II. 1. Le roi pêcheur, un "Œdipe inversé"?

Dans Anthropologie structurale deux, Claude Lévi-Strauss suggère, à propos du mythe du Graal et du rapport entre Perceval et le roi pêcheur, qu'ils pourraient représenter, en simplifiant quelque peu, un "Œdipe inversé". Selon cette analyse, du fils de Laïos qui outrepasse tous les usages en matière de commerce sexuel, puisqu'il va jusqu'à commettre l'inceste, on passe, avec le héros de la quête du Graal, "à un chaste qui s'en abstient; un personnage subtil, qui connaît toutes les réponses, fait place à un innocent qui ne sait même pas poser de questions." 657 L'argumentation de l'anthropologue, s'appuyant sur l'hypothèse d'une corrélation entre l'énigme et l'inceste, l'énigme étant définie comme une "question à laquelle on postule qu'il n'y aura pas de réponse", se soutient de ce que le récit du Graal correspond, inversement, à une "réponse pour laquelle il n'y a pas eu de question". Tandis qu'avec la résolution de l'énigme, "l'inceste rapproche des termes voués à demeurer séparés", les récits du mythe du Graal mettent en scène des situations où la pureté du héros et son "impuissance en matière sexuelle (aussi bien qu'à nouer un dialogue proposé)" ont pour effet de laisser tarir la vie jusqu'à la stérilité. Dans quelle mesure Le roi pêcheur de J. Gracq reproduit-il le modèle œdipien antique, tel qu'on peut l'observer dans la pièce de Sophocle, Œdipe-roi, ou se propose-t-il comme une nouvelle variante de l'inversion de ce mythe que C. Lévi-Strauss prête au récit du Graal? Le choix d'une attente déçue qui caractérise, comme nous l'avons vu précédemment, la pièce de J. Gracq, procède-t-il d'une énigme personnelle non résolue, ou doit-il être interprété comme une nouvelle énigme destinée à déplacer ou à transférer le questionnement dans le champ de la réception, c'est-à-dire du côté du lecteur ou du spectateur? Et, s'il est bien vrai que J. Gracq vise moins, à travers les choix opérés, à exprimer ses propres problèmes qu'à susciter les attentes de son public, en manipulant les désirs de celui-ci, quels indices, dans le texte, permettent-ils de soutenir cette hypothèse et en quoi cette question ouverte et offerte au récepteur renouvelle-t-elle la vision que ce dernier peut se faire du mythe?

Bien des situations de la pièce autorisent à reconnaître en Perceval un descendant de la lignée d'Œdipe et des Labdacides. En effet, dès sa rencontre avec Amfortas, le jeune chevalier et le roi dont il fait la connaissance ont une conversation dont un passage semble autant faire écho à maints épisodes de la légende du roi tragique de Thèbes qu'à celle du jeune Gallois imaginé par Chrétien de Troyes:

‘"PERCEVAL
Vous parlez comme par énigmes. Il me semble que je n'y vois plus clair.
AMFORTAS
C'est que tu es encore un enfant. Tu pourrais être mon fils.
PERCEVAL
Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère m'a élevé seule. Il était roi.
AMFORTAS
Sombre.
Mieux vaut pour toi ne l'avoir jamais connu. Tous les fils rêvent de la mort de leur père. Et pourtant il est doux d'avoir un fils. (Un temps). Mais qu'importe! Tu es beau et jeune, tu siègeras à ma droite ce soir à Montsalvage, et tu seras traité comme mon enfant." 658

