupe peuvent s’approprier, accordant une valeur de production conjointe interprétante à la scène en elle-même.
Je postule donc que le rêve et certaines scènes de psychodrame sont des outils pour élaborer des situations traumatiques dû aux effets de résonance dans le groupe. Et qu’ils permettent une élaboration conjointe du trauma individuel tout en apportant au reste du groupe « un plus » de travail d’élaboration personnelle. C’est pourquoi les productions interprétatives des participants recouvrent les dimensions intra, inter et transpsychique.
Dans ce graphique j’essaie de synthétiser ce développement du travail du groupe :
La différence entre l’interprétation psychanalytique et les productions interprétatives des membres du groupe réside en ce que ces dernières sont parfois issues des libres associations qui concourent à la construction de l'interprétation psychanalytique et peuvent produire des effets analysants chez les autres, tandis que la dimension de l’interprétation psychanalytique qui lie ces constructions, produit du sens et de l'élaboration.
Il me faut auparavant établir ce qui distingue le rêve du psychodrame. L’une des différences entre l’espace psychodramatique et l’espace onirique est liée à l’absence d’implication corporelle dans le rêve. C’est pour dépasser les limites de ces différences que je propose de mettre en scène des rêves afin de permettre une élaboration qui passe aussi par la transformation de l’émotion vécue dans le corps.
Cependant il reste une différence importante avec le psychodrame où le travail sur la figurabilité se fait dans un sens progrédient de l’intérieur du groupe à l’extérieur (interjeu entre le groupe interne et le groupe externe). Dans le rêve, comme je l’ai déjà remarqué ci-dessus l’appareil psychique suit inévitablement un cours régrédient et c’est seulement dans le travail dans l’après-coup du rêve que l’analyste proposera de prendre la direction contraire, c’est-à-dire de la régression propre au rêve à la progression du travail d’élaboration, de l’inconscient vers le conscient.
C’est en considérant cette dernière différence que je me propose dans la partie suivante d’articuler plus profondément le travail du rêve dans le groupe en étudiant plus précisément les récits de rêves traumatiques et les conceptualisations théoriques qui donne appui à cette articulation.
Op. Cit. p. 206
Op. Cit., p. 207