III 1. À bonne fin.

Dans Le roi pêcheur, l'attente de ceux qui désirent et qui envisagent l'avenir dans une perspective d'espoir n'est pas sans lien, comme on sait, avec la Promesse. Sans revenir sur les mobiles qui poussent ces acteurs à croire en celle-ci et à projeter, à partir d'elle, un avenir incomparablement meilleur que le présent, observons quelles formes prend, à leurs yeux, son plein accomplissement dans leurs projections imaginatives. Bien que la référence religieuse doive être, d'évidence, écartée, en raison même des affirmations de J. Gracq dans son "Avant-propos" 220 , la majuscule qu'il attribue au terme de Promesse dans le texte à dire par les acteurs lui confère une signification forte, d'une dimension proche de celle que revêt le mot "Promesse" dans un contexte biblique 221 . Une telle Promesse, remontant à un temps quasi immémorial, ne peut que s'enrichir de toutes les associations et résonances qui sont attachées, dans le contexte médiéval qui est celui de la pièce, à la notion de contrat, ou à celle de foi donnée 222 . La force d'engagement contenue dans cette Promesse n'est, en effet, pas moindre que celle impliquée par le serment vassalique, à travers lequel un vassal jurait fidélité et assistance à son suzerain. Aussi, l'assurance que l'événement promis aura bel et bien lieu a-t-elle, a priori, force de certitude auprès des acteurs impliqués. Cette foi dans l'avènement du salut annoncé semble pourtant perdre de son efficace et de sa pertinence au fur et à mesure que se prolonge et s'approfondit l'attente, au point que les propos échangés par les chevaliers du Graal, au début de la pièce, sans aller jusqu'à mettre en doute la probabilité de sa réalisation, n'en sont pas moins déjà profondément marqués par l'amertume:

‘"Le service du Graal nous promettait l'éternelle jeunesse. Et maintenant chaque minute d'attente me retire une goutte de sang du cœur." 223

Malgré son caractère de plus en plus conjectural, cette même Promesse n'en sollicite pas moins les esprits et l'imagination des protagonistes. Il suffit à Kundry que Clingsor évoque devant elle la perspective de l'arrivée imminente du Pur pour qu'aussitôt la favorite royale ait la vision exaltée et extatique d'un accomplissement de ce qui a été promis:

‘"…les ponts-levis s'abaisseront, et les femmes du château le laveront, le parfumeront et le vêtiront de samit, de soie d'Orient et de fourrures de Varangie et le roi le priera au soir dans la grand' salle. Et les chevaliers siègeront à leur rang sur les lits de brocart d'or. Et les portes d'ivoire s'ouvriront, et les trompettes sonneront, et Montsalvage, jusqu'aux plus creux de ses pierres ne sera plus qu'un seul souffle suspendu." 224 . ’

Comme on peut l'observer, la vision n'est pas seulement chargée de richesse – elle contient, d'évidence, les objets les moins austères, les vêtements les plus rares, les intérieurs les plus harmonieux –, elle est aussi organisée selon des règles comme un cortège cérémonial et rituel. L'anaphore du "et" fonctionne ici comme le lien qui unit les différentes vignettes de cette somptueuse tapisserie pour les constituer en récit cohérent et chronologiquement ordonné. Mais ce que laisse apparaître, plus manifestement encore, une telle vision, c'est son caractère comblant et compensateur. C'est bien, en effet, au plus haut degré et sur le mode de la surabondance et de la démesure que les manques accumulés, les souffrances endurées, les frustrations réelles ou imaginaires vont trouver une satisfaction plénière, ou une entière réparation. Pourtant, en dépit des valeurs modales habituellement prêtées à l'indicatif, le processus envisagé dans le futur ne peut être perçu sur le mode d'un accomplissement réel: l'emploi exclusif du futur oblige même à considérer le processus comme "futur imaginé". Au caractère "à venir" de la réalisation s'ajoutent, en effet, des conditions elles-mêmes non encore réalisées, d'où résulte "une double éventualité de réalisation" 225 qui rend la perspective, sinon assez peu probable, au moins suspendue, voire hypothétique. Une telle présomption d'improbabilité ne semble pas pour autant effleurer Kundry qui poursuit sa représentation compensatrice:

