.

..qui nécessitent une approche double, comparative, en trois temps

Le sujet est une analyse des représentations qui mobilise deux points de vue

Le support cartographique permet une analyse des représentations car il matérialise la projection d’un Européen sur une terre étrangère et inconnue, pour laquelle il nourrit des objectifs religieux. Il renferme suffisamment d’informations pour posséder son identité propre et divulguer un discours distinct du texte habituel qu’il accompagne souvent. Son format l’individualise et facilite sa diffusion comme sa reproduction. Cette analyse se nourrit d’une double approche. Celle de l’historien enregistre des faits et met en perspective la carte dans son contexte. Exploitant plusieurs séries de cartes, il peut aussi rechercher des éléments récurrents, des continuités ou des faits isolés, pour établir l’éventualité d’un discours cartographique propre à la mission. Par exemple, les travaux d’Etienne Copeaux ont mis en lumière le discours cartographique de l’Etat turc à travers ses atlas et manuels scolaires, par une analyse comparative des espaces représentés et de leurs noms30. L’approche du géographe localise et interroge l’espace. Il se préoccupe de son appropriation et son organisation par la mission. De plus, il possède les outils habituels pour traiter les cartes dites mentales, auxquelles ressemblent davantage ces croquis. Ainsi, l’approche historique considère la carte comme un objet, à comparer à d’autres et à confronter aux faits de l’époque quand l’approche géographique s’intéresse davantage à son contenu. L’analyse de contenu tient compte des informations de la carte mais aussi des choix de figuration. Dans ce sens, elle s’inspire de travaux récents sur la géographie culturelle dont quelques principes ont été précisés par Joël Bonnemaison et Paul Claval. Cette école de géographie considère entre autre le croquis comme le reflet privilégié des représentations mentales. Enfin, véritable acte de communication, de surcroît quand elle est publiée et diffusée, la carte transmet un message. Il s’agit de l’identifier pour éclairer son sens. Les travaux du cartographe américain Brian Harley, connus en France grâce aux géographes Peter Gould et Antoine Bailly, ont montré le sens que prennent ces documents une fois déstructurés par un questionnement rigoureux31. Passés à la question qui vise à les « déconstruire », cartes et croquis dévoilent leur secret.

Le sujet doit envisager plusieurs types de cartes

Mettre en parallèle la mission et l’espace implique d’interroger tous les types de cartes qui touchent à l’évangélisation et que l’on peut résumer à trois genres : les premières sont celles qui portent sur la mission : elles la représentent, la localisent, délimitent ses contours. Les secondes sont celles de la mission, établie par un missionnaire, ou un membre de sa congrégation, et que leur contenu permet d’identifier. Les dernières sont produites pour la mission, afin d’améliorer l’efficacité de l’apostolat de terrain. Certains documents relèvent des trois types. En choisissant de les utiliser tous, il s’agit de repérer l’ensemble des relations qu’entretient le fait missionnaire et l’espace. Mais d’autres documents extérieurs à la mission sont nécessaires, comme les cartes d’explorateurs, de militaires, de commerçants, parus dans des revues scientifiques, publicistes, ou des atlas, français et étrangers. La comparaison du corpus initial composé de 230 pièces environ avec ces documents permet de confirmer ou de relativiser l’originalité de la cartographie missionnaire, en même temps qu’elle révélera ou minimisera l’existence d’un discours missionnaire. La présentation suivante adopte un classement selon la source et le mode de consultation32 :

Schéma 1 : les sources cartographiques consultées
Schéma 1 : les sources cartographiques consultées

Il s’agit dans un premier temps d’étudier globalement ce corpus, de relever les espaces les plus cartographiés ainsi que les territoires absents, de noter les progrès de la représentation et les tendances sur le siècle. Il s’agit aussi de comprendre le choix d’illustration cartographique adopté par l’Œuvre de la Propagation de la Foi pour sa revue des Missions catholiques(PartieI).Dans un deuxième temps, une cinquantaine de documents particulièrement significatifs du corpus fait l’objet d’une analyse de contenu. Pour cela, une grille d’analyse précise vise à les faire parler : après avoir rappelé l’identité du document, elle interroge son contenu puis son rapport au texte qu’il -ou qui l’- accompagne. Ce rapport est essentiel car il évalue le degré d’autonomie de la carte et permet d’envisager un message voire un discours qui lui est propre. C’est ce discours qui permet de classer les documents en distinguant les trois autres acteurs de la mission, avec laquelle l’Œuvre de la Propagation entretient une correspondance permanente : le missionnaire, sur le terrain (Partie II) ; l’institut missionnaire, à l’arrière en Europe (Partie III) ; la Propagande et le Saint-Siège, à Rome (Partie IV). Chacun produit et échange des cartes avec les autres, animant le réseau de correspondance qui les réunit pour rendre l’évangélisation plus efficace. Les distinguer, c’est envisager des motifs de cartographie différents qui donnent lieu à des documents particuliers.Enfin, dans un troisième temps, il s’agit d’interroger la postérité de ces documents pour expliquer l’oubli dans lequel ils sont tombés depuis (Partie V).

Schéma 2 : les acteurs de la mission
Schéma 2 : les acteurs de la mission
Notes
30.

COPEAUX Etienne, Une vision turque du monde à travers les cartes de 1931 à nos jours, CNRS éditions, Paris, 2000, 240 p.De l’adriatique à la mer de Chine ; les représentations turques du monde turc à travers les manuels scolaires d’histoire, 1931-1993, Thèse, Université Paris VIII, 1994, publié sous le titre Espaces et temps de la nation turque ; analyse d’ une historiographie nationaliste, 1931-1993, Paris, CNRS éditions, 1997.

31.

HARLEY John Brian, Le pouvoir des cartes ; Brian Harley et la cartographie, textes réunis par GOULD Peter et BAILLY Antoine, Paris, Economica, 1995, 120 p.

32.

Soit l’auteur est missionnaire, soit il appartient aux autres activités qui cartographient : explorateur, géographe, commerçant ou militaire. Soit la carte est manuscrite, disposée dans un fonds d’archives, soit elle est publiée et se trouve dans une revue, spécialisée, grand public ou scientifique, ou encore un ouvrage. Parmi les atlas, il faut distinguer ceux qui traitent de géographie de ceux spécialisés sur la mission.