Certes le spectateur ou le lecteur n'est pas tenu d'identifier, dans des propos que Perceval lui-même juge énigmatiques, une référence à l'énigme du Sphinx qu'Œdipe parvint à résoudre pour son malheur et que les récits du mythe œdipien associent toujours à la situation incestueuse du héros. Le texte ne contient pas davantage d'indice le contraignant à admettre une homologie complète entre la situation de Perceval qui n'a "jamais connu [s]on père", lequel "était roi", et celle du fils de Laïos élevé dans la famille royale de Corinthe, loin de son géniteur. Pourtant, l'insistance mise par Amfortas à évoquer la rivalité de tous les fils avec leur père ne peut que renvoyer, par le détour de la psychanalyse, au meurtre du père qui constitue l'un des traits fondamentaux du complexe d'Œdipe identifié par S. Freud dans la tragédie de Sophocle. Et, du reste, l'hypothèse qui ressort d'une lecture attentive du Conte du Graal de Chrétien de Troyes et suivant laquelle "l'énigme fleure l'inceste" 659 semble trouver ici un écho dans ce passage de la pièce de J. Gracq 660 . Par rapport à cette version originelle du mythe, que J. Gracq ne perd jamais complètement de vue, même s'il confesse, dans son "Avant-propos" sa fascination toujours vive pour le Parsifal de Wagner, le texte ne contredit en rien l'idée d'une parenté, au moins hypothétique, entre les deux hommes. Amfortas ne déclare-t-il pas à Perceval: "Tu pourrais être mon fils" et "tu seras traité comme mon enfant"? Sans qu'il soit besoin, au demeurant, d'évoquer ces liens de filiation sans aucun doute plus intertextuels que biologiques, force est de constater l'existence d'une paternité au moins symbolique ou substitutive, à partir du rapport d'initiateur à initié qui caractérise, dans cette pièce, la relation entre Amfortas et Perceval 661 .

Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les relations entre Perceval et Kundry s'identifient, au moins symboliquement, à celles existant entre un fils et sa mère. Dès le deuxième acte, au cours duquel s'opère la rencontre entre les deux personnages, Kundry apparaît au héros comme la réincarnation de sa propre mère:

‘"PERCEVAL
On dirait qu'il y a tant de choses derrière votre nom, derrière vos yeux. Comme derrière la voix d'Amfortas. Tant de choses – et si peu de temps pour savoir! Comme les yeux de ma mère qui savaient tellement plus de choses que moi.
KUNDRY
Touchée.
Il sied donc que je veillesur vous à sa place etque je vous conduise au château. Le roi a donné ordre qu'on vous traite comme son fils." 662

Kundry est belle et représente, selon les propres mots de Perceval, non seulement l'image de la figure maternelle à travers la double métonymie des yeux, mais aussi l'objet d'un désir trouble et ingénument avoué quelques répliques auparavant 663 . Pourtant, là où Œdipe, dans la pièce de Sophocle, se présentait sans discernement, face à ses interlocuteurs, comme celui qui sait 664 , la conscience et le savoir sont ici attribués par Perceval à Kundry, ou à celle qu'elle représente à ses yeux, cependant que l'insistance sur le motif du regard, associé au thème de la lucidité, peut rappeler en contrepoint au spectateur ou au lecteur l'aveuglement du héros tragique de Thèbes que la révélation de son identité conduisait, au dénouement de la tragédie de Sophocle, à se crever les yeux 665 . Au vrai, ce qui s'opère ici entre les deux protagonistes, plutôt qu'une révélation de cet ordre, c'est tout au plus et incidemment, un rappel des éléments du mythe. L'essentiel du propos des personnages consiste à susciter réciproquement une relation de dépendance symbiotique, relation qui ne sera guère démentie par la suite. Perceval, qui s'emploie à placer Kundry dans cette position maternante, cherche, de toute évidence, à renouveler et à revivre l'état de fusion qu'il entretenait avec sa mère lorsqu'il était enfant. A cette proposition de liaison régressive son interlocutrice n'oppose aucun refus et ceci d'autant plus qu'elle entrevoit, dans le rôle que Perceval souhaite lui voir jouer, certains bénéfices secrets: ne va-t-elle pas pouvoir manipuler à sa guise l'éventuel sauveur de Montsalvage, si celui-ci lui est lié à tous égards comme un enfant? La logique œdipienne d'une telle relation se prolonge de ce que les deux interlocuteurs n'oublient pas de mentionner le troisième élément de la triade. Si, pour Perceval, la figure maternelle prend la forme des yeux, la métaphore paternelle passe, elle, par "la voix d'Amfortas". Faut-il entendre cette voix comme symbolisant, aux yeux du héros, la toute-puissance d'un père "imaginaire", perçu comme un rival fascinant et prohibiteur et lui dictant, sous forme de loi externe, la restriction de ses propres désirs? Ou bien faut-il, inversement, la percevoir comme celle du père "symbolique" instituant, à travers la séparation castratrice d'avec la fusion maternelle, le sujet Perceval comme sujet de désir, en procédant au creusement d'un manque 666 ? Il est clair qu'à l'endroit où se situe le texte (à la fin du deuxième acte), Perceval conçoit plutôt Amfortas comme un rival envié. Quelques pages plus loin, en effet, tout en étant fasciné, et manifestement effrayé, par la blessure du roi de Montsalvage, blessure dans laquelle le lecteur identifie sans effort une figure de la castration, le jeune chevalier exprime, à mots à peine couverts, son désir d'être à la place du roi blessé, objet de toutes les attentions de Kundry:

‘"PERCEVAL’ ‘C'est vous qui lavez tout ce sang... Avec ces mains si blanches. Vous devez être si bonne, si tendre... pour soigner... pour guérir. Il faut que vous soyez si dévouée! Si dévouée à lui..." 667

Un tel désir et son ambivalence expliquent, dans une perspective œdipienne et freudienne, "l'acte manqué" produit, à l'acte suivant par Perceval sur la personne du roi de Montsalvage:

‘"AMFORTAS
Moi. Tu m'as déjà reconnu. Rappelle-toi le bord du lac. Nos ombres se mêlaient dans l'eau. «Il me semblait que ma route passait par vous» (Il rit amèrement). Tu as beaucoup d'esprit quand tu ne réfléchis pas. Et à chevaucher droit devant soi, on ne réfléchit guère. J'ai eu plus de loisir et je sais, moi, que si tu te retournais maintenant pour regarder ton ombre, (Il se lève en face de Perceval)...c'est moi que tu reconnaîtrais, et tu comprendrais que je te suivrai toujours.
PERCEVAL
J'ai horreur et dégoût de ce que j'entends, et cependant tu me fais trembler de tous mes membres. Il y a un charme maudit sur toi, et je le connaîtrai!... et je te l'arracherai...
Il s'avance vers Amfortas avec un geste de menace et le pousse brutalement. Amfortas retombe lourdement sur sa litière. 668

Que Perceval éprouve, comme il le dit, de l'horreur et du dégoût pour les propos qu'Amfortas vient de tenir en affirmant, dans des termes quasi provocateurs, une identité entre eux deux ne suffit pas à expliquer la violence de sa réaction. En l'occurrence, il est primordial d'observer que, si le discours proféré par Amfortas à l'adresse de Perceval n'a été compris par ce dernier que comme une déclaration d'hostilités, le propos du souverain de Montsalvage, faisant ici figure de "père symbolique", était pourtant on ne peut plus légitime. Ce propos d'Amfortas porte, en effet, la marque de ce qu'en psychanalyse lacanienne on énonce sous le terme de "Nom-du-Père" 669 et – à condition toutefois que soient écartées les visées relatives à son entreprise déceptive ou manipulatrice –, tout se passe comme si ce discours s'employait à décrire le processus symboliquement en jeu dans une telle relation:

‘"si le Nom-du-Père est un concept fondamental dans la psychanalyse, cela tient au fait que ce que le patient vient chercher dans la cure est le trope de son destin, c'est-à-dire, ce qui de l'ordre de la figure de rhétorique, vient commander son devenir." 670

