f) Travail d’intertransfert : un étayage intra-analystes

Le travail dans l’équipe intertransférentielle avec le psychothérapeute d’Anne, nous a apporté des échanges enrichissants pour sortir du transfert massif où nous étions plongés et pour nous resituer en permanence dans un principe de réalité que le cadre socialisant de l’équipe nous pourvoyait. Des passages à l’acte ont pu être contenus entre nous. Lorsque nous devions décider de dispenser la famille de l’équipe d’hospitalisation à domicile, nous avons discuté le risque que cette décision devienne un acting-out de notre part. Aussi avons-nous cette réflexion à l’équipe intervenante dans son ensemble.

Quant aux accompagnantes thérapeutiques, l’une avait peur de laisser Anne toute seule, une autre pensait que la patiente était capable de commencer à être seule. Nous avons remarqué l’identification croisée de ces deux accompagnantes, correspondant aux deux aspects d’Anne : la peur et le désir d’être sans protection.

En équipe, nous avons pu nous rendre compte de notre propre difficulté à réfléchir à chaque prise de décision (médication, les sorties, etc.) reflétant la problématique de la famille embrouillée dans ses interjeux identificatoires.

Cet état d’indécidabilité où l’équipe ne pouvait pas se distinguer des avatars émotionnels de la famille, a mis en évidence que l’espace inter transfert était indispensable pour aborder ce transfert topique. À chaque scène transformationnelle dans le champ intértransferentiel, la famille nous répondait par une autre scène complémentaire.

Le travail d’équipe nous a conduit à découvrir ce transfert topique et à situer cette famille dans la catégorie de psychopathologie de l’obscénalité (B. Duez ibidem). L’effet d’obscénité des scènes intimes lors des séances et hors séances et le côté théâtral de ces scènes, étaient les indices qui nous révélaient que cette psychopathologie est en jeu.

Nous avons constaté le fonctionnement de la diffraction des multiples aspects des groupes internes de chacun sur notre équipe. En effet, sur les accompagnantes étaient déposés les aspects phobiques et persécuteurs et sur les infirmières les aspects protecteurs. Les angoisses catastrophiques très archaïques qui affleurent sur le fond d’ambiguïté et l’état d’indécidabilité, exprimaient les signes de l’état traumatique.

Du point de vue de l’économie psychique, nous pourrions aussi penser que premièrement il s’agirait d’une situation traumatique de débordement pulsionnel (pulsion de mort) et d’échec de la barrière pare-excitatrice. Ce serait ce phénomène qui nous amènerait dans un second temps vers le point de vue topique. Ceci en considérant la nécessité manifeste de trouver un espace de contention de l’excès pulsionnel soit par une exportation dans les autres soit par un déplacement vers l’agir ou sur le corps (formation des symptômes et cadre psychopathologique). 118 (*)

Notes
118.

(*) Communication personnelle en supervision avec Dr. René Kaës