b) La rêverie familiale et le rêve d’Anne

Dans les plupart des familles dont les expatriations permanentes constituent l’une des particularités, les sentiments d’union et de communauté représentent un soutien primordial pour affronter à chaque fois ce nouveau bouleversement.

A. Eiguer a constaté que

‘« (…) la famille se replie d’abord sur elle-même. L’état d’esprit est ici le « refusionement », dans le sens de recréer une bulle à l’abri de l’extérieur. » 115

Dans le cas qui nous occupe ce phénomène de  refusionement se perçoit dans l’expression des sentiments d’hostilité qui ne trouve pas de place dans la famille. Les occasions d’ouverture émotionnelle dans ce sens, étaient systématiquement frustrées. Face à cette situation lors des premières séances, le vécu de destruction familiale représentait un énorme risque s’ils osaient exprimer leur hostilité.

Céline dit : « nous allons vers un rêve familial et celui qui s’éloigne de ce rêve semble être un infidèle » lorsqu’elle ose manifester son propre désir différent de celui du groupe familial. Les sentiments d’appartenance au groupe familial sont soutenus par des rituels et des non dits. Le rêve familial est évidement de conserver l’état de fusion au prix de l’immobilisation de chacun des membres de la famille dans un rôle préétabli. Cette immobilisation suscitait de plus en plus le désir de mort entre eux. Ce désir apparaissait sous forme cannibale : chacun était dévoré par l’autre dans un complexe enjeu de projections et d’identifications.

Ils sentaient ces émotions et ces désirs comme une voie qui conduisait directement à la mort (suicide/anorexie).

Il est significatif que le rêve d’Anne après sa tentative de suicide ait été : « je vole » ce à quoi elle a associé : « s’évaporer », « laisser sa place », « trouver sa liberté… ».

Nous pensons que le rêve de vol est aussi lié à une connotation sexuelle et à ce qui a trait à l’intimité, cela amène Anne vers le plus dangereux. Elle se sent attachée à une vie sans désir, cependant, quand elle trouve son désir, elle voudrait s’enfouir et tuer ses désirs.

Notes
115.

Eiguer, A., 1999, « Mécanismes compensatoires face au déracinement », Le Déracinement, in Le divan Familial,, Revue de Thérapie familiale psychanalytique, In press edit, Paris, p. 15