Conclusion 

Les cartes missionnaires et les cartes marines partagent une même diversité qu’il est possible de regrouper selon les critères d’auteur, d’échelle et finalement de sujet. La carte du missionnaire itinérant témoigne de choses vues, et rapportées à grande échelle ; elle nous informe sur les questions que peut soulever sa correspondance. Celle établie dans la résidence ou à la bibliothèque d’une congrégation présente globalement la mission, à une échelle plus petite ; elle répond à des questions du type « Quelle est son étendue ? Quel relief, quel cours d’eau la traversent ? Quels groupes humains la composent ?.. ». La dernière, à petite échelle, qui représente plusieurs missions d’une région ou d’un sous-continent, commandée par les Missions catholiques, répond aux questions comme « Quelles missions se divisent la région ? Tout l’espace est-il couvert ? Quelle congrégation est impliquée dans cette région ?.. ». Au-dessus, il existe assez peu de cartes à l’échelle planétaire. Ce niveau scalaire devrait être représenté par les services de la Propagande à Rome, chargé de fixer toutes les limites entre les missions qu’elle attribue. Mais De Propaganda Fide préfère récompenser les atlas ou les planisphères déjà publiés plutôt que d’affronter la critique en produisant une image officielle. L’échelle mondiale reste donc le fait d’atlas isolés ou du Planisphère des Missions catholiques, régulièrement publié et réactualisé161. En offrant aux lecteurs des Missions catholiques une telle diversité scalaire, l’Œuvre veut montrer que l’évangélisation s’apprécie pleinement à différentes échelles, et que chaque niveau, du plus local à celui de la planète, enregistre des progrès visibles, destinés à mobiliser les aides.

Ainsi, de la station de brousse où vit le missionnaire isolé, jusqu’au siège de la Propagande à Rome, en passant par la résidence du vicaire apostolique, un vaste mouvement de collecte d’informations vise à centraliser toutes les connaissances sur les missions, en empruntant la voie hiérarchique. Parallèlement, d’autres acteurs réclament d’être tenus informés : l’institut dont sont issus les missionnaires, tout d’abord, qui a pris soin de ne pas couper ses liens avec ces hommes qu’il a formés et qu’il continue à gérer ; ils sont tenus de lui envoyer un rapport permanent sur l’état de la mission ; en contrepartie, il les conseille et supervise leurs démarches auprès de Rome, dans son intérêt. L’Œuvre de la Propagation de la Foi ensuite, toute comme la Sainte-Enfance, qui, en échange du financement qu’elles apportent, exigent une relation suivie et précise des missionnaires. Chaque acteur de la mission, qu’il soit sur place en Afrique ou à l’arrière en Europe, produit des cartes. Elles sont ensuite adressées aux autres, en « remontant » la hiérarchie, à l’inverse des règles et consignes qui « descendent » de Rome vers le missionnaire. Toutes contribuent à mettre en scène la mission, mais pour des objectifs et des modalités très différentes. Il faut donc appliquer aux cartes un tri scalaire. En regroupant ensemble les cartes d’une même échelle et partageant un même sens, il s’agit de découvrir quels objectifs elles poursuivent.

Schéma 3 : « montée et descente » de l'information missionnaire
Schéma 3 : « montée et descente » de l'information missionnaire

Notes
161.

Le Planisphère des croyances religieuses et des missions chrétiennes, élaboré par Valérien Groffier en 1882, pour le compte des Missions catholiques, et réédité en 1890, reçoit un remerciement du pape. De même, les Atlas des missions catholiques sont parfois salués et récompensés par la Propagande, quand leur travail est jugé satisfaisant. C’est le cas de l’œuvre du P. Werner qui a consacré deux longues années à exploiter les archives de la Propagande, grâce au minutante Zonghi.. WERNER O., Katholischer Missions-Atlas, Freiburg im Brisgau, Herder, 1884, 19 Tafeln.