‘"Et le Graal sera porté par des vierges de haut lignage sur un plateau de pierres précieuses, et il sera lumière, musique, parfum et nourriture. Et le Graal sera porté devant le Très Pur, et les lèvres du Très Pur murmureront la question qui brise les charmes: «Quel nom est le tien, plus éclatant que la merveille?» Et la Colombe descendra sur les airs, le Graal éclatera dans la splendeur, la plaie d'Amfortas guérira, la vie coulera aux veines dans toute sa force, et le Très Pur règnera avec honneur sur Montsalvage." 226

L'éventualité est évoquée, comme on le voit, avec une telle complaisance pour la satisfaction que, dans sa plénitude même, l'accomplissement semble destiné à exaucer ou à combler tout espoir et tout désir, en dépassant la mesure de leur attente. Kundry, en décrivant la situation, n'hésite pas à convoquer conjointement la puissance surnaturelle de la Colombe représentant l'Esprit et le pouvoir tout aussi prodigieux du Graal restauré dans sa force par la parole salvatrice du Très Pur: ce que cette seule Parole démiurgique suffit à délivrer, n'est-ce pas la vie même, sous toutes ses formes?

La perspective ouverte par une issue favorable des attentes se présente sous des formes tout aussi généreuses et satisfaisantes dans Le Rivage des Syrtes. Le désir le plus clairement affirmé par les protagonistes du récit consiste, on s'en souvient, à vouloir échapper à l'engourdissement généralisé du monde. Dans la mesure où ce même désir s'élabore souvent, chez ceux qui espèrent un avenir meilleur, à partir de l'inertie et de la stagnation complaisamment entretenues par l'institution et par les rouages du système, c'est avec une égale complaisance pour les transformations et les changements que ces mêmes acteurs envisagent l'éventualité espérée dans une optique elle-même renouvelée. Ils semblent dores et déjà, du reste, vivre dans le présent cette orientation vers l'avenir, en éprouvant et en montrant une extrême appétence pour la nouveauté ou pour la simple mobilité de certaines situations. C'est d'abord l'idée même du mouvement qui se trouve fréquemment exaltée. Comme l'observe justement Gérard Cogez, dans son étude du Rivage, "le corps-en-mouvement est une figure qui revient très souvent dans le livre, non sans que soit souligné à maintes reprises le caractère aventureux de ce déplacement" 227 . C'est ainsi que l'officiant de Saint Damase, dans le sermon qu'il prononce à l'occasion de la veillée de Noël, date symbolique qui nous place significativement, dans le temps liturgique de l'Avent, évoque avec éloquence et lyrisme l'image mouvante du cortège en marche des rois mages dont il fait des figures emblématiques de l'aventure, du renouvellement permanent et de l'accueil inconditionné de toute situation nouvelle:

‘"Ils sont partis pourtant, laissant tout derrière eux, emportant de leurs coffres le joyau le plus rare, et ils ne savaient à qui il leur serait donné de l'offrir. Considérons maintenant, comme un symbole grand et terrible, au cœur du désert ce pèlerinage aveugle et cette offrande au pur Avènement. C'est la part royale en nous qui avec eux se met en marche sur cette route obscure, derrière cette étoile bougeante et muette, dans l'attente pure et dans le profond égarement." 228

C'est donc bien sous le signe de la mobilité et de l'ouverture à ce qui advient que se placent les protagonistes en situation d'attente. De même, c'est encore subjugué par cet éloge de l'attitude de réceptivité accueillante au monde que le narrateur Aldo, au moment où il se rend à cheval au domaine d'Ortello pour y percevoir un reliquat d'argent, éprouve, avec une intensité sensorielle renouvelée, "tout son corps en marche, intensément, dangereusement vivant" 229 . Il est vrai que la perspective du changement qu'appelle de ses voeux, à l'égal de Kundry, la troublante Vanessa a fait lentement son chemin dans l'esprit d'Aldo au point que son propre désir n'a pu, en l'occurrence, que s'enfiévrer et s'amplifier au contact des accents visionnaires du sermon entendu en l'église de Saint Damase.