Car que signifie la ressemblance proposée par Amfortas, sinon le destin de Perceval, symboliquement identifié à cette "métaphore paternelle", soit à l'image de ce père d'emprunt, position à laquelle aboutira la sortie du "fils" hors du champ d'attraction qu'exerce encore sur lui, à ce moment de l'action, le désir de la mère? Et si Amfortas, dans l'évocation de leur destin commun, a pu utiliser à deux reprises le terme "ombre", c'est essentiellement pour signifier symboliquement à Perceval la nécessité qu'il a de placer cette identification sous le signe du deuil de la toute-puissance narcissique. La fureur s'empare alors de Perceval, qui n'entend qu'une chose dans ce discours, c'est que cherchent à s'imposer à lui la présence obsédante et la loi du père imaginaire. Mais, en même temps qu'elle manifeste son aversion de cette loi castratrice et son désir compulsif de toute-puissance, cette fureur est aussi le signe menaçant qu'une contagion mortifère est prête à s'opérer. Ainsi, sans connaître les vrais motifs qui le poussent à vouloir se séparer d'Amfortas, Perceval est en train de nier la loi du Père et sur le point de reproduire, au moins symboliquement, le geste œdipien de la souillure mythique. C'est, tout au moins ce qu'il convient d'entendre, après réflexion, dans la référence que fait Perceval à la malédiction tragique qui pesait sur la famille des Labdacides 671 , sans que celui-ci ne soit capable de voir combien son propos peut se retourner contre lui, selon le mécanisme de l'ironie tragique: "Il y a un charme maudit sur toi, et je le connaîtrai!..." 672

Cependant, là où Œdipe tuait réellement Laïos "à une bifurcation de route" 673 , Perceval se contente d'agresser verbalement Amfortas et d'ébaucher quelques signes physiques d'intimidation:

‘"Il s'avance vers Amfortas avec un geste de menace et le pousse brutalement." ’

On peut, dès lors, considérer que les gestes, accomplis ici dans l'ordre symbolique beaucoup plus que dans celui du réel, signifient moins le "meurtre du père" que l'émancipation du fils, d'autant que, dans les dernières pages du Roi pêcheur, comme on sait, le jeune chevalier finira par se réconcilier avec son hôte, devenu un père de substitution, en se rangeant à ses raisons. Et le silence de Perceval à l'occasion de la cérémonie finale, à laquelle il est vrai le spectateur n'assiste pas directement, manifeste paradoxalement son accès au monde symbolique qui est celui de la parole, dans le sens où ce refus de dire marque son détachement par rapport au Graal et à tous les mirages imaginaires du narcissisme. Si Perceval renonce, en effet, à formuler "la question qui brise les charmes" 674 , cela n'implique évidemment pas qu'il cesse de prétendre à tout désir pour son propre compte, ce qui serait absurde, mais cela signifie que, dans ce parcours à beaucoup d'égards comparable à celui du patient de l'analyse, "l'illusion doit défaillir avec la quête qu'elle guide". 675 Ce silence, qui doit "être considéré moins comme [signe] de limite, que comme [signe] de franchissement" 676 signifie symboliquement, pour le sujet, un acquiescement à la loi du Père, qui est reconnaissance de l'altérité, et l'aptitude à une vie sociale. Et les propos qu'Amfortas adresse à Kundry, dans la dernière scène de la pièce, pour justifier ses choix ("J'ai préféré le traiter comme un homme" 677 ) confirmeraient l'interprétation d'un héros devenu "un homme parmi les hommes" 678 , par le simple fait d'avoir vécu une transformation intérieure. Une telle transformation pourrait trouver, du reste, dans la dernière phrase d'Amfortas ("Un autre viendra" 679 ), son ultime gage, dans la mesure où cette phrase peut être interprétée, en référence au héros, comme le signe qu'ayant intégré la loi du père il est devenu capable de construire un rapport nouveau à l'altérité. Ainsi Le Roi pêcheur, sans s'affranchir totalement du modèle œdipien antique représenté par Œdipe-roi de Sophocle, donne, plus d'une fois, l'impression de correspondre à la variante inversée de ce mythe que C. Lévi-Strauss avait identifiée dans le récit du Graal. Plutôt que de reproduire l'inceste et le parricide commis par le héros tragique sophocléen, le Perceval de J. Gracq semble, en effet, davantagemarcher sur les traces du héros innocent de Chrétien. Quant au complexe d'Œdipe, dans sa vision freudienne, il apparaît beaucoup moins sous la forme d'une situation problématique que d'une résolution, où la question elle-même, n'étant précisément pas posée, se trouve finalement résolue dans son élusion. Il est vrai que la pièce s'origine aux mythes du Moyen Age qui, selon les propres termes de J. Gracq dans son "Avant-propos", sont tout autres que les mythes antiques "comme celui d'Œdipe, comme ceux des Atrides, mett[ant] l'accent sur les échecs noirs qui guettent l'homme aveugle aux prises avec les ruses d'une divinité mal intentionnée" 680 . Est-ce à dire que, au-delà de ce qu'il peut y avoir d'universel à toute expérience humaine, et que le mythe traduit dans sa fonction même de récit mythique, la fonction symbolique serait, en partie, tributaire des récits propres à une culture spécifique? En d'autres termes, si les variantes occidentales et médiévales du mythe œdipien apparaissent moins nettement marquées par le tragique, est-ce dû à l'imprégnation d'un certain discours judéo-chrétien, voire chrétien?

