Chapitre III. Le désir à l'œuvre

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment l'attente prenait diverses formes en se polarisant autour de deux dispositions paradoxales, voire contradictoires: le désir et la crainte. Jusqu'à quel point cette double postulation vers l'avenir oriente-t-elle la dimension actorielle des trois récits et l'activité même de leurs protagonistes? C'est, en premier lieu, dans Le roi pêcheur et Le rivage des Syrtes, œuvres qui ont en commun les mêmes gestes de "héros forceurs de blocus" 259 , que nous vérifierons jusqu'où le désir peut se manifester dans les formes et les limites les plus extrêmes, au point d'exposer le héros au risque de la transgression et de susciter, en retour, la résistance d'agents contre-évolutifs au mouvement qui leur est imposé. Puis l'analyse, prenant pour objet Un balcon en forêt, observera, dans une perspective en quelque sorte inversée, à quels aspects proprement imaginaires peut conduire, en marge de l'action, l'attente d'une autre forme de transgression des limites, celle liée à une invasion. Ce faisant, ces mêmes observations et l'analyse de la composante active des œuvres nous conduiront à nous interroger sur la place du désir comme principe génératif de l'œuvre narrative de J. Gracq.

Notes
259.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 11.