Ce sermon constitue, de toute évidence, le lieu du Rivage où se concentrent le plus de paroles téléologiques ou prophétiques. Un passage éclairant du discours est, à cet égard, celui qui, mêlant les représentations de la fin aux formes mimétiques d'un pastiche du Sermon sur la montagne, évoque l'avenir en des termes particulièrement opulents et flatteurs:

‘"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elle est grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée. Heureux qui laisse tout derrière lui et se prête sans gage; et qui entend au fond de son cœur et de son ventre l'appel de la délivrance obscure, car le monde sèchera sous son regard, pour renaître. Heureux qui abandonne sa barque au fort du courant, car il abordera sur l'autre rive. Heureux qui se déserte et s'abdique lui-même, et dans le cœur même des ténèbres n'adore plus rien que le profond accomplissement…" 230

Au-delà des motifs proprement béatifiques du discours, grâce auxquels le lecteur peut identifier sans effort, dans ce texte, la référence évangélique et le "ton même de l'Évangile" 231 , leur formulation décline le thème de l'accomplissement dans des formes qui rappellent, avec assez d'évidence, le mythe antique de l'Age d'or 232 . À l'image de la grossesse qui se prolonge en corne d'abondance et s'accroît de la profusion féconde et de la pleine maturité des fruits, fait, en effet, écho l'extrême prodigalité de la lumière. Puis à ce triomphe d'un devenir lumineux décrit comme parfaitement irréversible dans le contexte établi par le discours sermonnaire, fait suite le sentiment de l'accomplissement qui s'associe à la figure du passage et à celle de son franchissement, comme si le monde qui paraissait pourtant déjà comble avait besoin d'un nouveau sursaut, ou plus précisément d'une nouvelle expansion, pour être enfin conduit "sur l'autre rive". Inutile de dire ce qu'un tel discours et de telles images d'engendrement et de recréation permanente peuvent avoir d'improbable, leur but étant moins de convaincre rationnellement que de toucher au cœur 233 .

Le sentiment de plénitude associé au devenir n'est pourtant pas seulement traité, dans Le Rivage des Syrtes, sur le mode du genre sermonnaire ou de son pastiche. Ce thème affleure aussi dans certaines situations d'attente des acteurs, y prenant alors l'aspect d'une embellie inopinée, ou d'un état momentané de grâce qui anticipe sur une issue favorable et conforme à leurs attentes. Si un tel sentiment d'espoir n'effleure qu'à peine le narrateur nouvellement posté sur les remparts de l'Amirauté au début du deuxième chapitre et découvrant le paysage lumineux et calme qui s'y laisse lire ("le cheminement de fourmi des rares allées et venues, le cliquetis d'un attelage, le bruit isolé dans le hangar d'un marteau clair, montaient distincts jusqu'à moi dans l'air aux vibrations de cloche – cette intimité familière et toute connue m'était douce" 234 ), en revanche, c'est avec un espoir plus profondément ressenti qu'Aldo éprouve, sur l'île de Vezzano et sous le charme de Vanessa, le sentiment de plénitude comme la promesse d'autres plénitudes à venir plus comblantes encore:

‘"Le souvenir que je garde de cette traversée est celui de ces jours de plénitude où la flamme chaude de joie qui brûle en nous dévore et résume en elle paisiblement toutes choses, semble s'allumer, comme au foyer d'une immense lentille, à la seule transparence du ciel et de la mer. 235 ".’

