« La carte sert à l’intelligence de.. »

Intimement liée au texte, c’est-à-dire la correspondance missionnaire, la carte localise son action en la replaçant sur le territoire. Elle confirme sous forme graphique les informations du texte mais en leur donnant un sens spatial. L’« intelligence » dont il est question vient du fait que le lecteur est invité à localiser sur la carte les événements décrits par le texte. Cette consultation synchronique est vivement encouragée par la revue, notamment en ce qui concerne les récits les plus longs : à chaque nouvel épisode, une note sous le titre placée en bas de page renvoie à la carte parue avec le premier épisode. Elle constitue le référent spatial et assure le lien entre des morceaux de récits qui manquent parfois de cohérence.

La carte véhicule la notion de progression, de cheminement, surtout quand elle représente un itinéraire, avec un sens pour le parcourir. Le lecteur est invité à suivre, village après village, étape par étape et presque pas à pas le missionnaire. Avec lui, il pénètre au cœur de la mission ou bien il atteint ses marges, c’est-à-dire le cœur de l’Afrique. L’index posé sur la carte, les yeux sur le texte, le lecteur des Missions catholiques se rapproche du missionnaire. Il est impliqué dans son déplacement, d’autant plus que le récit est habilement construit dans cet objectif. Les lettres missionnaire, plus ou moins édifiantes, correspondent à un genre littéraire normalisé qui vise entre autre à transporter le lecteur dans l’exotisme le plus complet et à lui donner l’occasion d’exalter sa foi.

Mais la carte suscite de nouvelles interrogations : pourquoi cet itinéraire a-t-il été préféré à celui-là ? Pourquoi fonder une station à cet endroit, auprès de cette population ? Que devient alors cette partie de la mission ? etc. Le document graphique invite le lecteur à avoir une réflexion sur l’espace de la mission. Il peut ensuite servir une argumentation : « comme le montre la carte, telle mission est vaste et les stations restent timidement sur son pourtour : il faut l’encourager ! » ou bien « cette mission est limitée, quadrillée par un réseau de stations dense : elle mérite de recevoir le meilleur soutien ! ». La carte donne suffisamment d’informations pour que le lecteur prenne conscience des enjeux territoriaux : ceux-ci sont fixés par les populations à évangéliser, les moyens et les obstacles qui se présentent. Les concernant, le missionnaire exagère souvent la situation, ce qui a pour effet de maintenir l’intérêt.

Suivre le missionnaire, réfléchir sur l’espace de sa mission, participer finalement à ses choix d’évangélisation, c’est impliquer un peu plus le lecteur dans le mouvement d’évangélisation. Cette implication non dénuée d’intérêt a pour corollaire une meilleure connaissance de l’Afrique, mais selon une approche ponctuelle et réduite à la mission.