Pour répondre à une telle question, une hypothèse doit être émise ici, bien qu'elle anticipe quelque peu sur les développements ultérieurs, c'est l'idée d'une attache entre l'œdipe et le récit central des mythes empruntés au christianisme. Observons d'abord, avec Guy Rosolato, que, dans les récits du corpus néotestamentaire qui constituent les fondements de la culture chrétienne, "le triangle œdipien est nettement figuré avec la Sainte Famille, Jésus, Marie, Joseph." 681 Même si ce premier triangle n'est là qu'un simple préalable annonçant la Rédemption et préfigurant le déploiement d'une autre généalogie, il est important de noter que les désirs proprement œdipiens sont absents de la relation et se trouvent "déniés dans la relation même entre Marie et Joseph; la virginité de Marie sembl[ant] rendre inutile le souhait de mort à l'égard d'un père anodin" 682 . Mais surtout le christianisme offre, à travers le sacrifice du Fils, qui est Dieu, une "représentation des souhaits œdipiens (la mort du père, ou de Dieu), ce qui entraîne, en contrepartie, la restauration, la Résurrection du Christ, le retour du Père, permettant de récupérer la puissance paternelle, et de noyer une culpabilité trop lourde qui aurait été attachée à un sacrifice radical" 683 . Ainsi donc le récit chrétien de la mort du Fils, qui symbolise aussi celle du Père, propose au conflit générationnel dit œdipien une résolution permettant de faire l'économie de ce "meurtre". Il n'est donc pas tellement étonnant, dès lors, que la représentation de ce même conflit, dans un contexte largement influencé par le christianisme, puisse donner lieu à une version où les traits les plus violents se trouvent largement édulcorés ou tempérés. Ainsi pourrait s'expliquer, du reste, le fait que les mythes du Moyen Age "ne sont pas des mythes tragiques, mais des histoires «ouvertes» 684 . Pour en revenir à la pièce de J. Gracq, il apparaît, en tout hypothèse, que la représentation traditionnelle du roi méhaigné dans le personnage du roi pêcheur, pourrait bien confirmer les analyses de G. Rosolato. La figure d'Amfortas, ne fournirait-elle pas une vision composite et condensée des images d'un Père survivant à sa propre mort et celles du Fils crucifié, quand ce ne serait qu'à travers sa blessure au flanc, "qui n'est pas une blessure comme les autres" 685 , ou sa figure emblématique de "roi qui règne par son malheur" 686 ?

Notes
657.

Lévi-Strauss (Claude), Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 33.

658.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, pp. 80-81.

659.

Poirion (Daniel), Notice de Perceval ou le Conte du Graal, in Chrétien de Troyes, Oeuvres complètes, Bibl. de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1994, p. 1317.

660.