Ce thème prend enfin sa pleine mesure dans le passage du chapitre IX du roman où Le Redoutable vient de franchir la ligne des patrouilles:

‘"Il me semblait que nous venions de pousser une de ces portes qu'on franchit en rêve. Le sentiment suffocant d'une allégresse perdue depuis l'enfance s'emparait de moi; l'horizon, devant nous, se déchirait en gloire; comme pris dans le fil d'un fleuve sans bords, il me semblait que maintenant tout entier j'étais remis – une liberté, une simplicité miraculeuse lavaient le monde: je voyais le matin naître pour la première fois" 236 . ’

Observons combien l'état de plénitude excède ici le comble déjà évoqué en d'autres lieux à travers cette déchirure qui s'ouvre sur l'inconnu et sur l'insaisissable et ceci à partir d'un total déni du temps. Ce que pourtant cette jouissance d'un instant de plénitude suprême éprouvée dans un mouvement de dilatation du moi peut avoir de paradoxal, c'est qu'elle s'opère en lien étroit avec l'enfance et avec un dynamisme proprement natif. C'est pourquoi, même si cette vision toute nouvelle d'un monde naissant suscite chez le narrateur le sentiment de la merveille, celui-ci ne saurait procéder d'une certitude raisonnée quant à l'avenir objectif de ce qui fait ici office de réalité. En fait, tout se passe ici comme si l'intensité de l'état présent de grâce et d'allégresse, à laquelle, de toute évidence, la métaphore religieuse de la rémission confère une dimension quasi mystique, suffisait à accréditer, par sa force même, la perspective d'un monde à jamais ouvert à la plénitude et à la merveille. Ainsi, comme on a pu l'observer, les perspectives ou les représentations d'une attente comblée ne sont pas absentes du Rivage des Syrtes, où elles prennent une forme souvent dynamique et de plus en plus expansive vers des états ultérieurs envisagés, en l'occurrence, comme idéals. Cet état de grâce suspendu, ces embellies actuelles comme gages d'un avenir meilleur, cette force qui porte en avant le devenir trouvent-ils leurs équivalents dans Un balcon en forêt?

Contrairement aux deux récits précédents, où l'attente était en quelque sorte prospective, dans Un balcon en forêt, elle prend une forme plus suspensive, comme nous avons eu l'occasion de le démontrer déjà à partir de l'étude des structures temporelles 237 . Pour ce nouveau récit qui raconte l'épisode historique de la "drôle de guerre", la question des représentations d'une fin accomplissant un désir se pose donc dans des termes quelque peu différents. Ici le désir et l'attente ne se vivent plus, selon les modalités dilatoires des deux récits précédents, où les acteurs, mobilisés dans leur attente et dans leur impatience, étaient contraints, à leur corps défendant, de remettre à plus tard l'accomplissement d'une Promesse, situation représentée par Le roi pêcheur, ou la réalisation d'une transformation attendue, perspective où se plaçait le narrateur du Rivage des Syrtes. Dans le nouveau récit, et ceci par la force des choses, l'attente et son accomplissement sont, en quelque sorte, beaucoup plus concomitants et simultanés, l'intervalle temporel, situé "entre le terme inchoatif et le terme terminatif" 238 du processus d'attente étant ici considérablement réduit. Cette restriction de l'intervalle n'a pas pour conséquence de priver les protagonistes du nouveau récit de tout désir, mais cela doit nous amener à décrire autrement le rapport de ce désir au temps. En effet, au lieu d'être premier et de caractériser l'état initial de la situation, le désir des protagonistes du Balcon et l'attente optimiste qui les caractérise n'interviennent qu'en un second temps, et ceci à partir d'une première prévision négative qui, elle, semble perdre de sa pertinence (c'est tout au moins la perception qu'en ont les acteurs eux-mêmes). Dans la mesure où la catastrophe imminente du conflit attendu et où la perspective de l'invasion escomptée, loin de se réaliser immédiatement, tardent à se mettre en place, un espoir s'insinue progressivement dans l'esprit de Grange et de ses hommes, "le souhait magique qu'on les [ait] oubliés là pour longtemps – pour toujours" 239 .

