Première partie. Attente et déception dans l'œuvre dramatique et narrative de Julien Gracq : état des lieux

Chapitre premier. Situation d'attente

S’il est vrai que le mot "attente" désigne un thème primordial de l'œuvre gracquienne, permettant de rendre compte des œuvres analysées ici, le terme se présente, d’emblée, à l’usager de la langue, comme caractérisé par la polysémie. Il est donc nécessaire, d’un point de vue méthodologique, d’en fixer les principaux sens, en s’appuyant, au-delà des références étymologiques, sur les définitions lexicographiques établies, définitions qui seront étayées d’exemples empruntés aux trois œuvres du corpus, ou plus généralement à l’œuvre de Julien Gracq. Précisons, à ce propos, que l’observation des occurrences qui va être réalisée dans la première section de ce chapitre liminaire ne constitue, en aucun cas, une véritable herméneutique interprétative de l'oeuvre, la fonction des références y étant plus illustrative qu’explicative ou démonstrative: ces références n'ont, à vrai dire, d'autre but que de fixer l'usage sémiotique idiolectal que l'écrivain peut avoir du mot "attente", dans la perspective de l'analyse qui va suivre. Le terme fera ensuite l’objet d’une description sémique plus approfondie, sans que, toutefois, cette nouvelle approche ne dépasse le seuil d’une élucidation préliminaire.

Chacun sait, par ailleurs, qu'un fait ou un événement de nature ponctuelle n'est pleinement déterminé que si se trouve connue sa position dans le temps et dans l'espace. Même si la réalité de l'attente qui fait l'objet de notre analyse dans l'œuvre narrative de J. Gracq ne correspond pas, par définition, à un fait aussi précisément situé, il apparaît nécessaire d'en connaître les coordonnées spatiotemporelles, pour parvenir à l'approcher, autant qu'il est possible, et pour en décrire les contours. La configuration esthétique que dessinent le thème et ses motifs dans les trois œuvres, quel que soit le genre littéraire auquel chacune se rattache, ne peut s'appréhender sans que soient fixés et décrits à grands traits les principaux repères de l'espace et du temps. Quel dispositif de formes le processus d'attente observable dans les trois œuvres littéraires de référence déploie-t-il dans l'espace euclidien à trois dimensions et comment ce même dispositif s'inscrit-il sur l'axe d'une temporalité? C'est à quoi vont s'employer à répondre les deux autres sections de ce chapitre liminaire. Celui-ci, on l'aura compris, se propose, à travers cette double délimitation (lexicographique et situationnelle), une première approche compréhensive du thème de l'attente et, par là même, de l'œuvre analysée.