S'il est vrai, en effet, que le roi pêcheur que rencontre Perceval, dans le roman de Chrétien de Troyes, n'est pas le propre père du héros, puisqu'il est déclaré être son cousin, il s'agit pourtant, selon D. Poirion, d'un "cousin plus âgé (il a les cheveux gris), atteint de la même infirmité que l'était le père de Perceval". Voir aussi, sur ce point, l'étude de Jean-Yves Debreuille: "La quête inachevée: Chrétien de Troyes et Julien Gracq", L'école des lettres, n°6, janvier 1996, pp 175-193.

661.

On peut se reporter, sur ce point, aux pages du chapitre 4 où sont abordées, pour Le roi pêcheur, les questions relatives à une opération d'initiation doublant celle d'une manipulation déceptive.

662.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, pp. 85-86.

663.

Ibid. p. 83: "PERCEVALS'excusant Vous êtes si belle... Je suis si étonné..."

664.

Sophocle, Œdipe-roi, in Tragiques grecs, Eschyle Sophocle, Bibl. de la Pléiade, (traduction de Jean Grosjean), Paris, Gallimard, 1967, p. 659: on peut se référer, en particulier, à l'affrontement entre le devin aveugle Tirésias et le roi Œdipe qui prétend savoir: "TIRÉSIAS: [...] Puisque tu me reproches d'être aveugle, je te dirai que tu peux regarder, tu ne vois pas dans quel mal tu es, ni où tu habites, ni chez qui, ni avec qui. Sais-tu seulement de qui tu es né?"

665.

Ibid. p. 701: "Il lui arrache les agrafes d'or dont elle attachait ses vêtements; il les lève et s'en frappe le creux des yeux en disant: «Ils ne verront plus le mal que j'ai subi ni celui que j'ai fait.»"

666.

Lacan (Jacques), Écrits, Paris, Le Seuil, p. 278: "Même en effet représentée par une seule personne, la fonction paternelle concentre en elle des relations imaginaires et réelles, toujours plus ou moins inadéquates à la relation symbolique qui la constitue essentiellement."

667.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 88.

668.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 100.

669.

Voir, à ce sujet, Lacan (Jacques), Écrits, Paris, Le Seuil, p 278: "Même en effet représentée par une seule personne, la fonction paternelle concentre en elle des relations imaginaires et réelles, toujours plus ou moins inadéquates à la relation symbolique qui la constitue essentiellement. C'est dans le nom du père qu'il nous faut reconnaître le support de la fonction symbolique qui, depuis l'orée des temps historiques, identifie sa personne à la figure de la loi". On peut se reporter aussi aux dernières pages de l'article "D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose" [Ibid. pp. 577-583.].

670.

Hiltenbrand (Jean-Paul), article "Nom-du-Père", in Dictionnaire de la Psychanalyse, (sous la direction de Roland Chemama et Bernard Vandermersch), Paris, Larousse-Bordas, 1998, p. 282.

671.

Rappelons que Laïos, le père d'Œdipe, est à l'origine de la malédiction des Labdacides, pour avoir enlevé le jeune Chrysippe, fils de Pélops son hôte [Grimal (Pierre), articles " Chrysippe" et " Laïos", Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1951, p. 91 et pp. 248-249.]

672.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 100.

673.

Sophocle, Œdipe-roi, in Tragiques grecs, Eschyle Sophocle, Bibl. de la Pléiade, (traduction de Jean Grosjean), Paris, Gallimard, 1967, p. 674.

674.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 31.

675.

Lacan (Jacques), Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 680.

676.

Ibid. p. 680.

677.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, p. 150.

678.

Le propos est adressé, non sans arrière pensée, par Clingsor à Amfortas [Ibid. p. 51].

679.

Ibid. p. 150.

680.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, "Avant-propos", Paris, José Corti, 1948, p. 9.

681.

Rosolato (Guy), Essais sur le symbolique, Paris, Gallimard, 1969, (coll. Tel), p. 77.

682.

Ibid. p. 78.

683.

Ibid.

684.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, "Avant-propos", Paris, José Corti, 1948, p. 10.

685.

Ibid, p. 88.

686.

Ibid, p. 97.