Au vrai, les acteurs d'Un balcon en forêt s'installent dans une sorte de présent perpétuel qui tend à substituer à une temporalité linéaire un temps immobile propre à conjurer les périls. Partant, la perspective de l'attente n'est pas, d'abord, orientée par eux vers une fin comblant le désir et l'espoir. Non que l'idée même de fin heureuse ne soit jamais envisagée. On peut penser, par exemple, aux réflexions optimistes que suscite, chez Grange, la consultation des pièces officielles décrivant les consignes à respecter en cas de combat, réflexions qui l'entraînent presque à envisager un au-delà de la guerre:

‘"à lire ces pages qui en traquaient l'imprévisible de virgule en virgule, on se sentait inexprimablement rassuré: on eût dit que la guerre avait déjà eu lieu" 240 . ’

Mais, la plupart du temps, ce qui mobilise l'attente ou le désir des acteurs, c'est plutôt la négation présente du malheur. La perspective s'en trouve même, dans une certaine mesure, inversée: ce n'est plus la représentation d'une fin séduisante ou d'un futur satisfaisant à tous égards qui déclenche et qui retient ou maintient leur désir en attente. C'est, inversement l'irruption des embellies dans leur existence qui, venant apporter comme un démenti au malheur, paraît ouvrir d'autres horizons que celui d'une fin tragique. C'est ainsi que le plaisir et le bien-être éprouvé par Grange auprès de Mona l'amènent à reconsidérer totalement sa position dans l'existence:

‘"Il ne se sentait pas tendu, ni anxieux: c'était plutôt une rivière dans l'ombre des arbres, à midi. «Comme un poisson dans l’eau, se disait-il – j’ai trouvé mon bien; c’est facile – je suis bien là pour toujours.»" 241

Observons comment les images d'un bonheur paisible accordées à l'état serein du personnage ont pour effet de nier toute angoisse et même de pacifier la figure de l'ombre, dans ce qu'elle peut avoir de funeste, cependant que le héros, dans l'état euphorique qui est le sien, en vient à repousser subtilement l'idée de fin. Et c'est bien dans ce sens que l'aspirant Grange se surprend lui-même à évoquer, à propos de sa compagne, un au-delà mythique où les âmes des justes jouissent d'une félicité éternelle:

‘"«Tu es un paradis!» fit-il avec une espèce de stupéfaction paisible; et il s’étonnait lui-même de ce qu’il disait" 242 . ’

Mais par delà l'euphorie éternisant l'instant, la référence au paradis fonctionne aussi en résonance avec le titre rimbaldien Un balcon en forêt, lequel, comme l'a judicieusement remarqué J. Bellemin-Noël dans son étude, "se propose comme un écho" d'Une saison en enfer, en allant "au-delà d'un clin d'œil pour épater la galerie" et en évoquant "une connivence vraie, une association d'expériences et de recherches" 243 avec l'œuvre de Rimbaud 244 . Tout se passe donc comme si l'environnement infernal de cette "saison en forêt" 245 , pour reprendre une expression du texte qui semble répéter en écho la référence rimbaldienne, se trouvait, du même coup, effacé et transformé, par une sorte de miracle inespéré, en environnement édénique portant à son comble l'accomplissement du bonheur et ouvrant, semble-t-il à titre définitif, une perspective elle-même paradisiaque.

