I. Les promesses de l'art, ou l'attente comme œuvre projetée.

La thématique de l'attente,telle qu'elle nous est apparue dans les chapitres de la premièrepartie, constitue, de toute évidence, une constante dans les trois œuvres du corpus. Or, une telle attente n'est pas seulement relative au destin narratif des acteurs ni au devenir du monde dans lequel ils vivent; cette même attente concerne aussi les promesses de l'art. S'il est bien vrai, comme l'affirme T. W. Adorno, que ce qui se trouve promis par l'esprit de l'œuvre d'art, c'est "le lieu du moment sensible dans l'art" 879 , comment cette même promesse se manifeste-t-elle dans l'œuvre dramatique et narrative de J. Gracq? Pour ne pas alourdir le propos, nous choisissons de n'observer, sous ce rapport, que les deux premières œuvres du corpus, à savoir Le roi pêcheur et Le Rivage des Syrtes. Au-delà des formes génériques spécifiques, peut-on observer, dans les deux œuvres retenues, un mode d'engagement et de promesse similaire qui corresponde tout à la fois au moment où l'œuvre se conçoit et se révèle comme projet et à une anticipation de l'expérience proprement esthétique proposée au récepteur?

Notes
879.

Adorno (Theodor Wiesengrund), Théorie esthétique (1970), (traduit de l'allemand par Marc Jimenez et Éliane Kaufholz), Paris, Klincksieck, 1995, p. 124.