Ainsi, pour les protagonistes d'Un balcon en forêt, il en va comme si le malheur démenti dans le présent inaugurait l'attente et le désir en développant des formes d'espérance nouvelle qui ébauchent ou qui esquissent les contours d'une utopie. Mais ce récit, ainsi que les deux précédents, n'est pas seulement marqué par une vision projetant, à partir de l'expérience vécue et ressentie des acteurs, un avenir meilleur que le présent. Sont aussi mises en perspectives des représentations d'un avenir plus sombre et plus inquiétant, lesquelles sollicitent, bien évidemment, des configurations figuratives d'une tout autre nature.

Notes
220.

Voir, par exemple, dans l'Avant-propos, les considérations relatives au caractère non chrétien de la conquête du Graal: celle-ci "représente – il n'est guère permis de s'y tromper – une aspiration terrestre et presque nietzschéenne à la surhumanité tellement agressive qu'elle ne s'arrange décidément qu'assez mal d'un enrobement pudique et des plus hasardeux dans un contexte chrétien aussi incohérent que possible…" [Avant-propos pp.11-12].

221.

On peut, dans ce contexte biblique judéo-chrétien, évoquer la fréquente référence à la "promesse faite à Abraham et à sa descendance", à tel point que l'on a pu désigner le peuple juif comme celui de la Promesse.

222.

Voir dans Bloch (Marc), La société féodale, "La vassalité et le fief", Paris, Albin Michel, (1ère édition 1939), pp. 209-334.

223.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 23.

224.

Ibid; p. 30.

225.

Charaudeau (Patrick), Grammaire du sens et de l'expression, Paris, Hachette, 1992, p. 458.

226.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 31.

227.

Cogez (Gérard), Julien Gracq Le Rivage des Syrtes, Paris, PUF, 1995, p. 43.

228.

Gracq (Julien), Le Rivage des Syrtes, Paris, José Corti, 1951, p. 178.

229.

Ibid. p. 187.

230.

Ibid. p. 179.

231.

Coufignal (Robert), "La Bible dans l'œuvre romanesque de Julien Gracq", in Julien Gracq, actes du colloque international d'Angers, Angers, 2001, p.36.

232.

On peut se reporter au récit qu'en fait Ovide au premier livre de ses Métamorphoses: "les quatre âges" [Ovide, Les Métamorphoses, (traduction de Georges Lafaye), édition Gallimard, (coll. Folio classique), 1992, pp. 45-47].

233.

Au surplus, la formule "Heureux qui", propre au "genre des Béatitudes", tend à assimiler les faits envisagés à une situation d'exceptionnalité qui rend peu probable la réalisation de la proposition subséquente employée au futur. Comme pour le discours de Kundry analysé ci-dessus, le processus évoqué est soumis à une "double éventualité de réalisation", ce qui le rend tout à fait hypothétique.

234.

Gracq (Julien), Le Rivage des Syrtes, Paris, José Corti, 1951, p. 28.

235.

Ibid. p. 144.

236.

Ibid. pp. 204-205.

237.

Voir, pour ces questions, le III. 3 du chapitre I: "Un balcon en forêt, ou le temps suspendu".

238.

Greimas (Algirdas Julien) et Courtès (Joseph), Sémiotique dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979, p. 111.

239.

Gracq (Julien), Un balcon en forêt, Paris, José Corti, p. 109.

240.

Ibid. p. 25.

241.

Ibid. p. 67.

242.

Ibid. p. 66.

243.

Bellemin-Noël (Jean), Une balade en galère avec Julien Gracq, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1995, p. 12.

244.

Cette référence intertextuelle à l'œuvre de Rimbaud peut aussi s'autoriser du choix des Ardennes comme théâtre des opérations qui n'est pas seulement lié au contexte historique, ainsi que de la mention, dès la première phrase du texte, de la ville natale de l'auteur d'Une saison en enfer: "Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait à l'aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait…" [Un balcon en forêt, p. 9].

245.

Gracq (Julien), Un balcon en forêt, Paris, José Corti, p. 62.